Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Décès de Pierre Le Goff à 91 ans…
C’est le dessinateur Pierre Tranchand (Pica) qui vient de nous apprendre le décès de Pierre Le Goff, le 4 décembre 2023, à l’âge de 91 ans… Pour lui rendre hommage, nous remontons en Une – et en un seul article – les deux « Coins du patrimoine » que nous lui avions consacré, il y a quelque temps. Pierre Le Goff a publié ses premiers dessins en 1950, dans l’hebdomadaire Zorro. Cette collaboration marqua le début d’une longue carrière dans le monde de la bande dessinée pour un homme qui avouait, volontiers, ne jamais avoir trouvé plaisir à dessiner. Si parfois ses fonctions de syndicaliste ont fait de l’ombre au dessinateur, il laisse une œuvre importante et variée dont l’autodidacte qu’il est pouvait être fier.
Pierre Le Goff est né à Paris le 21 février 1932.
Sa famille habite à Boulogne-Billancourt, puis au Mans où son père est employé par la firme Renault.
Bien que ses parents souhaitent le voir travailler aux Halles, il décide de tenter sa chance dans le dessin : tout en étant, par sécurité, employé par une entreprise de transport située rue du Caire à Paris.
La SFPI : premières histoires et une épouse
Grâce à une relation de son père, Pierre Le Goff est embauché en 1949 par Jean Chapelle : le fondateur de la Société française de presse illustrée (SFPI).
D’abord employé comme homme à tout faire, il fait connaissance avec André Oulié (dessinateur de « Zorro »), Jean Pape qui anime « O’Brient » (1) et Jacqueline Voilot : la nièce du patron qui fait du lettrage.
Très vite, André Oulié, qui fait office de rédacteur en chef sans en avoir le titre, lui propose de réaliser un premier travail de graphiste.
Il commence par illustrer, avec discrétion, le roman de Joseph Kessel « Au grand balcon », à partir du n° 205 de l’hebdomadaire Zorro (mai 1950).
Deux semaines plus tard, il signe sa première bande dessinée : « La Cité perdue » qui débute dans le n° 207 (mai 1950).
Ce récit exotique en huit pages prend fin dans le n° 210.
Il évoque l’exploration du Matto-Grosso, à la fin du XIXesiècle, par le professeur Mac Claim.
Le trait est déjà séduisant pour un premier essai dans la bande dessinée et le jeune débutant n’a pas à en rougir, bien au contraire.
Ayant visiblement convaincu son employeur, il revient dans le journal dès le n° 223 (octobre 1950) avec « Ouapousk roi du pôle ». Une histoire qui conduit le lecteur au cœur du Grand Nord canadien, dont les vastes espaces encore sauvages inspirent le dessinateur. Ce récit crédité Step et Verse au scénario est publié en 56 strips en bas de page, jusqu’au n° 236.
Deux histoires complètes — dont il est le scénariste — sont proposées au cours de la même période : « L’Homme traqué » dans le n° 225 et « Trafic d’armes » dans le n° 230.
Le n° 241 (21/01/1951) lui permet d’aborder une histoire plus longue en deux parties : « Tuniques bleues ». Ce western, qui prend fin au n° 272, relate les combats de Teddy Bradley, soldat du Septième de cavalerie, aux prises avec les Indiens Cheyennes.
Un troisième épisode (« La Révolte de Cochise ») est présenté du n° 292 (13/01/1952) au n° 321.
Entre ces deux récits, Pierre Le Goff revient au Canada en créant Bob Monty, héros de deux aventures publiées du n° 273 (02/09/1951) au n° 291, puis du n° 322 au n° 333 (octobre 1952).
En octobre 1952, Zorro change de formule et se présente avec deux couvertures recto et verso. La première est réservée aux aventures de l’inamovible Zorro, la seconde baptisée Zig Zag présente un grand dessin réalisé par Pierre Le Goff.
La formule se poursuit jusqu’au n° 19 (mars 1953), permettant au débutant de prouver, grâce à son sens de la mise en scène, qu’il joue désormais dans la cour des grands.
Ces histoires de jeunesse seront reprises, parfois remontées, dans les diverses collections de récits complets publiés par la SFPI de 1950 à 1953 : Zorro magazine, Supplément de Zorro, Héros magazine et Le Clan.
Entre-temps, le jeune homme s’est uni à Jacqueline, la nièce de Jean Chapelle qui, tout au long de sa carrière, se révélera plus qu’une épouse, le secondant avec efficacité dans son travail de dessinateur, mais aussi dans son activité syndicale. Il part effectuer son service militaire en 1952, se fâche avec Jean Chapelle qui lui reproche de courtiser sa nièce : laquelle sera à son tour renvoyée, contrainte d’aller défendre ses droits aux prud’hommes.
Pour en finir avec sa collaboration à la SFPI, notons qu’il publie la série « Lucky chien-loup » dans le format de poche Bimbo, de juin 1956 à novembre 1958.
Au total, 27 épisodes réalisés incognito, dont il effectue seulement les crayonnés encrés par sa femme Jacqueline. Quelques épisodes des aventures de ce chien courageux évoluant dans le Grand Nord canadien sont d’ailleurs signés J. Voilot.
Il effectue son service militaire à Paris grâce à l’intervention de madame Huin qui dirige la Société d’éditions générales (SEG), dont les bureaux sont situés à la même adresse que la SFPI. Au cours de cette période, il livre deux histoires écrites par Maurice Limat pour Sans Peur : « L’Expédition du Ri-Kiki » (n° 21 de mars 1953) et « On a volé un scaphandre » (n° 27).
Pour À travers le monde, il crée « Bob Flash » (n° 80 à 85, en 1953/1954) et réalise trois récits complets. Sa dernière histoire pour la SEG (« La Forêt des géants verts ») est publiée dans le n° 92 de À travers le monde (octobre 1954).
La plupart de ces travaux seront repris dans d’autres titres de la SEG, et plus particulièrement dans Sans Peur.
Au cours de ses années d’apprentissage, Pierre Le Goff fraternise avec d’autres jeunes débutants. Parmi eux, Pierre Le Guen (né en 1929, et à qui nous consacrerons bientôt un prochain « Coin du patrimoine ») : lequel l’influence dans la recherche de son trait.
Plus tard, les deux hommes auront l’occasion de se dépanner mutuellement lorsqu’ils seront débordés de travail.
Dix ans chez Del Duca
Son service militaire terminé, sur les conseils d’un ami il se présente en 1955 aux Éditions mondiales créées par Cino Del Duca (2), où il est embauché.
S’il n’a jamais eu l’occasion de rencontrer le patron, Jacqueline Lhérisson — la rédactrice en chef du département jeunesse — lui assure un travail régulier.
À l’occasion d’un changement de formule, l’hebdomadaire Hurrah ! présente des résumés de films adaptés et racontés par Alain Bertrand sous forme de récits complets en quatre planches. Aux côtés de Guy Mouminoux, Bob Dan, Jacques Souriau, Edmundo Marculetta, Miguel Munoz, Rémy Bourlès… le nouveau venu se voit confier une trentaine d’adaptations, jusqu’en 1959.
La première (« Fortune carrée ») est publiée dans le n° 114 (24/12/1955), la dernière (« Du sang dans le désert ») dans le n° 293 (29/09/1959). Notons aussi « Rio Grande » (n° 121), « L’Homme de la plaine » (n° 126), « Odongo » (n° 213), « Le Jugement des flèches » (n° 289)… On lui doit également une douzaine d’histoires complètes aux thèmes divers parues du n° 127 au n° 282 : récits historiques, westerns ou encore enquêtes policières.
N’oublions pas les 30 belles pages des « Naufragés de l’univers » : l’unique aventure fantastique de Jim Rocket, écrite par Jacqueline Lhérisson, publiée à suivre du n° 149 au n° 164.
L’Intrépide, l’autre hebdomadaire destiné aux jeunes proposé par les Éditions mondiales, lui ouvre ses portes dès son n° 335 (29/03/1956) où il dessine « Alerte en Laponie ».
Il propose surtout de courtes histoires en deux pages de la série « Aventures vraies », réalisée en alternance avec d’autres dessinateurs : « L’Aviateur perdu » (n° 348), « Le Roi de l’évasion » (n° 412), « Le Pays interdit » (n° 441), « Panique dans la plaine » (n° 447)…
En juin 1959, L’Intrépide et Hurrah ! fusionnent en un seul journal poursuivant la numérotation de L’Intrépide. Il y réalise trois derniers récits complets jusqu’au n° 520 (14/10/1959) concluant cette collaboration avec « Œil de lynx enquête ».
Lancé en mars 1961, Hurrah ! : pour vous jeune homme est un bimensuel de format digest destiné aux adolescents. Au fil des 20 numéros parus, il réalise des récits complets en neuf pages aux personnages récurrents : deux épisodes de « Pierre-Arnault reporter » (n° 3 et 6) les suivants étant signés Pierre Dupuis, six aventures du judoka Dan Panther (n° 7, 11, 13, 15, 18 et 20 du 22/01/1962).
À noter que, parfois débordé de travail, son ami Pierre Le Guen lui vient en aide sur quelques pages. Faute de succès, le magazine est remplacé par Télé Jeunes en février 1962. Il y adapte trois succès de la télévision : « L’Affaire du collier de la reine » (n° 4), « Gavroche » (n° 6) et « Amédée Domenech » (n° 10). Après 11 numéros, le journal devient TV France, dernière étape avant la création de Télé Poche : deux journaux familiaux où les bandes dessinées se font plus rares et dont il est absent.
On lui doit aussi des illustrations de nouvelles policières réalisées au lavis pour Fantomas : hebdomadaire de romans-photos édité par Del Duca en 1962 et 1963.
Toutes ces pages sont signées Pierre Brisson : pseudonyme inspiré par le patronyme de sa mère née Brisson de Saint-Amand.
Rappelé en 1957 par l’armée, il entre dans la clandestinité sous ce nom, afin d’éviter le départ pour l’Algérie alors en guerre.
Dénoncé par un voisin, il passe quelques mois à la caserne Charras de Courbevoie, avec l’autorisation de rentrer chez lui le soir. De cette expérience, il conservera ce pseudonyme qu’il utilisera régulièrement par la suite.
La presse jeunesse en berne, il est invité à collaborer à l’agence Mondial Presse, créée par Cino Del Duca afin d’alimenter en bandes dessinées le quotidien Paris-Journal né du rachat, en 1957, de Franc-Tireur.
Dans les pages de son successeur devenu Paris-Jour en 1959, Pierre Le Goff réalise sous son nom, de 1962 à 1965, de superbes bandes verticales réalisées au lavis avec les textes placés sous les images.
Inspirés par « Les Amours célèbres » de France-Soir, les textes des « Plus Belles Amours » sont majoritairement écrits par Alain de Saint-Sauvant, mais aussi par Michel de Sarcel, J. Wilmes… Parmi une vingtaine de récits illustrés par ses soins, comptant entre 24 et 30 bandes, notons : « La Brinvilliers », « Héloïse et Abélard », « Maurice de Saxe », « La Duchesse du Maine », « Lacenaire », « Les Aventures de Marianne », « Un nommé Jacques Bonhomme »… La série se poursuit avec Pierre Frisano (3), Lucien Nortier, Rémy Bourlès… jusqu’à la disparition du quotidien en 1972. En conflit avec Del Duca le bouillant dessinateur quitte Mondial Presse en 1965, un pied déjà chez Opera Mundi.
En attendant la presse quotidienne
Tout en travaillant avec régularité pour les Éditions mondiales, Pierre Le Goff qui, comme nous l’avons vu, signe à l’époque Pierre Brisson multiplie les tentatives de collaboration chez d’autres éditeurs, tout au long des années 1950 et au début des années 1960.
En 1954, il réalise un premier récit pour la World Press destiné aux « Belles Histoires de l’Oncle Paul » écrit par Octave Joly. « Pierre Puget » est publié dans le n° 854 (26/08/1954) de Spirou, suivi par six autres livraisons jusqu’au n° 1201 (20/04/1961) : « Louise de Bettignies », « Week-end chez les pirates », « L’Épopée du Mayflower », « Gandhi »…
L’ensemble de ces pages est repris, en 2012, dans un album publié par le microéditeur La Vache qui médite.
Pour la même agence, il dessine un épisode des « Grands Noms de l’Histoire de France » destiné à Pistolin n° 18 (octobre 1955) : « Garnerin », écrit par Jean-Michel Charlier.
Toujours en 1954, il réalise quelques illustrations de nouvelles pour l’hebdomadaire Fillette de la SPE, ainsi que dans Fillette spécial. Cette collaboration minimaliste se poursuit jusqu’en 1957.
Il réalise en 1956 quelques pages de BD et des illustrations dans Âmes vaillantes aux éditions de Fleurus, signées du nom de sa femme : Jacqueline Voilot.
Toujours pour les hebdomadaires destinés aux fillettes, il propose en 1959 quelques pages dans La Semaine de Suzette,
puis dessine trois récits complets dans Lisette en 1961.
De 1958 à 1961, il travaille pour les éditions Artima de Tourcoing. Il publie quatre récits indépendants dans Cosmos en 1958/1959, deux autres dans Spoutnik et Monde futur en 1959. Il participe à la série « Tomic » dans Téméraire, réalisant quatre épisodes écrits par Jean Lombard, de 1959 à 1960 : « Engagement sur la rivière » (n° 12), « Le Peloton anéanti » (n° 29)… On lui doit aussi quelques couvertures du magazine.
Enfin, en 1959, il succède à Lucien Nortier, concluant le premier épisode du western « Capitaine James » publié dans la première série du format de poche Totem des éditions Aventures et Voyages (du n° 41 de septembre 1959 au n° 49 de mai 1960). D’autres épisodes de cette série écrite par Roger Lécureux sont proposés dans Whipee !, du n° 7 (juin 1960) au n° 10 (juin 1961), et dans Apaches n° 7, 8 et 9 en 1960. Ces histoires sont signées Pierre Brisson.
Ancien capitaine de l’armée américaine, Frank James fait respecter la justice, accompagné par le jeune Tiboy et le vieux Slimy l’Ours. Un trio classique des BD westerns de l’époque. L’ensemble des 16 épisodes de 60, puis 50, pages est réédité dans le mensuel La Route de l’Ouest en 1985 et 1986 (n° 128 à 142).
Après une brève collaboration au petit format Caméra des éditions Vaillant ou il dessine deux aventures de Bob Mallard écrites par Henri Bourdens en 1954 et 1955, il revient chez cet éditeur en 1960. Pendant trois ans il livre une vingtaine de récits complets dans l’hebdomadaire Vaillant à partir du n° 780 (24/04/1960) jusqu’au n° 957 (15/09/1963).
On lui doit aussi « Sorge, l’agent secret qui sauva Moscou » (n° 1075 du 19/12/1965) et des illustrations de nouvelles.
Il dépanne Pierre Le Guen pour l’épisode « L’Émir aux oiseaux » une aventure de « Nasdine Hodja » (n° 1236).
Il retrouve ce personnage, dont les scénarios sont écrits par Roger Lécureux, dans les n° 3 et 4 de L’Insaisissable poche en 1967 et 1968 : « Le Troisième Gong » et « L’Œil de feu ».
À suivre… ci-dessous.
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
Merci à Mariano Alda pour les scans de « Bob Mallard » dans Caméra.
(1) Voir Jean Pape : l’homme aux deux casquettes….
(2) Voir Cino Del Duca : de la presse du cœur à la BD….
(3) Voir Hommage à Pierre Frisano….
Des strips par milliers
Au début des années 1960, Pierre Le Goff rencontre, grâce à madame Fonvielle-Alquier qui travaille pour Aventures et Voyages, son mari qui est journaliste à Libération : quotidien fondé par d’Astier de La Vigerie et financé par le PC. Il dessine en 1962 « Histoire de trois crimes » (scénario René Dazy et Fonvielle-Alquier) sous forme de bande verticale. Puis, il propose l’adaptation de « Moby Dick » d’Herman Melville dans une série de très beau strips avec les textes rédigés par Jacqueline Le Goff placés sous les images. Au total, 198 bandes publiées en 1962 et 1963 sous le copyright Pierre Brisson. Elles sont reprises par L’Union, Alger républicain, La Nouvelle République… grâce à l’agence Opera Mundi fondée avant-guerre par Paul Winkler qui lui en rachète les droits de distribution lors de son arrivée à l’agence, en 1964.
Dès son entrée, il s’attaque à la mise en images sous forme de bandes verticales réalisées au lavis de l’adaptation, par le Colonel Rémy, des aventures de Francis Coplan. Les romans cartonnent depuis 1953 aux éditions du Fleuve noir. Coplan, alias FX 18, est un ingénieur travaillant pour les services secrets français, traquant les espions aux quatre coins de la planète. La signature Paul Kenny dissimule les noms de deux romanciers belges : Jean Libert (1913-1995) et Gaston Van den Panhuyse (1913-1981).
Six longs métrages de 1957 à 1960, une version en bande dessinée aux éditions Aredit (45 numéros de la collection Comics pocket de 1969 à 1981), Coplan est à l’époque un héros incontournable. Afin de ne pas faire doublon avec Paris-Jour où il travaille encore, Gérald Gauthier (le secrétaire général d’Opera Mundi) lui demande de prendre un nouveau pseudonyme. Il propose Pol Greffière : anagramme de son nom.
En alternance avec « OSS 117 » dessiné par Pierre Degournay, puis Frédérik Lind (Walter Fahrer), 2 625 bandes des aventures de « Coplan » sont publiées de 1964 à 1980 dans Le Parisien libéré, reprises en province dans Le Maine libre, Nice matin, La Dernière Heure, Le Progrès, Libération Champagne… Un travail de dingue dont il confie à Guy Lehideux dans Hop ! : « J’ai travaillé pendant des dizaines d’années pour Opera Mundi avec un seul jour de repos : le 1er mai. Quand j’ai été très occupé avec le syndicat, des tas de collègues ont fait mes bandes à ma place : Di Marco, Marcello, Massard, Ribera… »
Tout en produisant sa bande quotidienne, il trouve encore le temps de signer quelques bandes horizontales : « Gens de la noce » d’après Georges Ohnet adapté en 141 bandes publiées par L’Aurore en 1966,
« Rouletabille » de 1969 à 1971 d’après Gaston Leroux dont il met en images « Le Mystère de la chambre jaune » (152 bandes) et « Le Parfum de la dame en noir » (163 bandes) pour La Marseillaise, La Voix du Nord, Le Républicain lorrain.
Enfin, en 1971/1972, il s’attaque à « Jean-Auguste Sutter » en 192 bandes verticales pour la série des « Destins hors-série » d’Anne et Serge Golon : l’une des plus longues séries produites par Opera Mundi, publiée en avant-première par Le Parisien libéré qui, à l’époque, flirte avec les 5 000 bandes.
En 1981, Georges Itain, successeur de Gérald Gauthier, lui propose de reprendre le strip quotidien muet du « Professeur Nimbus » créé en 1934 par André Daix. Il dessine l’ultime stripportant le n° 13 311 en 1991, après en avoir réalisé plus de 2 300. Entre-temps, Opera Mundi est devenu Agepresse.
Pierre Le Goff endosse avec talent le costume de dessinateur humoristique. Son « Nimbus » est publié dans La Voix du Nord, Le Progrès, Le Journal du Centre, La Meuse (en Belgique)… Les premiers strips sont signés J. Darthel, puis de son nom après la disparition d’Opera Mundi.
Si parfois des confrères lui donnent un coup de main, lui aussi leur vient en aide en cas de coups durs.
C’est le cas pour Henry Blanc (1) pour qui il dessine des strips de « San Antonio » en 1971, alors que ce dernier avait des problèmes de vue.
Il a aussi dépanné Angelo Di Marco (2) pour terminer « Janique Aimée ».
Pour en finir avec la presse, on lui doit « Le Roman de 36 » écrit par Jean Fréville dans l’Humanité en 1966 et « Un Shérif de trop » (scénario Georges Rieu [3]) dans L’Almanach de l’Humanité 1966.
Il est crédité dans Hop ! d’un récit de la série « Les Amours célèbres » pour France-Soir : « Médora la fille de lord Byron », une fois encore pour aider Charles Popineau malade. Il en aurait réalisé 24 bandes sur 32 publiées en décembre 1971 et janvier 1972, mais son nom ne figure pas au générique de cette histoire signée Yves Grosrichard et Charles Popineau. Enfin, il livre des illustrations de rubriques et de nouvelles pour Le Journal du dimanche de 1968 à 1973.
La presse, mais pas seulement
Tout en produisant sans interruption pour la presse quotidienne Pierre Le Goff trouve encore le temps de travailler pour d’autres supports tout au long des années 1960/1980.
Il réalise 24 récits complets authentiques en trois pages pour le bimensuel Francs-Jeux, du n° 362 (15/01/1961) au n° 468 (15/03/1966). Notons : « Pour le maillot jaune » (n° 362), « L’Or noir » (n° 394), « Fort Alamo » (n° 425), « Sur la piste » (n° 451), « Le Captif au bras bandé » (n° 468).
On le rencontre aussi dans Piloteà la fin des années 1960. On lui doit 13 récits complets le plus souvent liés aux célèbres « Pilotorama » : « Kidnappons le général » (n° 390 du 13/04/1967), « Commando secret » (n° 394 du 11/05/1967), « Audacieuse Évasion » (n° 460)… enfin « Les Pérégrinations de la monnaie » (n° 562 et 563 du 20/08/1970).
En 1972, il démarre une collaboration de dix ans avec le mensuel Amis Coop : le journal des coopératives scolaires. Il propose une trentaine de récits authentiques, de « Joyeux Noël » dans le n° 139 (décembre 1972) à « L’Ambassadeur magicien » dans le n° 246 (mai 1982). Notons « Spartacus » (n° 141 et 142), « L’Affaire Manet » (n° 159), « Garibaldi » (n° 214), « On a tué le roi » (n° 236)…
Après avoir racheté l’hebdomadaire Tintinaux éditions Dargaud en 1975, Paul Winkler nomme Pierre Le Goff au poste de journaliste non permanent, de janvier 1976 à juin 1978. Tout en participant au rédactionnel, il y publie une douzaine de récits complets aux thèmes historiques : « Sophie Rostopchine » (n° 31 du 13/04/1976), « Première sur l’Everest » (n° 60 du 02/11/1976),
« Noël insolite » avec Angelo Di Marco (n° 67 du 20/12/76). … et « Tokyo » (n° 108 et 109 du 11/10/1977).
En 1969, commence une longue collaboration avec Édi-Monde.
Il y travaille pour les divers magazines Disney de cet éditeur : Le Journal de Mickey, Picsou magazine, Winnie, Mickey poche, P’tit loup, Mickey parade…
Il réalise anonymement, jusqu’en 1990, des montages de titres, des couvertures, des jeux, des énigmes, des illustrations…
Notons que, dans l’ours du journal, il est mentionné sous le nom de J. Le Goff (« J » pour Jacqueline son épouse).
On lui doit aussi divers travaux pour Confidences (l’hebdomadaire féminin publié par Édi-Monde) : illustrations pour le roman « Cécile est morte » en 1979, de nouvelles et de la rubrique « C’est arrivé un jour » animée par Pierre Bellemare en 1980.
Fin de carrière
En 1975, E. Laurent, un petit éditeur lyonnais spécialisé dans les formats de poche, rachète les journaux publiés par Edi-Europ qui ne publie que du matériel étranger.
C’est avec le concours de Pierre Le Goff que la SEPP recrute une équipe de dessinateurs français, initiative très rare dans le petit monde des pockets.
Aux côtés de Pierre Frisano (4), Claude-Henri (5), Robert Bressy (6), François Corteggiani, Michel Motti, Walrus, Daniel Massard… Pierre Le Goff propose les aventures de Marc et Audrey dans les deux premiers numéros de Rex, au cours du dernier trimestre 1975.
Un dessinateur anonyme prend la suite.
On lui doit aussi deux histoires indépendantes dans Agent spécial, dont une reprise du « Spartacus » de Pilote publié dans le n° 65.
L’arrêt de ses collaborations avec Francs-Jeux et Tintin coïncide avec la parution de Télé junior lancé en septembre 1977 par l’homme d’affaires Franklin Loufrani.
Le principe est simple : proposer aux lecteurs des aventures inédites des héros de la télévision, sous forme de bandes dessinées.
En ces années où les jeunes découvrent les feuilletons télévisés, le succès est immédiat.
Une équipe de jeunes dessinateurs (Norbert Fersen, Erik Arnoux, Brice Goepfert, Roland Gremet…) cohabite avec de grands anciens, comme Pierre Le Goff, eux aussi victimes de l’érosion de lecteurs que connaît alors la presse BD classique : Gérald Forton (7), Pierre-Léon Dupuis, Jordom, Roland Garel (8), Pierre Frisano (4)…
Une bonne occasion pour Franklin Loufrani de se trouver à la tête d’une belle brochette de dessinateurs réalistes de qualité qu’il peut rémunérer chichement. Mensuel, bimensuel, hebdomadaire pour redevenir bimensuel, Télé junior connaît plusieurs formules selon l’humeur de son éditeur, mais aussi au fil de l’évolution des ventes. L’aventure se poursuit jusqu’au dépôt de bilan en février 1983 et la parution du n° 43 de la troisième série daté du mois de mars 1983.
Dès le premier numéro, Pierre Le Goff propose « Le Secret de Midas » : adaptation par Claire Godet, en une huitaine de pages, du célèbre « Chapeau melon et bottes de cuir ». Il en réalise six épisodes qui sont réunis dans un album de la collection Télé junior en 1980 avec une histoire inédite.
En décembre, dans le n° 4, « Prince noir », le magnifique étalon du docteur James Gordon et de ses enfants Kévin et Jenny, arrive à son tour adapté par Guy Hempay. Cinq épisodes sont proposés jusqu’au n° 10 et un album est publié en 1979 avec deux épisodes inédits.
Dès le n° 5 (janvier 1978), le premier épisode des « Brigades du Tigre » débarque : adaptation, par Guy Hempay, de la série française à succès produite par Télécip. Trois épisodes seulement sont présentés dans le magazine, mais l’album paru en 1979 dans la collection Télé junioroffre en complément trois histoires inédites.
Notons que le n° 5 propose aussi trois récits dessinés par Pierre Le Goff. Steve Austin de la série « L’Homme qui valait 3 milliards de dollars » arrive dans le n° 9 (juin 1978). Les histoires sont signées Bodis, Sacha (Sacha Broussine), Henri-Pierre Tabet… C’est la série la plus longue animée pour ce journal par Pierre Le Goff. Elle compte 24 épisodes complets et trois récits à suivre. Elle prend fin dans le n° 13 (06/01/1981) de la seconde série de Télé junior. Deux albums, datés 1979 et 1980, reprennent quelques épisodes.
Enfin, dans le n° 17 de la série hebdomadaire (03/02/1981), commence « Matt et Jenny » : feuilleton TV canadien adapté par Sacha en six épisodes de huit pages. Le dernier, proposé dans le n° 22 (16/03/1982), est l’ultime récit réalisé par Pierre Le Goff pour Télé junior. Un album édité par Hachette réunit ces histoires en 1981 sous le titre « Seuls dans le Nouveau Monde », suivi par un second qui publie une longue histoire inédite : « Entre les mains du destin ».
À noter que certains de ces récits sont réédités dans diverses revues souvent éphémères lancées par Franklin Loufrani : Télé junior géant, Almanach Télé junior… et même repris dans les derniers numéros de Télé junior.
Pierre Le Goff est lui aussi un spécialiste du replacement de ses travaux, parfois légèrement modifiés par ses soins. C’est ainsi qu’il reprend des histoires parues dans Tintin et Amis Coop dans Balades : mensuel lancé en mars 1981 par Claire Godet aux éditions de Lavaud Blanche.
Faute de moyens, le journal cesse de paraître au n° 13 (avril 1983).
En 1976, il assume une collaboration avec les revues de l’extrême droite : « J’ai travaillé pour Minute dès 1976. Le journal avait proposé à un copain du syndicat d’y travailler, mais il n’a pas osé le faire. Moi, je n’en avais rien à foutre… Politiquement, j’ai mes idées, mais je n’ai jamais voté de ma vie et j’aurai travaillé n’importe où. », confie-t-il dans Hop !.
Sa première illustration sur l’actualité réalisée au lavis pour Minute concerne l’assassinat du PDG du Crédit lyonnais. Cette collaboration se poursuit jusqu’en 1981.
En 1994, Alain Sanders, responsable du très droitier et catholique Présent, lui demande des bandes dessinées pour Présent jeunesse : le supplément pour les jeunes de l’hebdomadaire.
La plupart des pages proposées sont des reprises, parfois remontées, de récits parus dans Francs-Jeux, Tintin, Pilote, Amis Coop… sans oublier des strips de « Nimbus ». Cette participation prend fin dans le n° 4104 (10/06/1998), avec la disparition du supplément jeunesse de Présent.
Pierre Le Goff se retire en 1992 à l’âge de 60 ans et poursuit, aujourd’hui encore, une retraite paisible.
Pierre Le Goff syndicaliste
Parler de Pierre Le Goff sans évoquer son long combat au sein du monde syndical est impossible, tant son implication est grande et passionnée.
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, les personnes qui travaillaient pour la presse devaient obtenir une carte de presse, afin de bénéficier des droits sociaux.
Refusée aux dessinateurs, ces derniers devaient régler eux-mêmes leurs cotisations sociales, et nombreux étaient ceux qui ne le faisaient pas.
Dès son entrée dans la profession, Pierre Le Goff adhère au syndicat des dessinateurs de presse enfantine : créé en 1935, il est composé après-guerre d’une poignée d’auteurs où figurent Robert Dansler (9), André Galland, Robert Rigot, Raymond Poïvet (10), Lucien Nortier…
Il devient secrétaire adjoint en 1968, puis secrétaire général, enfin président. Indépendant (mais classé à droite par certains), ce syndicat comptera plus de 150 membres.
Pierre Le Goff, toujours efficacement secondé par son épouse, se bat surtout sur le plan fiscal, afin de faire reconnaître les dessinateurs comme des salariés, et non comme des travailleurs indépendants. Le Syndicat Le Goff, mais aussi celui de son concurrent Roland Garel proche de la CFDT, multiplient les procès, viennent en aide aux dessinateurs, finissent par obtenir la carte de presse pour les auteurs en tant que travailleurs salariés à domicile. Le Goff, lui-même, obtient sa carte de presse en 1970. À la suite de dissensions internes, il abandonne ses fonctions dans les années 1980. Depuis, la plupart des avantages obtenus ont fini par disparaître avec la lente agonie de la presse BD.
Étonnante carrière que celle de cet autodidacte au caractère bien trempé qui, sans héros récurrents (à part « Coplan » et « Nimbus »), s’est imposé au sein d’une profession qui ne le passionnait pas.
« Pour ce qui est d’être frustrant, moi je n’ai jamais été frustré par quoique ce soit, sinon par le côté un peu lamentable de ce métier sur le plan financier. La plus grande frustration vient de là. Pour le reste, je n’ai aucune âme d’artiste. Si demain on me proposait de vendre des préservatifs, et que j’en gagne ma vie, je laisserais tomber les “petits miquets” » confie-t-il à Alain Beyrand dans le n° 3 des Cahiers Pressibus en avril 1993.
Outre ce numéro des Cahiers Pressibus, Bananas n° 10 (février 2018) et Hop ! n° 153 (mars 2017) ont consacré de passionnants dossiers à Pierre Le Goff.
Pour notre part nous espérons vous avoir fait découvrir un réel talent de la bande dessinée d’après-guerre.
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
(1) Voir Décès du dessinateur Henry Blanc….
(2) Voir Angelo Di Marco : disparition du roi des reporters-dessinateurs !.
(3) Voir Disparition de Georges Rieu : concepteur de Pif gadget….
(4) Voir Hommage à Pierre Frisano….
(5) Voir Claude-Henri Juillard : l’élégance du trait… (première partie) et Claude-Henri Juillard : l’élégance du trait… (deuxième et dernière partie).
(6) Voir Disparition du roi des strips : Robert Bressy !.
(7) Voir Gérald Forton.
(8) Voir Roland Garel : disparition d’un homme exemplaire….
(9) Voir Robert Dansler dit Bob Dan. : l’âge d’or des récits complets….
(10) Voir Raymond Poïvet (1re partie) et Raymond Poïvet (2e partie).
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Merci pour ces articles hyper complets ! (comme toujours)
Un petit détail : l’énigme du Journal de Mickey n°1706 n’est pas de Le Goff, mais de Henri Dufranne, autre taulier du magazine. L’illustration du Mickey Jeux n°17 n’est pas non plus de Le Goff, mais provient d’un magazine allemand.
Pour une recension du travail de Le Goff pour Disney, la base Inducks donne plus de 800 contributions… https://inducks.org/creator.php?c1=date&c=PLe
Merci Adrien… Nous allons déjà supprimer ces images et les remplacer après les vacances que BDzoom.com s’accordent jusqu’au 8 janvier…
Bonnes fêtes à tous !
La rédaction
C’était vraiment pour dire de pinailler… Merci pour votre boulot toujours impeccable !