Ça vaut son pesant de « Peanuts » !

Retour sur quelques parodies du chef-d’Å“uvre de Charles Monroe Schulz à l’occasion de la publication d’un nouveau volume de la splendide édition intégrale de « Snoopy & Les Peanuts »

A chaque fois que je souhaite aborder la bande dessinée américaine dans la rubrique du « Coin du patrimoine BD », j’ai toujours quelques scrupules : jugeant n’être pas le mieux placé, à bdzoom.com, pour en parler. En effet, nous avons quand même trois grands spécialistes du genre, en les personnes de Cécil McKinley (pour les comics-book), de Nathalie Michel-Szelechowska (pour les prémices de ce secteur) et, bien sûr, de Claude Moliterni*. Surtout quand on veut parler de la splendide édition intégrale de « Snoopy & Les Peanuts » (le chef-d’Å“uvre de Charles Monroe Schulz) dont Dargaud poursuit avec opiniâtreté l’édition, en traduisant la publication initiée par Fantagraphics aux USA (laquelle comprendra 25 volumes) : un 6ème recueil relié, couvrant la période 1961-1962, vient juste de sortir, à point nommé pour les fêtes de fin d’année !

Pourquoi se gêner, me diriez-vous ? Tout simplement parce que celui que l’on surnommait « Le pape de la bande dessinée » a consacré, récemment, un ouvrage entier à ce strip, publié du 2 octobre 1950 au 13 février 2000 dans plus de 2 300 journaux et dans 68 pays différents, ainsi qu’à son génial créateur : « Snoopy, Charlie Brown et les autres : l’album de famille de Schulz », aux éditions La Martinière, en 2003.

Alors, plutôt que de paraphraser les principaux ouvrages sur le sujet (ou les excellentes préfaces de l’intégrale proposée par Dargaud) et de marcher sur les plates-bandes de mes petits camarades, nous avons eu l’idée de vous montrer des dessins peu connus, parodies du grand « Charlie Brown Circus », que de nombreux artistes du monde de la bande dessinée francophone de l’époque avaient réalisés en hommage aux « Peanuts » (ce qui veut dire cacahuètes en français, d’où notre titre), en 1976 : profitons également de cet article, basé sur l’illustration, pour saluer le travail effectué par Laurent Turpin, lequel sue sang et eau pour mettre en page votre rubrique hebdomadaire préférée !

Mais revenons à ces dessins réalisés pour « Monsieur Shulz et ses Peanuts », le très intéressant essai de la journaliste Marion Vidal, que cette dernière avait écrit pour la mythique collection « Graffiti » des éditions Albin Michel. Dirigée par Marjorie Alessandrini, elle avait accueilli aussi, de 1974 à 1976, d’autres ouvrages de référence sur le 9ème art devenus complètement introuvables aujourd’hui : comme « Comics U.S.A. » de Marc Duveau, « La bande dessinée de science-fiction américaine » de Daniel Riche et Boris Eizykman, « Crumb » de Marjorie Alessandrini, « Gotlib » ou « Mister Moebius et Docteur Gir » de Numa Sadoul, « Reiser » d’Yves Frémion et « Fred » de Bernard Toussaint (le seul livre sur le créateur de « Philémon », d’où notre impatience à découvrir sa biographie et son livre de souvenirs, à paraître prochainement aux éditions Dargaud).

Ces bandes parodiques avaient donc été réalisées pour cet ouvrage qui se retrouvait sans icônes illustratrices, alors qu’il dressait un portrait pourtant assez respectueux de monsieur Schulz. En effet, Charles Monroe Schulz, titulaire du droit sur les personnages des « Peanuts », n’avait pas été très fair-play en refusant de prêter gracieusement des images de sa série à Albin Michel, ceci afin de préserver, avec un peu trop de zèle, l’image de ses personnages.

Une fois le livre critique paru en librairie avec, à l’intérieur, quelques illustrations se moquant gentiment du chien penseur (dont le célèbre dessin de Tardi montrant « Snoopy » se faisant éventrer), son créateur, outré et scandalisé, assigna l’éditeur, en invoquant la contrefaçon et l’atteinte au droit moral, parvenant ainsi à faire interdire momentanément l’album. Selon la Cour d’appel de Paris, la parodie résultait du « contraste entre les personnages familiers aux lecteurs de Schulz et les discours ou les attitudes inhabituels, ou même provocants, prêtés à ses personnages. »

Pourtant, les illustrateurs avaient opéré une analyse satirique des Å“uvres de l’auteur (en critiquant notamment l’absence, dans ses bandes dessinées, d’engagement politique et de contestation sur la société, et son silence sur les problèmes sexuels ou de racisme), à la fois humoristique et révérencieuse.

Fort heureusement, la Cour finit par estimer que « les auteurs de ces parodies n’ont fait qu’exercer leur droit critique et que le plaignant ne pouvait prétendre se soustraire à la critique au prétexte d’une atteinte à son droit moral : la parodie supposant nécessairement une certaine défiguration du modèle », dont acte !

Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN, en sueur, aux manettes

* Pour ceux que cela intéresse, voici la liste de tous les récents articles patrimoniaux sur la bande dessinée « made in USA » signés par nos érudits collaborateurs :
- ?Terry and the Pirates? : http://bdzoom.com/spip.php?article3435
- ?Scorchy Smith? : http://bdzoom.com/spip.php?article3476
- ?Krazy Kat? : http://bdzoom.com/spip.php?article3601
- Frank Frazetta : http://bdzoom.com/spip.php?article3615
- ?On stage? : http://bdzoom.com/spip.php?article3647
- ?Big City? de Will Eisner : http://bdzoom.com/spip.php?article3448
- ?Calvin et Hobbes? : http://bdzoom.com/spip.php?article3609
- mais aussi sur les « Peanuts » : http://bdzoom.com/spip.php?article2127

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