Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...Encore des scénarios inconnus de Jean-Michel Charlier… (première partie)
Alors que viennent juste de paraître les deux premiers tomes de l’intégrale « Tanguy et Laverdure » par Jean-Michel Charlier et Albert Uderzo aux éditions Dargaud et que se prépare le lancement de la collection Jean-Michel Charlier présente chez Fordis — avec le premier tome des aventures moyenâgeuses de Thierry le chevalier dessiné par Carlos Laffond (1) —, nous avons pensé que c’était l’occasion de faire un nouveau point sur les récentes découvertes des scénarios non signés que Jean-Michel Charlier a écrits, notamment pour la série didactique « L’Histoire vivante » dans Bonnes Soirées, entre 1953 et 1956.
En effet, depuis la parution de l’ouvrage « Jean-Michel Charlier vous raconte… » aux éditions Le Castor astral, en novembre 2013, nous avons eu la confirmation de la paternité du scénariste de « Blueberry », « Buck Danny », « Tanguy et Laverdure » ou « La Patrouille des Castors » sur de nombreux courts textes didactiques parus dans ce magazine féminin, comme nous l’avions eu également, tout récemment, pour d’autres scénarios du même acabit publiés dans Spirou (voir Les premières « Belles Histoires de l’Oncle Paul »…) ou dans Pilote (voir Le rôle de Jean-Michel Charlier dans les premiers numéros de Pilote…).
Nous avions déjà trouvé la trace du célèbre rédacteur sur deux longs récits non signés dans cet hebdomadaire des éditions Dupuis (voir Des scénarios inconnus de Jean-Michel Charlier dans Bonnes Soirées ! et « Passion en plein ciel » et « Âmes sous la rafale » sont bien des scénarios de Jean-Michel Charlier !), mais voilà que, une nouvelle fois grâce aux trouvailles de son fils Philippe dans les archives familiales, nous pouvons encore vous signaler d’autres inédits de Charlier.
Dans un dossier titré au stylo « Biographies Bonnes Soirées », de la main propre de son père, l’ayant droit a découvert les originaux de plusieurs scénarii destinés à la rubrique « L’Histoire vivante » de ce magazine pour dames au foyer : récits éducatifs de quatre planches dont notre scénariste avait signé les textes sous images du « Sanglant Destin d’Élisabeth Feodorovna » (dessins de Mader au n° 1659 du 22 novembre 1953) et des « Amours tragiques de Draga » (dessins de Gérald Forton au n° 1748 du 7 août 1955).
Étant donné les sujets et le style narratif qui portent indubitablement sa patte, Charlier devait aussi être l’auteur d’« Hélène Boucher » (au n° 1666 du 10 janvier 1954) – dont la forme, avec phylactères, est plus proche de nos bandes dessinées actuelles — et de « L’Archange » (au n° 1684 du 16 mai 1954) : deux histoires d’aviation enluminées avec la technique du lavis par Victor Hubinon. (2)
Nous avions aussi de fortes présomptions quant à sa participation aux quatre pages de « Valérie André » parues dans le n° 1693 du 18 juillet 1954 et mises en images par Albert Uderzo (voir Albert Uderzo chez les Belges 2ème partie : Bonnes Soirées), car au fur et à mesure des années, Charlier avait amassé nombre d’anecdotes et de données sur l’Indochine et le Viêt Nam.
Comme on le sait, il accumulait ainsi les articles pour alimenter des dossiers qui devaient lui servir, ensuite, à la documentation de futures bandes dessinées ou reportages.
À défaut de pouvoir expédier Buck Danny dans ces régions alors brûlantes de l’Asie du Sud-Est sur le plan de l’actualité, il est fort possible qu’il ait évoqué la guerre d’Indochine dans cette courte « Histoire vivante » de Bonnes Soirées avec un texte non crédité sous les images, en mettant en avant le rôle important joué par les infirmières pilotes-secouristes de l’air.Son épouse Christine nous l’avait déjà confirmé, à cette époque, Jean-Michel multipliait ce genre de travaux uniquement pour faire bouillir la marmite et ne leur accordait que peu de valeur.
Il écrivait ces histoires à la va-vite et ne voyait pas l’utilité de les signer. Comme il devait alors faire face à bien d’autres obligations (il se marie le 20 juin 1953, son fils Philippe naît l’année suivante et la petite famille s’installe alors définitivement en France : à Paris, puis en banlieue à Saint-Cloud), le scénariste redoublait de travail.
Au même moment, Charlier consacre surtout son énergie à multiplier les nouvelles séries au fort potentiel : les aventures à grand spectacle de Kim Devil avec Forton en 1953, celles de la Patrouille des Castors en 1954 – après avoir revisité, avec son talent habituel, le thème du scoutisme proposé par le dessinateur MiTacq -, et la passionnante biographie, très détaillée, du pilote de l’Aéropostale Jean Mermoz, chevalier du ciel qu’Hubinon dessine en 1955.
C’est d’ailleurs en prenant un soin particulier à l’écriture de ces diverses histoires qu’il s’impose, encore plus facilement, comme un scénariste-pilier au sein du journal Spirou.En revanche, il est évident que sa participation à Bonnes Soirées est assez significative du genre de petits boulots qu’il n’exécute que pour pouvoir faire vivre correctement sa petite famille.
Par ailleurs, il faut savoir aussi que le lectorat de Bonnes Soirées n’est pas du tout habitué à lire des bandes dessinées et est donc, sur ce point-là, beaucoup moins exigeant que celui de Spirou : à la création de cet hebdomadaire des éditions Dupuis, son contenu, à base de romans, de conseils ménagers et d’illustrations, est d’ailleurs destiné principalement à séduire les femmes et les jeunes filles issues des milieux ouvriers.
Cependant, vu l’évolution des mœurs, le besoin de renouveler les collaborateurs se fait sentir ; et ceci dès la Libération.
C’est alors que Georges Troisfontaines (le patron de la World’s P. Press, agence qui fournissait du rédactionnel et des bandes dessinées pour alimenter le sommaire des autres magazines des Dupuis) en profite pour placer les productions passe-partout qu’il a en stock.
Également chargé du recrutement des annonceurs publicitaires de ce magazine, à travers sa filiale World’s Publicity, l’intermédiaire convainc très vite les propriétaires du journal d’améliorer la version originelle devenue trop vieillotte.
Au sommaire de la nouvelle formule lancée le 26 octobre 1952, le rédactionnel passe sous le contrôle de la World’s et est alors assuré par les principaux hommes-à-tout-écrire de Troisfontaines : Jean-Michel Charlier (comme on peut le constater avec un conte au n° 1663 du 20 décembre 1953 intitulé « Il était trois rois mages… »), Octave Joly ou René Goscinny.
Quant à son illustration, elle est confiée aux dessinateurs de l’agence ou aux habitués des publications Dupuis : Albert Uderzo, Eddy Paape, Charlie Delhauteur, Jijé, Will, André Franquin, Morris…
Troisfontaines y place aussi, pour la première fois, quelques bandes dessinées visant un public plus féminin et plus familial que celui de Spirou.
Notamment la page de gags « Sylvie » (réalisée par le dessinateur Martial), incontestable future vedette du journal — dont Jean-Michel Charlier écrira également quelques mésaventures sans les signer —, et une longue histoire sentimentale (« El Senserenico ») adaptée par Jijé.
Le patron de l’agence en profite pour placer une nouvelle fois son fonds didactique, proposant la série « L’Histoire vivante » qui ne fait rien d’autre que de surfer sur le succès des « Belles Histoires de l’Oncle Paul » publiées dans Spirou.
Ensuite, la formule déclinera du fait de son uniformisation graphique confiée à un studio étranger (ceci dès l’été 1957), à la suite du départ des meilleurs atouts de la World’s (Charlier-Uderzo-Goscinny) partis tenter leur chance ailleurs après avoir essayé de monter une sorte de syndicat des auteurs de bandes dessinées : créant la société ÉdiFrance/ÉdiPresse et, plus tard, le magazine Pilote (voir « Clairette » de Charlier et Uderzo) (3).
Finalement, « L’Histoire vivante » disparaîtra au début de 1959 : cette rubrique biographique dessinée laissant la place au « Ciné-roman de Bonnes Soirées » !
Et cette vogue des suaves histoires avec photos figées va même s’accentuer au point de sonner le glas des autres bandes dessinées de Bonnes Soirées(à l’exception de l’immuable page de gags avec « Sylvie »).
Mais avant cela, comme nous vous l’avons déjà écrit, Jean-Michel Charlier a rédigé les textes de plusieurs récits complets authentiques illustrés et placés, pour la plupart, sous vingt-quatre images réalisées par l’Espagnol Mader, Victor Hubinon, Gérald Forton, Pierre-Léon Dupuis, Fred Funcken alias Kendy, Georges Langlais qui signait Gal, Albert Uderzo ou Claude Pascal.
Voici, d’ailleurs, la liste des quinze scénarios manuscrits ou tapuscrits contenus dans la fameuse farde redécouverte par Philippe Charlier et dont nous avons retrouvé la mise en images et la publication sur quatre pages dans différents numéros de Bonnes Soirées :
— « Le Sanglant Destin d’Élisabeth Feodorovna » dessiné par Mader [confirmation de ce que l’on savait déjà],
— « Nijinski » dessiné par Pierre-Léon Dupuis, publié au n° 1669 du 31 janvier 1954,
— « La Chanteuse au camélia » dessiné par Mader, publié au n° 1670 du 7 février 1954,
— « Marie Curie » (dessins non crédités), publié au n° 1671 du 14 février 1954,
— « Jack London, un vagabond de génie » dessiné par Pierre-Léon Dupuis, publié au n° 1672 du 21 février 1954,
— « Élisabeth, impératrice fatale » dessiné par Mader, publié au n° 1678 du 4 avril 1954,
— « Blanche de Castille » dessiné par Gal, publié au n° 1682 du 2 mai 1954,
— « L’Archange » dessiné par Victor Hubinon [confirmation de ce que l’on savait déjà],
— « Une lépreuse agent secret » dessiné par Mader, publié au n° 1690 du 27 juin 1954,
— « Valérie André : une héroïne de la guerre d’Indochine » dessiné par Albert Uderzo et titré sur le tapuscrit « Le Toubib à ailettes » [confirmation de nos suppositions décrites quelques lignes plus haut],
— « Charles et Georgine de la Bédoyère » dessiné par Gal, publié au n° 1694 du 25 juillet 1954,
— « Un grand amour du Roi Soleil » dessiné par Gal, publié au n° 1742 du 26 juin 1954,
— « Les Deux Visages d’Ève Lavallière » (dessins non crédités), publié au n° 1747 du 31 juillet 1955,
— « Les Amours tragiques de Draga » dessiné par Gérald Forton [confirmation de ce que l’on savait déjà],
— « Maryse Bastié » dessiné par Claude Pascal, publié au n° 1820 du 30 décembre 1956,
Cependant, signalons que le dossier contient aussi trois autres scénarios dont nous n’avons pas pu retrouver la correspondance dans Bonnes Soirées :
— un texte manuscrit découpé en vingt-quatre séquences sur Nicolas II, le dernier tsar de Russie,
— un texte tapuscrit découpé en vingt-huit séquences et intitulé « La Vie de Balzac »,
— un texte tapuscrit découpé en vingt-huit séquences et intitulé « Le Pontificat de Pie XII ».
On pourrait donc s’en tenir là et croire que nous avons, ici, l’intégralité des scénarios écrits par Charlier pour la rubrique « L’Histoire vivante » de Bonnes Soirées !
Oui, mais voilà, ce n’est pas aussi simple que ça, comme vous allez pouvoir le constater dans la deuxième partie de ce dossier qui sera en ligne la semaine prochaine…
Gilles RATIER
(1) Voir La Collection Jean-Michel Charlier reprend son envol… : ne tardez pas à souscrire pour le premier volume de « Thierry le chevalier » qui paraîtra, comme annoncé, en février prochain, les réservations affluent et il n’y en aura pas pour tout le monde !
(2) « Hélène Boucher » et « L’Archange » ont été rééditées dans le tome 4 de l’intégrale « Buck Danny » chez Dupuis en novembre 2011, avec une troisième « Histoire vivante » illustrée au lavis par Hubinon : « L’Homme que le ciel n’a pas voulu rendre » » (publiée dans le n° 1674 du 7 mars 1954), la vie d’Antoine de Saint-Exupéry racontée en quatre pages par Octave Joly.
Quant aux « Amours tragiques de Draga », il a été reprise dans le tome 4 de « Kim Devil » aux éditions Sangam, en octobre 2011.
(3) Si, parmi les nombreuses réalisations publicitaires sur lesquelles Charlier, Uderzo, Goscinny et leurs amis d’ÉdiFrance/ÉdiPresse ont œuvré, on met souvent en avant leurs travaux pour Pistolin, Jeannot, le magazine Clairon créé pour la société Fabrique-Union spécialisée dans les jouets en plastique et gérante de la Samaritaine, la marque de corn-flakes Floker’s ou les pâtes Milliat Frères, il y a en a une dont on ne parle que très rarement : il s’agit du journal publicitaire Pamcoq contact (réalisé pour les vêtements Conchon-Quinette), peut-être parce qu’ils n’ont travaillé que sur les n° 11 et 12 de septembre et octobre 1957.
Grâce à Frank Tempéreau alias Mr Malabar (voir le site http://www.mr-malabar.fr), un admirateur de Jean Le Moing – à qui il a rendu récemment hommage dans le n° 43 de Papiers nickelés du quatrième trimestre 2014 et qui fut l’un des dessinateurs-amis de la bande précitée -, nous avons la quasi-certitude de l’identification d’une autre bande dessinée non signée de Jean-Michel Charlier : « Les Aventures de Pamcoq », mis justement en images par Jean Le Moing.
En effet, on reconnaît indubitablement la patte du scénariste dans les six pages publiées – trois par numéros — de cette histoire humoristique (genre pourtant peu utilisé par Charlier) qui restera inachevée et qui ressemble beaucoup à la trame développée par notre scénariste dans l’épisode « Fanfan et Polo dans la Lune » publié, bien avant (en 1951 et 1952), dans La Libre Junior.
À noter qu’il y a aussi de fortes chances pour que les textes de la page pédagogique « Pam actualités » illustrée par Gal et publiée dans le n° 12 de Pamcoq contact soient également dus au talent du prolifique Charlier.
Quel boulot !
Que ce soit pour J.-M. Charlier ou pour vous, cher Monsieur Ratier.
)
Merci Mariano ! Vous verrez, la suite de cet article patrimonial (qui sera mise en ligne mardi prochain) devrait également vous satisfaire…
Bien cordialement
Gilles Ratier
Ouaip ! Il est important, dans la mesure du possible, des recherches et des trouvailles, d’évoquer ces travaux que tous ces auteurs ont produit.
Par nécessité, par plaisir, ils ont abattu des tonnes de travail de façon incroyable. Ils ont eu la chance aussi d’avoir une multitude de supports pour cela.
Aujourd’hui, pour les auteurs, difficile de « se faire la main » .
;o)
Très belle page qui illustre à merveille le n°8 des Cahiers Pressibus paru en juin 2002 et consacré aux BD de Bonnes Soirées.
Nous attendons évidemment la suite avec impatience…
TontonPierre
Toujours aussi pointu, inédit et intéressant.
A lire et à relire.
Connait-on les autres collaborateurs et plus particulièrement les autres scénaristes chez B.S. ?
Bonsoir Mariano
je rentre juste d’un séjour de 48 h sans Internet et ne te répond qu’aujourd’hui : comme je l’ai dit dans mon article, seuls Jean-Michel Charlier et Octave Joly ont signé, chacun, 2 « Histoires vivante » dans Bonnes Soirées à cette époque (à ma connaissance). Cependant, dans des interviews, Liliane Funcken et André-Paul Duchâteau ont eux-aussi admis qu’ils avaient travaillé sur ces courtes biographies romancées, mais sans préciser lesquelles. Ce sont les seuls noms que l’on connaissent, pour le moment.
Bien cordialement
Tout cela est très intéressant, merci pour ces infos!
« Notamment la page de gags « Sylvie » (réalisée par le dessinateur Martial), incontestable future vedette du journal — dont Jean-Michel Charlier écrira également quelques mésaventures sans les signer »
Ces propos laissent à penser que le dessinateur Martial aurait manquer d’honnêteté.
Le dessinateur Martial qui a toujours eu d’excellentes relations avec J.M. Charlier, n’a jamais utilisé des scénarios sans faire apparaître le scénariste sur ses planches lorsque ce n’était pas lui. cf Rosine Petite fille modèle où les deux signatures apparaissent.
Chaque collaboration était explicite.
Il était important de le stipuler
Bonjour Madame !
Merci pour votre réaction à nos propos, mais je crois que vous interprétez mal ces informations totalement innocentes. Il se trouve que Philippe Charlier, le fils de Jean-Michel, a retrouvé il y a peu de temps, dans les archives familiales, les tapuscrits de quelques scénarios de son père destinés à la série « Sylvie ». Mais il n’y a eu aucune malhonnêteté de la part de Martial, rassurez-vous ! Et loin de nous l’idée de sous-entendre cela dans nos écrits ! Personnellement, même si je n’ai pas pu examiner de près ces tapuscrits et savoir à quels gags ils correspondent exactement, je pense qu’ils ont été écrits et non crédités sans aucune malice : nous étions dans une autre époque où les amis (et Martial et Charlier étaient des amis) se dépannaient sans se poser de questions ou de problèmes, car ils étaient souvent très pressés par le temps et devaient livrer leurs pages coûte que coûte. Que l’un ait oublié de mentionner le nom de l’autre, ou vice versa : cela était monnaie courante. Rappelons que nous étions alors du temps de la World’s de Georges Troisfontaines et de l’International Press d’Yvan Cheron qui faisaient trimer leurs auteurs dans un studio où chacun se donnait des coups de main sans penser à créditer ce que l’un ou l’autre faisait. Les témoignages de cette époque et de cette façon de faire sont nombreux : de la part d’Hubinon, Jijé, Paape, Beckers, Weinberg, Uderzo, Tacq, Graton, Charlier ou Martial lui-même. Un peu plus tard, Jean-Michel Charlier fera encore de même pour la série « Dan Cooper » d’Albert Weinberg, en écrivant 3 épisodes de cette série d’aviation pour dépanner son vieux copain, sans les signer non plus (et certainement combien d’autres scénarios que l’on n’a pas encore retrouvés ou qui resteront ignorés à jamais, car il n’y en a plus aucune trace). Si mes souvenirs sont bons, il me semble également que René Goscinny a, lui aussi, écrit plusieurs gags pour « Sylvie » sans qu’il soit crédité : cela a été mentionné dans de nombreux articles et je crois bien aussi que votre père m’en avait parlé, les deux fois où je l’avais rencontré au Salon du Livre de Limoges, en compagnie de l’ami Hubert Holle. Après, il faudrait reprendre chaque planche de « Sylvie » publiée avant 1957 (peu de chance que Charlier ait écrit ces scénarios après…),vérifier si certaines sont cosignées et récupérer une reproduction des tapuscrits originaux pour voir à quoi ils correspondent exactement, la famille Goscinny a également conservé tous les textes écrits ou tapés à la machine du créateur de « Astérix ».
Voilà, j’espère que ma réponse éclaircira un peu les propos de l’article et vous permettra de les voir d’un meilleur œil…
Bien cordialement et avec tous nos vœux pour la nouvelle année…
Gilles Ratier
Bonjour Madame,
Je me permets d’intervenir sur ce forum ayant eu le bonheur de rencontrer vos parents, il y a une quinzaine d’années, à l’occasion de la préparation du cinquième volume des « Archives Goscinny », destiné à l’époque aux éditions Dupuis. Pour des raisons que je n’ai jamais sues, l’éditeur n’a pas pu mener l’opération à son terme. Dommage ! J’avais à l’époque exploré en détail le fonds Goscinny et résumé mes recherches dans un texte dont je vous livre, ci-après, un court extrait : Durant l’été 1952, Georges Troisfontaines obtient le contrôle d’une partie du rédactionnel des Bonnes Soirées et met la pression sur son équipe de la World’s pour dynamiser cet hebdomadaire somnolent. René Goscinny a une chouette idée qu’il fait aussitôt illustrer par Albert Uderzo : une jeune fille prénommée Sylvie et dont on découvrirait chaque semaine un gag dessiné dans la tradition de certaines séries familiales américaines. Georges Troisfontaines arrive à vendre le concept aux Dupuis, mais la planche d’essai est refusée. Comment accepter qu’une jeune fille de bonne famille s’adonne aux masques de beauté, ouvre la porte en tenue d’intérieur à des inconnus et se voie proposer un doigt de porto par un bellâtre ? Pour parer au plus pressé, le choix se porte sur Martial, excellent dessinateur classique qui va graduellement imposer une petite famille bien de chez nous : père, mère, fille adolescente et petit frère. Il sera temps d’introduire plus tard un courtisan qui, selon les voies traditionnelles, deviendra ensuite fiancé, puis mari, dans un laps de temps raisonnable. Sylvie démarre donc le 26 octobre 1952 dans la nouvelle formule des Bonnes Soirées, sans Uderzo, ni même Goscinny. C’est seulement un an plus tard, une fois le petit monde de base bien défini selon les normes éthiques de l’éditeur, que René Goscinny commence à proposer des scénarios pour ce personnage… qui lui doit beaucoup ! De décembre 1953 à janvier 1957, il fournira ainsi à Martial 103 gags et un récit complet en cinq planches de Sylvie, le dessinateur continuant à exploiter de temps à autre ses propres idées ou développant des thèmes spécialement requis par la Rédaction. L’analyse des archives du scénariste révèle que seul quatre gags furent apparemment refusés pour l’une ou l’autre raison et qu’un cinquième resta inachevé faute de conclusion adéquate. En fait, graduellement, Goscinny va s’attacher à conter tout le cycle relationnel de Guy et Sylvie, des premières rencontres amicales jusqu’au voyage de noce en passant par les fiançailles et le mariage selon le calendrier un peu compassé réglant ce type d’événement sur le Vieux Continent dans les années cinquante. »
Pour votre information, le premier gag de Sylvie, dessiné par votre père et scénarisé par Goscinny porte le n° 62 et a été publié le 13 décembre 1953.
Après le licenciement de Goscinny par Troisfontaines, Martial continuera ce qu’il considérait, à juste titre, compte tenu de son investissement personnel, comme SA série, avec le succès que l’on connaît, enchantant ainsi des générations de lecteurs (et lectrices !).
En vous souhaitant, Chère Madame, une belle et heureuse année,
Très cordialement,
Patrick Gaumer
Bonjour Mr Gaumer, étant un amoureux de l’oeuvre de Goscinny, je me permets de vous remercier pour les informations que vous apportez ici.
J’avais appris que Dupuis devait publier les archives Goscinny, j’avais même écrit à Thierry Martens à ce sujet à l’époque, et je trouve dommage que le projet n’ait pas abouti. Vous est-il possible de décrire un peu son contenu ? J’imagine qu’il ne vous est pas possible de faire partager les documents que vous aviez réalisés à l’époque… Etes-vous en contact avec Anne Goscinny pour qu’elle édite ce projet ?
J’avais quelques questions sur Sylvie. Pourquoi n’a-t-on pas gardé Uderzo pour dessiner Sylvie ? Il n’était pas assez connu ? Son dessin ne plaisait pas ?
Cordialement, Julien
Bonjour Julien,
Ce volume, couvrant les années 1952-1955 aurait dû contenir :
- Fanfan et Polo Gentlemen-farmers, dessiné par Dino Attanasio (ce récit dessiné par Dino Attanasio sur un scénario de René Goscinny fut publié en bichromie du 22 mai 1952 au 19 mars 1953 à la dernière page de La Libre Junior),
- Alain et Christine, la fleur mystérieuse, dessiné par Martial, paru dans La Libre Junior (« La paternité de cette histoire revient conjointement à Jean-Michel Charlier et René Goscinny. Sous le titre « La fleur ou l’orange mystérieuse », Charlier soumit à International Press pour ses clients un synopsis assez détaillé, en onze pages dactylographiées serré, de ce qui aurait dû être la première aventure de Griseldys et Astragale. Il l’accompagna des dix premières planches de découpage.
Les noms quelque peu alambiqués firent tiquer et décision fut prise d’accorder aux personnages des prénoms plus communs. Les préoccupations commerciales n’étant jamais tout à fait absentes de l’esprit des décideurs, Alain a peut-être été choisi par référence au petit paysan Sylvain, de Maurice Cuvillier, qui connaissait déjà un vif succès. Charlier proposa assurément Christine en clin d’œil à sa jeune épouse.
Martial fut choisi pour illustrer cette charmante histoire s’apparentant aux contes de Grimm et à l’univers du magicien d’Oz. Charlier demanda à Goscinny d’effectuer les retouches nécessaires à un synopsis parfois un peu touffu, voire difficilement adaptable en dessin, et d’assumer le découpage à partir de la planche 11. L’habitude n’étant pas encore prise à l’époque de signaler les noms des scénaristes, le nom de Goscinny n’apparut, à sa demande, qu’à partir de la planche 20. La planche 27 associe les noms des deux scénaristes à la suite d’un apport particulier de Charlier au découpage, mais, dans l’ensemble, René Goscinny exploita très efficacement la matière mise à sa disposition, en simplifiant ou complétant parfois le synopsis là où il présentait des faiblesses. Jean-Michel Charlier fit par la suite vivre trois autres aventures à ces personnages. »),
- Une première salve de Sylvie, par Martial,
- Quatre « Oncle Paul » dessinés par Eddy Paape, Pierre Dupuis et Gérald Forton (« Le diptyque consacré à la grande aventure du capitaine Carlsen (Capitaine courageux, puis Carlsen le têtu) fut publié dans les numéros 730 et 731 de Spirou, les 10 et 17 avril 1952. Avec le long délai de réalisation de l’hebdomadaire, c’était une gageure de serrer d’aussi près un événement qui avait eu sa conclusion le 10 janvier ! René Goscinny s’y révèle un parfait journaliste apportant un peu d’actualité aux histoires de l’Oncle Paul, généralement situées dans un passé beaucoup plus lointain, et Eddy Paape illustre avec beaucoup d’efficacité ce suspense maritime qui tint le monde en haleine. Ces deux récits furent repris en 1953 dans l’album Barbe-Noire, proposant une sélection de sept histoires maritimes contées par l’Oncle Paul.
La mort du maréchal De Lattre de Tassigny, le 11 janvier 1952, amena René Goscinny à proposer une biographie succincte de ce grand militaire. Le choix se porta sur le dessinateur français Pierre Dupuis pour l’illustration du scénario. La version définitive serra de moins près l’actualité puisqu’elle ne fut publiée que le 11 septembre 1952, dans le numéro 752 de Spirou.
Devant le succès des Oncle Paul dans Spirou, la World’s inaugura le 8 novembre 1953 dans Les Bonnes Soirées une rubrique dessinée assez semblable et intitulée L’Histoire vivante. Les anecdotes relatées devaient porter sur des personnalités ou héroïnes féminines du passé et du présent. René Goscinny se porta volontaire pour écrire un des récits de lancement de la série et son scénario sur Helen Keller, illustré par Gérald Forton, fut publié le 27 décembre 1953. »),
Ainsi que Le Capitaine Bibobu, scénarisé et dessiné par Goscinny, paru dans Risque-Tout « À l’origine, Bibobu s’appelait Coquelet et son petit-fils répondait au prénom de Popaul. Lors d’un pré-découpage plus précis, René Goscinny transforma Popaul en Loulou, mais ce sont les services de l’éditeur qui imposeront finalement le nom de Bibobu à l’insu de l’auteur. Ce dernier n’apprécia guère une initiative prise pour garder le même patronyme dans la version néerlandaise du journal. On aurait dû pour le moins lui en parler et il passa un fameux savon à Yvan Delporte, responsable de cette transformation !
Cette brève série, la dernière dessinée par René Goscinny, tiendra le haut de la dernière page des numéros 1 à 22 de Risque-Tout, du 24 novembre 1955 au 29 avril 1956. L’auteur s’y sent en famille puisqu’il se trouve là en compagnie des aventures de Tom et Nelly, illustration par son ami Uderzo d’un scénario d’Octave Joly. »).
Malgré, déjà, son incontestable talent, Albert Uderzo n’a jamais pu véritablement imposer son graphisme chez Dupuis. Je vous invite à lire son entretien paru dans la troisième intégrale « Tanguy et Laverdure » (Dargaud, 2015), dossier que nous avons co-signé Gilles et moi,
Bien cordialement,
Patrick Gaumer
Bonjour et merci pour vos réponses ! vous m’apprenez plein de choses !
Quelques questions me viennent :
- vous parlez de 4 Oncle Paul écrits par Goscinny, mais je n’en connais que trois : « Capitaine Courageux », »Carlsen de têtu », »& »De Lattre »
- pourquoi Goscinny a été écarté des premiers gags de Sylvie ? et qui a écrit les premiers gags ?
En vous remerciant, Julien
Bonjour,
Je vous avais répondu un peu tardivement (0h52 !) et je voulais en fait écrire 4 récits historiques :
Après Capitaine courageux et Carlsen le Têtu, un diptyque contant le naufrage du « Flying Enterprise », illustré par Eddy Paape (n° 730 et 731, 10 et 17 avril 1952), Goscinny retrace la carrière du maréchal De Lattre de Tassigny, mise en scène par Pierre Dupuis (n° 752, 11 septembre 1952). Ces trois « Oncle Paul » seront ensuite repris dans les albums Barbe Noire (1953) et Héros d’épopée (1954). Hellen Keller, une « Histoire Vivante » brossée par Gérald Forton est publiée dans Bonnes Soirées n° 1664 (27 décembre 1953).
De mémoire, il faudrait vérifier plus précisément, mais je crois me rappeler que l’album Barbe Noire est en réalité le premier dans lequel apparaît la signature du scénariste.
Martial scénarise seul les premiers gags de Sylvie, même si, compte tenu du contexte de l’époque, on peut imaginer que Charles Dupuis avait son mot à dire.
Bien cordialement,
PG