« Ginger », le polar oublié de Jidéhem, réédité avec Élan !

Les amateurs des BD policières de Maurice Tillieux (notamment de son « Félix ») ou de celles mettant en scène des voitures d’époque bien dessinées vont se régaler avec l’intégrale de la série « Ginger » due à Jidéhem (le créateur de « Sophie » et l’assistant d’André Franquin sur de nombreux « Gaston ») que proposent les éditions de l’Élan… Le tome 1, réservé aux sept récits complets parus dans les Héroïc-Albums en 1956 — le tout précédé de dossiers illustrés —, étant enfin disponible chez votre libraire favori ou sur le site de l’éditeur (http://www.editionselan.be) : 160 pages de nostalgie assurée !

Comme le rappelle notre confrère et ami Henri Filippini dans le « Coin du patrimoine » qu’il lui a consacré — voir Jidéhem : le deuxième homme… —, Jean De Mesmaeker, qui signe Jidéhem dès 1953 (avant même d’être publié), est né le 21 décembre 1935 à Bruxelles et commence à dessiner des BD vers l’âge de huit ans, réalisant pour lui seul plusieurs albums d’une soixantaine de planches en couleurs appliquées avec de l’encre Ecoline.

D’abord inspiré par Hergé, son trait se rapproche de plus en plus de celui de Maurice Tillieux qui, alors, anime « Félix » dans la revue belge Héroïc-Albums de Fernand Cheneval.

C’est à ce dernier qu’il présente ses travaux — dont plusieurs histoires policières —, alors qu’il sort juste de l’institut Saint-Luc à Saint-Gilles (Bruxelles) où il a suivi des cours artistiques et qu’il n’a que 16 ans.

Cheneval encourage le jeune homme à continuer, tout en lui précisant que pour être publiées dans son magazine, les bandes doivent être réalisées en noir et blanc et non directement en couleurs.

C’est ainsi que, dopé par ces conseils, Jidéhem redessine une partie de ses plus récentes BD proposées à Cheneval : celles ayant pour héros le détective privé Ginger (« Ginger et le collectionneur » et « Le Baron est fou »), affermissant certains personnages — il supprime ainsi les lunettes à son héros — et accordant, aussi, un soin particulier à l’élaboration des décors. Ils seront alors édités en couleurs au verso des numéros d’Héroïc-albums entre 1954 et 1956, sous forme d’histoires à suivre où Ginger et son ami Alan (qui dans la première ébauche s’appelle Algy) croiseront la route de Véraline : une intrépide jeune femme qui ne les quittera plus.

Si l’un des dossiers de ce premier tome présente quelques-unes des planches de la première version, l’intégralité de ces deux premières enquêtes (déjà compilées en albums en 1984 chez Bédescope), où l’influence de Tillieux est déjà évidente, constituera le volume 2 de cette entreprise patrimoniale attendue par de nombreux aficionados.

Ces deux essais publiés en dernière page des Héroïc-albums étant concluant, « Ginger » accède aussitôt après – dès 1956 — aux histoires complèt

 

es : au même titre que les alors célèbres « Félix » de Tillieux, « Jean des Flandres » ou « Aviorix » de Marcel Moniquet, « Le Chat » de Michel Denys (alias le futur Greg), « Attila » de Cheneval, « Jannic » de Fred Funcken, « Roc Météor » d’Albert Weinberg ou « Commissaire Maroff » de Pierre Leika (alias Kosc Fesco).

Le rythme des scénarios multipliant les actions et la casse automobile — on y retrouve tout l’esprit aussi insouciant qu’aventureux de cette bande dessinée franco-belge de l’époque — va faire de « Ginger » un digne rival de « Félix ».

Le dessin quasi semi-réaliste, aux décors généralement très soignés, correspond bien à l’ambiance polar des années 1950 : Jidéhem y étant nettement moins humoristique que dans autre série phare « Sophie ».

Sept récits complets (repris 30 ans plus tard dans Spirou, en 1976) seront donc proposés jusqu’à la fin du magazine qui n’était plus rentable pour Cheneval (les frais avaient considérablement augmenté et les Héroïc-albums ne pouvaient plus être diffusés en France, d’où un grand manque à gagner), en cette fatidique année 1956.

Notons que le débutant Jidéhem avait livré d’autres épisodes qui lui ont été payés, mais ayant disparu, ils n’ont jamais été publiés.

Ce premier tome de l’intégrale contient aussi de nombreux programmes non-stop parus entre les différents récits : ce qui représente environ 20 pages de BD totalement inédites, en plus des 84 constituées par les histoires issues des Héroïc-albums.

Trois dossiers informatifs signés Daniel Depessemier ou Étienne Borgers (l’un des scénaristes de François Walthéry, qui a bien connu Jidéhem), surtout consacrés aux souvenirs des uns ou des autres ou aux influences littéraires et cinématographiques sur la série, complètent le sommaire de ce premier opus dont le tirage a été limité à 1 500 exemplaires non numérotés et dont la maquette est identique à celle des intégrales « Félix » de Maurice Tillieux.

C’est un excellent boulot patrimonial qu’a réalisé, comme à son habitude, l’équipe de passionnés que sont les éditions de l’Élan (1).

En plus, ils ne se reposent absolument pas sur leurs lauriers, car ils annoncent le volume 2 pour 2025 et les tomes 3 et 4 — qui devraient logiquement compiler les histoires de la reprise du personnage parues dans Spirou entre 1979 et 1988 — pour 2026.

Gilles RATIER

(1)       Sur les éditions de l’Élan, voir récemment sur BDzoom.com : Une escapade vécue par Maurice Tillieux, digne de ses héros de BD…Maurice Tillieux nous fait un Signe : quel Ange !Du Tillieux réaliste !Mission accomplie pour les éditions de l’Élan, avec la publication du tome 11 de l’intégrale « Félix » !Et de dix pour l’intégrale « Félix » !Un « Félix » de Tillieux à mettre sous le sapin !Tillieux, Goscinny et Charlier en majesté…« Félix » a toujours autant d’Élan !Du patrimoine érudit…Enfin, une nouvelle intégrale pour « Félix » de Maurice Tillieux !Les couvertures de « Félix » en intégrale…. , De quelques nouveautés franco-belges venant tout droit du passé…Revue de détail des dernières nouveautés du passé de Tintin ou de Spirou !Un nouvel Élan pour Maurice Tillieux

« Ginger : intégrale T1 : Héroïc-Albums 1956 » par Jidéhem 

Éditions de l’Élan (43 €) — EAN : 9782931072080

Parution 10 février 2025

Galerie

Une réponse à « Ginger », le polar oublié de Jidéhem, réédité avec Élan !

  1. Diddu dit :

    Merci pour la mise en valeur de ce superbe ouvrage.
    Jidéhem était un dessinateur et un raconteur d’histoires magnifiques.
    Les récits publiés sont d’une virtuosité inouïe, d’autant plus remarquable que Jidéhem était à peine majeur. Quel talent !
    Je me suis régalé à la lecture de cette première intégrale.

    Enfin, comment ne pas souligner l’écrin sublime proposé une nouvelle fois par les Editions de l’Elan.
    Que ce soit la qualité du papier, le toucher agréable de la couverture, la maquette, le nettoyage des planches.
    A l’instar des récits de Tillieux (Félix bien entendu, mais aussi Bob Bang, les histoires réalistes ou bien encore Ange Signe), on tient là le summum de l’amateur de belles choses, à un tarif, et il faut aussi le souligné, abordable.

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