« Calvin et Hobbes »

A l’occasion de la parution de l’ouvrage « Calvin & Hobbes en couleur », retour sur un succès mondial de la bande dessinée.

Après avoir édité l’intégralité des 24 albums (réunis désormais en 12 doubles) que comporte la série « Calvin et Hobbes », laquelle fût diffusée dans 2400 journaux à travers le monde et vendue à plus de vingt-cinq millions d’albums dans le monde, dont près d’un million sept cent mille exemplaires en France (soit une moyenne de 70 000 au titre !), les éditions Hors Collection viennent de publier un exceptionnel volume en couleurs : catalogue raisonné d’une exposition réalisée, à l’initiative de Lucy Shelton Caswell, aux Archives de la bande dessinée de l’université d’État de l’Ohio. Cette exposition regroupait 36 originaux des pages du dimanche, sélectionnées et commentées par l’auteur lui-même ; et l’ouvrage fut publié en 1995 (puis réédité en 2001) chez Andrews & McNeel, aux USA.

En replaçant son travail dans un contexte d’exercice quotidien, l’Américain Bill Watterson (né à Washington, en 1958) nous démontre parfaitement combien ce comic strip (qui, à travers les gags et les rêveries d’un enfant, est aussi une critique du monde moderne) fût à la fois une expérience merveilleuse et une contrainte dévorante !

Voilà qui explique aussi pourquoi l’une des bandes dessinées les plus drôles et les plus inventives de ces dernières années s’est arrêtée au sommet de sa gloire, le 31 décembre 1995 : juste dix ans après sa création (en novembre 1985) dans le quotidien The Cincinnati Post ! L’insupportable petit garçon de six ans doué d’une imagination fertile (au point de croire que son tigre en peluche, avec lequel il passe son temps à philosopher, est bien vivant) aura pourtant marqué la bande dessinée mondiale, réussissant à avoir un succès quasi équivalent à celui des daily strips qui l’ont précédé et dont le papa de « Calvin et Hobbes » conserve une grande nostalgie : tels les « Peanuts » de Charles Monroe Schulz. Cependant, parmi les lectures enfantines de Bill Watterson, ce sont justement les publications du dimanche (dont l’intérêt, outre celui de la couleur, venait du format qui offrait des pages plus grandes) qui l’ont le plus marqué : d’où l’idée d’en produire lui aussi, une fois devenu auteur, et d’en compiler les meilleures pour ce magnifique et instructif catalogue traduit chez Hors Collection !

De plus, cet ouvrage est pratiquement le seul véritable témoignage de Bill Watterson sur son travail, car c’est l’une des personnalités les plus secrètes de la profession puisqu’il fuit toutes interviews ou séances de photos (à l’exception de courtes déclarations pour un article dans le Comic Journal n°127 de mars 1989)*. Et c’est aussi la seule « exploitation » extérieure de ces personnages : en effet, dans toute sa carrière, Bill Watterson (qui se consacrerait désormais à la peinture ou à la musique) a toujours refusé une utilisation commerciale de ces personnages, que cela soit en dessin animé, en jeu vidéo, ou en ornement pour T-Shirt ou tasse à café. C’est donc probablement le premier (et le seul) auteur à regretter son propre succès et à lutter contre son syndicate (Universal Press) pour faire moins d’argent : il prouve aussi, ainsi, que les adaptations audiovisuelles ou autres ne sont pas nécessaires pour réaliser un succès planétaire, autant public que critique !

Pour l’anecdote, sachez les éditions Hors Collection (filiale de la Place des éditeurs, anciennement Presses de la Cité) n’ont pas été les premiers, en France, à compiler ce chef-d’œuvre de la bande dessinée moderne. Ce strip fut d’abord proposé dans le quotidien Le Matin (de Paris) puis dans France Soir, avant d’être réuni dans trois albums aux éditions Hachette, de 1988 à 1990, sans trop de résultat en termes de ventes. Le premier livre était au format à l’italienne et broché (intérieur en noir et blanc), alors que les deux suivants étaient cartonnés, au format des albums franco-belges, et proposaient des strips (mis en couleurs) traduits par Frank Reichert : un écrivain et scénariste de bandes dessinées qui signait de son seul prénom, principalement pour le dessinateur Golo.

N’ayant pu récupérer les droits de ces trois premiers opus, les Presses de la Cité ont été obligées de commencer par leurs traductions à partir du troisième recueil américain, en 1991, dans des albums brochés avec les strips en noir et blanc. Le succès est alors au rendez-vous ! Quelques années plus tard, le label Hors Collection a fini par mettre la main sur l’ensemble des droits de la série et a pu rééditer les tout premiers gags : d’où un certain désordre chronologique, que seule l’intégrale cartonnée actuelle a su rétablir puisqu’elle commence par les tomes 8 et 10 de la précédente édition !

Gilles RATIER, avec Laurent TURPIN, aux manettes

* Sur « Calvin and Hobbes » et sur Bill Watterson, il existe quand même quelques articles particulièrement bien sentis et très bien documentés, rédigés en français, comme celui de Thierry Smolderen dans le n°2 de la luxueuse revue 9e Art (en janvier 1997) et celui de Francis Bellefonds dans le n°59 de feu Bo Doï (du moins en tant que mensuel papier), en janvier 2003 !

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3 réponses à « Calvin et Hobbes »

  1. jacques dutrey dit :

    A vrai dire il existe un autre interview de Bill Watterson, par Andrew CHRISTIE, paru dans la revue HONK n°2 de janvier 1987, deux ans avant celle parue dans « The Comics Journal » n°127 (mars 1989). Il y a aussi quelques articles sur, et un par, Bill Watterson dans d’autres numéros du Comics Journal.

    • Mathieu Crouzal dit :

      Je suis professeur des écoles stagiaires et je fais mon mémoire sur l’utilisation de la BD, du comic strip avec Calvin et hobbes en particulier, comme support d’un travail de littérature.

      Je serais donc super intéressé si quelqu’un pouvait m’indiquer les liens pour trouver les articles dont on parle ici.

      Merci d’avance.

      • Gilles Ratier dit :

        Bonjour
        il n’y a pas de liens ! Nous vous avons donné dans l’article toutes les références possibles, la plupart des françaises sont encore trouvables en librairies mais ce sont des livres et il faut les acheter ! Quant aux références US, alors là !!! Essayez avec Google, on ne sait jamais !
        Cordialement
        Gilles Ratier

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