Aldo Capitanio, une étoile filante des fumetti…

Les éditions Clair de lune poursuivent inlassablement leurs traductions du western « Tex », l’une des plus célèbres bandes dessinées populaires italiennes publiées en noir et blanc (les fumetti, si vous préférez). Pour ce faire, elles alternent les petits formats brochés proches de l’édition originale (collection Encre de Chine) et les grands albums cartonnés mettant en valeur le trait d’artistes de renommée internationale qui ont illustré les aventures de ce célèbre ranger du Texas. Après Lucio Filippucci, Pasquale Frisenda, Corrado Mastantuono, Roberto De Angelis, Manfred Sommer, José Ortiz, Bruno Brindisi, Rafael Méndez, Carlos Gomez, Guido Buzzelli, Alberto Giolitti, Aurelio Galleppini, Sergio Zaniboni et Giovanni Ticci, c’est au tour d’Aldo Capitanio d’être proposé dans cette belle Édition Prestige (1) : ce virtuose dessinateur transalpin réaliste, dont le talent graphique n’est pourtant pas passé inaperçu auprès des amateurs, n’ayant malheureusement pas eu le temps d’être reconnu par ses pairs.

Édition Prestige chez Clair de lune.

Autoportrait d'Aldo Capitanio.

Né à Camisano Vicentino, le 28 mai 1952, Aldo Capitanio fait ses études dans un lycée artistique et sort diplômé de l’institut des Arts et Métiers de Padoue. (2) C’est alors qu’il commence à réaliser ses premières bandes dessinées, collaborant brièvement à certains périodiques pour la jeunesse de la ville de Santo où il habite alors, comme Il Santo dei Miracoli ou le mensuel pour adolescents Messagero dei Raggazzi, en 1970.

Autre autoportrait d'Aldo Capitanio.

D’emblée, son graphisme minutieux le rapproche de celui des grands illustrateurs réalistes, et plus particulièrement d’Harold Foster, Franco Caprioli ou Pier Lorenzo De Vita qu’il admire depuis toujours. En 1972, on le retrouve dans le mensuel Eureka avec le récit « Nel giorno delle nozze » sur un scénario de Gianni Bono : ce sont ses vrais débuts professionnels dans le monde du fumetti. En effet, dès l’année suivante, il collabore au célèbre magazine Il Giornalino, avec plusieurs histoires courtes (dont « Un amico di scorta » dont une planche est présentée ci-dessous) et une série axée sur les découvertes archéologiques majeures : « In cerca del passato », sur des scénarios de Renata Gelardini.

« Un amico di scorta » dans Il Giornalino.

            Puis, toujours pour Il Giornalino, il illustre des récits de pirates dus au romancier populaire italien Emilio Salgari et adaptés par Renata Geraldini : « Il Corsaro nero » et « La Regina dei Caraibi », réunis en deux volumes en 1977 et en 1979 aux éditions Paoline. Justement traduites « Le Corsaire Noir » et « La Reine des Caraïbes », ces deux aventures trépidantes et exotiques sont proposées en deux fascicules édités par la SAGE, au premier trimestre 1978 et au troisième trimestre 1979. Pour cet hebdomadaire catholique publié par les éditions San Paolo d’Alba, il dessine aussi, de 1978 à 1982 et sur des textes de Toni Pagot, « Wanneka il Navaho » (« Wanneka le Navajo »).

Cette série met en scène un Indien aux pouvoirs paranormaux qui essaie de rétablir un peu de justice dans une Amérique moderne dépeinte sans complaisance.

On a pu la lire, dans la langue de Molière, dans les pockets La Route de l’Ouest des éditions Aventures et Voyages, du n° 73 du 5 novembre 1980 au n° 86 du 5 décembre 1981.

« Wanneka le Navajo » dans La Route de l'ouest.

En 1980, il rejoint un groupe de dessinateurs transalpins parmi les plus performants de l’époque (Giacinto Gaudenzi, Paolo Piffarerio, Alarico Gattia, Enric Sio, Milo Manara (voir Les premières BD érotiques de Milo Manara…), Carlo Ambrosini, Cesare Colombi, Paolo Ongaro, Gianni Grugef…) qu’a engagé l’éditeur Arnoldo Mondadori pour s’occuper de la mise en images de la série historique et didactique « Storia d’Italia a fumetti », sur des textes d’Enzo Biagi. Chez le même éditeur, il produit également de nombreuses illustrations pour les couvertures et les rubriques intérieures d’ouvrages, notamment sur la chevalerie médiévale, et adapte quelques classiques de la littérature pour enfants : « La Flèche noire », « Kim », « Le Cid », « Dr Jekyll et Mr Hyde »…

Ensuite, par l’intermédiaire
des éditions IF, il peut dessiner d’autres couvertures de livres pour la jeunesse destinés au marché européen, avant d’entrer chez Sergio Bonelli Editore, en 1989.

Il se rôde d’abord sur trois épisodes du flic new-yorkais « Nick Raider » que l’on peut lire dans le n° 16 de la collection 2 heures et 1/2de Glénat, publié au quatrième trimestre 1994. Il s’agit du n° 8 de février 1989 (« La Vasilia insanguinata » — « La Valise ensanglantée » — scénarisé par Claudio Nizzi),

« Nick Raider » par Aldo Capitanio dans « La Vasilia insanguinata ».

du n° 19 de décembre 1989 (« Il Rapimento » — « L’Enlèvement » — également scénarisé par Nizzi) et du n° 43 de décembre 1991 (« Linea di confine » — « La Frontière » — scénarisé par Michele Medda).

« Nick Raider » par Aldo Capitanio dans « Linea di confine ».

            En 1994, pour le quarantième anniversaire d’« Il Grande Blek », il dessine une courte aventure de ce trappeur d’Amérique du Nord qui lutte héroïquement pour l’indépendance de son pays à la fin du XVIIIe siècle, sous la direction de Dario Guzzon : l’épisode « Avventura sul San Lorenzo » (texte de Giorgio Marenghi) lui permet donc de mettre en images le héros de son enfance et d’être publié, en 1995, dans la collection Lo Scarabeo des éditions IF. Ces vingt pages seront traduites littéralement en français « Aventure sur le Saint-Laurent », dans le pocket Kiwi n° 568 des éditions Semic, en août 2002.

« Aventure sur le Saint-Laurent », une aventure du grand Blek, dans le pocket Kiwi n° 568.

            Ce travail sophistiqué et riche en détail séduit à nouveau Bonelli.

Ce dernier lui confie alors la réalisation d’un Albo speciale du grand « Tex » scénarisé par Claudio Nizzi (le n° 8 du 1er juin 1995) et intitulé « Il Soldato Comanche » : il s’agit, évidemment, du titre que vient d’éditer en langue française Clair de lune.

Deux ans plus tard, en janvier 1997, paraît « Bad River », une autre aventure de Tex Willer scénarisée, cette fois, par Mauro Boselli et publiée dans la collection Almanacco del West.

« Bad River », une aventure de Tex Willer.

Commencés en 1996, deux épisodes de la série mère également écrits par Mauro Boselli (« Matador ! » et « La Collera dei Montoya ») ne seront publiés qu’en juin et juillet 2001, dans les n° 488 et 489. Sauf erreur de notre part, ces trois derniers récits restent encore inédits en français. Il ne reste plus qu’à… Merci d’avance aux gens de Clair de lune de se pencher sur ce cas…

            Les amateurs italiens ne tarissent alors pas d’éloges sur son travail pour ce western emblématique de la maison Bonelli et, en 1996, Aldo Capitanio reçoit le prix ANAFI (Association nationale des amis de la BD et de l’illustration) du meilleur dessinateur de l’année. Cette année-là, il collabore également avec les éditions Scripta de Giorgio Marenghi, pour le magazine Histoire Vicentina, où il dessine une reconstitution soignée et méticuleuse de la ville romaine et médiévale de Vicence (au nord de l’Italie).

Illustration pour le magazine Histoire Vicentina.

Une photo d'Aldo Capitanio.

En 1997, il aurait aussi réalisé des illustrations pour la collection La Storia dell’Uomo éditée par De Agostini. Hélas, ce talentueux dessinateur quasi miniaturiste, que certains érudits du 9e art n’ont pas hésité à comparer à Sergio Toppi (voir Sergio Toppi : le coin du patrimoine BD), Dino Battaglia (voir Dino Battaglia) ou Hugo Pratt (voir « La Ballade du Pratt perdu »), disparaît le 19 septembre 2001. À titre posthume, en 2002, Aldo Capitanio reçoit le prix INCA (Italien Award Comics Internet) du meilleur dessinateur pour ses deux ultimes épisodes de « Tex ».

Gilles RATIER

Autre autoportrait d'Aldo Capitanio avec ses personnages.

(1) Ce bel album de deux cent dix-neuf pages de bandes dessinées en noir et blanc contient, en outre, une courte interview d’Aldo Capitanio (et non de Giovanni Ticci comme affiché en titre), une préface de Sergio Bonelli et un texte de Mauro Boselli.

Sur « Tex », voir aussi « Tex », ainsi que nos « Coins du patrimoine sur Victor de la Fuente, Corrado Mastantuono, Guido Buzzelli (1ère partie), Guido Buzzelli (2ème partie), Miguel Angel Repetto, Ivo Milazzo et Roberto Raviola dit Magnus.

(2) Pour établir de façon la plus précise possible la carrière trop courte d’Aldo Capitanio, nous nous sommes basés sur trois sources principales : le n° 94 de Hop ! (où Gérard Thomassian a rédigé une notice nécrologique assez conséquente), le n° 568 de Kiwi d’août 2002 (qui contient un « Portrait d’artistes » écrit par Gérard Thomassian et Jean-Marc Lainé) et le site italien http://www.vicenzanews.it.

Merci aussi aux sites internet http://www.comicbd.fr, http://comicsando.wordpress.com et http://rockemetal.forumfree.it dont l’iconographie nous a permis de compléter notre propre documentation.

« Matador ! », une aventure de Tex par Aldo Capitanio.

 

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>