Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...René Bastard : de la pierre au papier !
Inviter René Bastard dans la rubrique « Le Coin du patrimoine » est une évidence. Ayant commencé la bande dessinée à l’âge 40 ans, il gagne la ferveur de ses lecteurs six ans plus tard, en campant « Yves le loup » dans les pages géantes de l’hebdomadaire Vaillant. À l’exception d’un seul et court entretien, réalisé peu avant sa disparition, l’auteur est resté absent au sein des revues spécialisées… Il était donc temps de revenir sur le parcours de ce créateur qu’Yves Frémion, dans son « Guide de la bédé francophone », qualifiait en 1990 de « monument oublié ».
René Bastard est né le 8 octobre 1900 à Arpajon, en région parisienne.
Son père, musicien, mais vivant du commerce des peaux, quitte sa mère et son jeune fils peu après sa naissance. Il trouvera la mort au combat en 1916. Sa mère décède, victime de la tuberculose, en 1903.
Le bambin, âgé de quatre ans, est élevé à Châtillon-sur-Seine par sa tante et sa grand-mère. Il passe une jeunesse sévère, au sein d’une famille croyante. Son oncle chanoine l’expédie en tant que pensionnaire dans une école religieuse à Saint-Laurent-sur-Sèvre.
L’enfant, timide et renfermé, se souvient surtout de ses journées passées avec son grand-père bûcheron, comme il le confie dans Vaillant n° 630 en juin 1957 : « C’est en Bretagne que fut bercée mon enfance. Grand-père était bûcheron et, dès l’âge de quatre ans, mes amis furent les arbres, les bêtes, les fleurs et les oiseaux. Mes merveilleuses randonnées et mes aventures fabuleuses, je les dois à la forêt. Mes mains se sont durcies au contact de la glaise avec laquelle je pétrissais les tuiles que je cuisais au four. Cette vie fruste me plaisait, je gravais dans le bois, je creusais la pierre, je dessinais la nature partout où je me trouvais ».
La guerre terminée, il entre dans la grande famille des Compagnons du tour de France dont il apprécie la fraternité.
Sculpteur, il œuvre sur de nombreux monuments aux morts dans le Jura et sur la frontière allemande : « Une vie rude, pareille à celle des Égyptiens en leur temps… mais une vie de fraternité dans la misère. Il me souvient d’avoir économisé un an pour m’acheter un vélo ».
Après cette période d’errance, dès le début des années 1930, il réside à Bressuire où il gère un portefeuille d’assurance dont il assure la gestion jusqu’au début de la guerre.
En 1932, il épouse Catherine Pelletier : une pharmacienne, qui lui survivra jusqu’au début des années 2000.
En 1938, le couple s’installe à Nantes.
Lors de la déclaration de guerre, il est enrôlé au service cartographique dans le génie.
Dès la période l’occupation allemande, il abandonne le monde de l’assurance pour tenter sa chance dans le dessin.
Désormais Parisien, il suit des cours de nu et apprend la sculpture sur bois à l’académie de la Grande Chaumière, tout en vendant quelques dessins d’humour à l’éditeur Corrado Tedeschi.
Ses premiers travaux de dessinateur, fort modestes, sont destinés à l’agence Opera Mundi, à la fin 1940.
Après avoir illustré un ouvrage de chansons cochonnes, il propose ses premières bandes dessinées à Marcel Daubin qui, à Paris, dirige les éditions S.É.P.I.A., spécialisées dans la publication de fascicules de récits complets alors très prisés par les jeunes lecteurs.
De 1941 à 1946, il réalise une vingtaine de récits pour divers titres de cette maison d’édition et de ses filiales (Sagedi, ABC, Héroïca…), dont la plus grande partie des bandes dessinées viennent d’Italie.
Au fil de ces récits, aux scénaristes pour la plupart anonymes, il apprend son métier en abordant tous les genres : western, brousse, policier et même ésotérisme.
Il signe « La Vallée du silence » dans le n° 12 des Cahiers d’Ulysse, dont 34 numéros sont publiés de mars 1941 à août 1942, puis « Le Dernier Bandit » dans le n° 21.
Il est présent en 1943 dans les numéros 19 et 20 de Sélection prouesse avec « Le Temple du soleil vert » et « Le Carnet rouge ».
De 1943 à 1946, il travaille pour Collection Odyssées, qui compte 29 numéros, avec « Le Diadème des Mérovingiens » (n° 1), « À l’assaut des cimes » (n° 9), « Les Hommes immortels » (n° 16) et « La Planète obscure » (n° 25).
Puis, il dessine une dizaine d’histoires pour Les Sélections Hardi les gars !, dont 67 numéros sont proposés d’octobre 1945 à juin 1948 par les éditions Héroïca : « Le Dieu de la toundra » (n° 9 en 1945), « Rezzou sur le Tafilalelt » (n° 13), « Le Centaure de la pampa » (n° 16), « Les Hommes bleus » (n° 19), « On a tué Hitler » (n° 22), « Immolé à l’aube » (n° 24), « Kit Carson l’aventurier du Far West » (n° 26), « Le Justicier de la brousse » (n° 25 et 28), « Le Démon rouge » et enfin « À la manière de Garry Strong » (n° 35, en 1947).
En 1945, Hardi les gars ! se rapproche de Zorro/Jeudi magazine.
René Bastard travaille brièvement pour la Société d’éditions générales dont les bureaux sont situés à la même adresse que les éditions S.É.P.I.A..
Pour la première série de la revue À Travers le monde, qui compte 14 numéros au format à l’italienne, il réalise « La Cité perdue » (n° 5 d’août 1945), « Le Monstre déchaîné » (n° 9) et « Le Fou du Sahara » (n° 10 de février 1946).
Désormais fort occupé par sa collaboration avec Vaillant, il abandonne l’univers des récits complets qui connaît un lent déclin.
Vaillant, le journal le plus captivant
Successeur du Jeune Patriote, le premier exemplaire de Vaillant porte le n° 31 lorsqu’il sort le 1er juin 1945.
Excepté Raymond Poïvet (1) et ses « Pionniers de l’Espérance », les dessinateurs réalistes de qualité y sont rares.
Scénariste de cette fameuse série de science-fiction, Roger Lécureux, qui a remarqué le travail de René Bastard et habite près de chez lui dans le dixième arrondissement de la capitale, le contacte.
Tout en réalisant quelques illustrations, le « jeune » dessinateur âgé de 46 ans fait ses premiers pas dans le n° 71 du 19 septembre 1946 avec « Tchapalov » : une histoire en deux pages ; « Mandrin le justicier », écrit par Pierre Olivier, suit du n° 73 au n° 77. Les cinq doubles pages de ce récit sont réunies dans un album souple au format à l’italienne en 1947.
En 1946 et 1947, il anime le strip didactique « Les Explorateurs célèbres et inconnus », proposé en page 2 du journal. Ces travaux et ces deux courtes histoires suffisent pour convaincre Roger Lécureux de confier au nouveau venu le destin d’un personnage dont il est le scénariste : Nasdine Hodja.
Découvert par Roger Lécureux à 12 ans, alors qu’il faisait partie d’une organisation d’éclaireurs, Nasr Eddin Hodja est un personnage populaire auprès de la jeunesse de gauche. Les aventures de ce Robin des Bois oriental dont les exploits se transmettaient de bouche à oreille sont adaptées par Roger Lécureux du roman écrit en 1945 par le Russe Leonid Soloviev.
« L’Insaisissable Nasdine Hodja » compte 29 pages publiées par Vaillant du n° 84 (19/12/1946) au n° 112.
Dès les premières planches de grand format, René Bastard restitue d’un trait puissant l’Orient coloré des riches émirs, la foule grouillante du petit peuple que défend contre l’injustice le héros virevoltant.
Il signe encore deux histoires en huit pages et enfin un récit complet de trois pages dans le n° 325 (05/08/1951).
Mais le temps qu’il va consacrer à sa nouvelle création (« Yves le Loup ») le contraint d’abandonner « Nasdine Hodja » à d’autres : brièvement au mystérieux et peu brillant René Violet, au flamboyant Pierre Le Guen (2) et enfin à Angelo Di Marco (3) qui propose le dernier épisode dans Pif gadget n° 1407 (18/05/1972).
Parlant de son prédécesseur Pierre Le Guen confie : « Il travaillait sur une table rustique dans une chambre peinte en blanc. Il n’y avait presque pas de meubles, juste une paillasse. Il était comme un moine. »
En 1953, un album cartonné édité par Vaillant réunit les pages dessinées par Bastard avec, en prime, un grand dessin inédit, en double page.
Arrivé depuis peu à la rédaction de Vaillant, le Paimpolais Jean Ollivier (1925-2005) découvre, émerveillé, les pages de « Nasdine Hodja ». Très vite, les deux hommes s’apprécient, d’autant plus que René Bastard est nantais d’adoption. C’est tout naturellement que le scénariste lui propose de mettre en images les aventures de son nouveau héros : un certain Yves le Loup.
Yves est surnommé le Loup, parce qu’il pousse parfois le cri du loup. Il vit dans la forêt de Brocéliande auprès de son père, un pauvre bûcheron, et de sa mère Ghislaine, sœur du roi Arthus, chassée du palais pour avoir épousé un paysan. Yves gagne la cour royale, bien décidé à devenir un chevalier de la fameuse Table ronde. Il y parvient à 18 ans, mais refuse ce titre afin de venir en aide au petit peuple.
Yves va parcourir le monde, des Flandres à l’Italie en passant par la Norvège, l’Espagne, l’Angleterre… et même l’Orient. Très à l’aise, René Bastard propose de grandes pages lumineuses aux décors soignés qui feront rêver les lecteurs de l’hebdomadaire.
Du n° 113 (10/07/1947) au n° 772 (28/02/1960), il dessine pratiquement sans interruption 35 épisodes qui totalisent plus de 650 pages. Épisodes dont les titres, soigneusement choisis par le scénariste, ont fait rêver les jeunes lecteurs : « La Conquête du Graal », « La Forêt chantante », « Les Escoliers de Paris », « Le Château sous le lac », « Le Chant de l’alouette », « Le Manoir des ogres », « Debout les Jacques », « La Guerre des deux Jean »…
Triste n° 773 (07/03/1960) qui, sur une grande page, annonce « Yves le Loup vous parle ». C’est par le truchement de son héros que Jean Ollivier annonce le départ du dessinateur : « Le temps est venu de céder à un autre mon crayon, ma plume et mes pinceaux… Rappelez-vous l’histoire des cathédrales, un maître d’œuvre travaillait tant et tant d’années et, quand il jugeait que le temps était venu pour lui de prendre un repos bien gagné, il choisissait le compagnon qu’il pensait digne de lui succéder. »
La réalité est moins romanesque. Le dessinateur souffre d’une artériosclérose cérébrale sévère dont l’évolution l’empêche de travailler à son rythme habituel. « Yves le Loup » vit quatre aventures dessinées par l’excellent Eduardo Teixeira Coelho et proposées du n° 773 au n° 886 (06/05/1962) de Vaillant.
À l’occasion du changement de format de l’hebdomadaire, quatre anciens épisodes dessinés par Bastard sont repris, légèrement remontés, du n° 889 (27/05/1962) au n° 927, à raison de deux pages par semaine.
À partir du n° 974 (12/01/1964) René Bastard dessine des histoires inédites réalisées dans la souffrance, d’un trait simplifié qui surprend plus d’un lecteur.
C’est le cas de « L’Unicorne », de « La Coupe d’or », des « Chevaliers du roi Arthur », du « Royaume de Tara »…
Et enfin du « Siège de Tintagel » qui prend fin dans le n° 1098 (29/05/1966).
Cet ultime épisode marque la fin d’une série mythique qui ne sera pas reprise dans le futur Pif gadget.
L’évolution de la maladie contraint notre artiste à poser définitivement ses crayons.
S’il ne nie pas avoir observé le « Prince Valiant » d’Harold Foster, il revendique l’originalité de l’œuvre accomplie avec son ami Jean Ollivier : « Le dessinateur américain et moi avons puisé au même fond, “Le Roman d’Arthur”. Nous avons suivi grosso modo un même itinéraire, mais “Yves le Loup” était davantage placé dans le siècle. L’influence était certaine, mais inconsciente ». Il ajoute dans Vaillant, en 1957 : « Je me demande quelles circonstances m’ont amené ici… Sans doute étais-je destiné à créer ce personnage que je comprends si bien, ce chevalier des bois et des châteaux forts, ce cher Yves le Loup, le “compagnon” de mon imagination ! »
Si un épisode inédit (« Le Chevalier au masque ») est proposé en 1949, dans un fascicule de 16 pages, trois autres sont publiés, dans 34 aventures : publication en petit format – le premier du genre d’ailleurs – des éditions Vaillant.
Le premier, qui est la suite en 26 pagettes de « La Grande Croisade » paru précédemment dans Vaillant, a l’honneur d’être au sommaire du n° 1 (15/04/1949), et d’en faire la couverture.
Le suivant est publié au n°9 du15 août 1949 en 18 petites planches (+ couverture) où René Bastard s’est lui-même mis en scène sous le nom de Bastard le preux et le dernier de 12 pages au n° 109 de février 1954, alors que le périodique est devenu Caméra 34.
En plus de ces trois courtes aventures d’Yves le Loup, on trouve également sa signature sur un récit de 14 pages intitulé « Le Centaure des Camargues » au n° 5 (15/06/1949) et sur des illustrations au n° 54 (05/07/1951). (4)
En 1954, un album proposant des documents inédits est publié par les éditions Vaillant sous le titre « L’Enfance du preux », avec des pages didactiques sur le Moyen Âge.
À partir des années 1970, plusieurs éditeurs souhaitant rééditer cette série mythique ont été contraints de renoncer face à l’opposition de sa veuve.
Non pas pour des raisons contractuelles, mais parce qu’elle ne voulait pas autoriser la publication du travail réalisé par son époux pour la presse communiste qu’elle honnit.
Point de vue que ne semble pas partager l’auteur peu avant sa disparition : « Les séries publiées auraient eu une orientation politique, je pense que j’aurais cessé ma collaboration. De même si elles avaient porté atteinte à la morale ou à la justice. Par ailleurs, je crois n’avoir jamais été critiqué ni censuré, et j’en remercie la direction du journal. »
Il faudra toute la diplomatie de Jean Ollivier pour enfin savourer deux albums dignes de l’œuvre originale.
Le premier est édité en 1999 par le musée de la Bande dessinée d’Angoulême, le second en 2004 dans la collection Patrimoine des éditions Glénat.
René Bastard appartient à la grande famille des dessinateurs classiques français d’après-guerre, marqués par les bandes dessinées américaines publiées par les hebdomadaires des années 1930.
Il a aussi illustré des nouvelles et romans dans les pages de Vaillant : « Souvenirs d’un chef peau-rouge » de Robert Thierry (du n° 255 au n° 264), « Le Chevalier de l’espérance » de J. Amad (n° 265), « Le Disque volant » de Nemtsov (n° 385 à 527), « L’Héroïque Histoire des Indiens » de Robert Thierry (n° 593 à 698), « Les Flibustiers de l’Arbalète » de Jean Ollivier (n° 955 à 970).
Sans oublier la trilogie romanesque « Citoyen Jeantet » de Pierre Castex (1924-1991) évoquant les grandes heures de la Révolution française vécues par un jeune patriote.
« Le Citoyen Jeantet » débute dans le n° 528 (26/06/1955) et se poursuit avec un second épisode à partir du n° 751.
La passionnante saga prend fin dans « Les Aérostiers de la liberté », publié du n° 850 au n° 892.
Trois romans illustrés par René Bastard édités par la librairie Vaillant, en 1966, reprennent cette épopée historique : « Le Club des incorruptibles », « En avant les incorruptibles » et « Les Aérostiers de la liberté ».
On lui doit aussi une vingtaine de récits complets pour la plupart réalisés alors que la maladie l’empêchait de dessiner avec régularité les aventures d’Yves le Loup…
Signalons, par exemple, « La Fin de l’empire du soleil » (n° 332), « Sous le signe de la déesse » (n° 805), « Le Choix du naufrageur » (n° 817), « Le Roi des archipels » (n° 837), « Le Signe de Thor » (n° 871)… et, enfin, « Au rendez-vous des îles » dans le n° 894 du 01/07/1962.
On trouve sa signature dans quelques journaux de la presse communiste, alors très active. Il illustre en 1952, sous forme de bandes verticales, une adaptation de « Thyl Ulenspiegel » pour le quotidien Ce Soir, puis réalise les 57 bandes de « Chronique du règne de Charles IX » d’après Prosper Mérimée, en 1953, pour les quotidiens L’Humanité et La Marseillaise.
Il met en images les 22 pages en couleurs d’« Arkya, fille des dunes » pour l’hebdomadaire Vaillante, du n° 9 au n° 34 du 11 septembre 1947 (5). Ce récit, qui rappelle « Nasdine Hodja », évoque le combat héroïque d’une jolie brune à la tête de la révolte du peuple de Boufefrane contre le tyran régnant sur cette cité aux décors orientaux.
De 1947 à 1954, pour l’hebdomadaire féminin Femmes françaises, il illustre les vies de grandes figures de l’histoire : Magellan, Guynemer, Tristan et Iseult, Du Guesclin…
Rares sont les infidélités à Vaillant ou à la sphère communiste, tout au long de cette collaboration sans nuage.
C’est avec la bénédiction de son rédacteur en chef et scénariste Jean Ollivier qu’il crée un nouveau personnage pour le format de poche Perceval, lancé par Bernadette Ratier : la responsable des éditions Aventures et voyages.
Un personnage qu’il connaît bien, puisque Perceval le Gallois est un chevalier de la Table ronde du roi Arthur, compagnon d’Yves le Loup.
Les scénarios écrits par Jean Ollivier sont mis en images par René Bastard, pas très à l’aise dans ce petit format qui interdit les grands dessins où il excelle.
Il dessine les six premiers épisodes, sur les sept que compte Perceval, publiésd’août 1959 à février 1960.
On lui doit trois autres récits parus dans Ivanhoé n° 2, 3 et 4 (juin 1960). Les autres aventures sont réalisées par Joseph Garcia (« Kocis »), puis par le dessinateur italien Santo d’Amico. La série compte 734 pages, dont 430 sont dessinées par Bastard. Les couvertures des fascicules sont dues à Vincenzo Chiomenti.
Après l’abandon d’« Yves le Loup », dont la charge est trop lourde pour lui, il démarre en 1961 une activité moins contraignante avec le bimensuel Francs Jeux. Il y réalise deux récits historiques : « Roland de Castel Roc », une histoire située au Moyen Âge, dont les textes anonymes sont placés sous les images, et qui est parue du n° 368 (15/09/1961) au n° 387.
Du n° 412 (15/09/1963) au n° 432, « Face à César » évoque le combat héroïque opposant Komm le chef gaulois des Atrébates à Jules César, d’après Anatole France.
Revenu à Nantes en 1972, René Bastard, épuisé par la maladie, décède le 17 août1975.
Pas une ligne dans Pif gadget pour signaler la disparition de celui qui avait fait vibrer les lecteurs de Vaillant, son illustre prédécesseur, avec son héros régulièrement placé en tête dans les référendums.
Le reste du monde de la bande dessinée est tout aussi ingrat envers l’un des plus brillants dessinateurs d’après-guerre.
Seul le n° 26 (automne 1976) du fanzine Haga de Jean-Paul Tibéri lui consacre un court entretien réalisé un an avant sa mort.
C’est précisément en ouverture de cet entretien que son vieux compagnon Jean Ollivier confiait en octobre 1975 : « Nous avons travaillé longtemps ensemble, Bastard et moi… Aujourd’hui demeure en moi l’impression merveilleuse de l’avoir toujours connu. C’est ainsi avec les amis chers. Le temps vient où naît cette certitude que nous suivons la même route depuis des temps infinis. Il était Merlin l’enchanteur, non pas le mièvre Merlin du roman français, mais le Myrddin gallois, rugueux, joyeux, malin, un type des bruyères et des chênes. On s’en est raconté des histoires de korrigans bretons, de shees (fées) irlandaises, d’elfes de Cornouailles ! Bien qu’il fût nantais, il avait dans le sang toute sa Celtie. À la cour d’Arthur, disait-il, je n’aurais voulu être qu’un tailleur de pierre. Il aurait aimé sculpter des menhirs. Il aimait la vie comme il aimait la légende. Et je ne parle pas de son cœur qu’il avait gros comme ça ! ».
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
Merci à Jean-Luc Muller pour les scans de certains documents, mais aussi à Philippe Tomblaine, Fred Fabre et Gwenaël Jacquet pour leurs divers coups de main.
(1) Voir Raymond Poïvet (1re partie) et Raymond Poïvet (2e partie).
(2) Voir Pierre Le Guen : un grand parmi les grands ! (première partie) et Pierre Le Guen : un grand parmi les grands ! (seconde partie).
(3) Voir Angelo Di Marco : disparition du roi des reporters-dessinateurs !.
(4) Ces renseignements sont issus du très complet tome 0 de l’incontournable « Encyclopédie Thomassian des bandes dessinées » consacré à Caméra 34, qui vient tout récemment de sortir (en toute fin d’année 2022) chez Fantasmak : voir https://www.fantasmak.com.
Superbe article. Un grand merci.
Très intéressant en effet, je ne connaissais pas du tout ce dessinateur !
Un des nombreux dessinateurs de talent employés par Vaillant, au travail malheureusement parfois massacré par des mises en couleurs catastrophiques.