Un nouvel Élan pour Maurice Tillieux

Voici deux parutions qui viennent à point nommé pour compléter notre dossier sur ce très grand monsieur de la bande dessinée belge qu’était Maurice Tillieux

 

 

La première est due à un petit éditeur belge qui s’est spécialisé dans la redécouverte des œuvres inédites en albums de l’auteur de « Gil Jourdan » et de « Félix » : il s’agit des éditions de L’Elan (www.editionselan.be), dirigées par l’infatigable Daniel Depessemier. L’album « Les mésaventures de Monsieur Balourd » (30 euros) constitue sa troisième réalisation, après « Achille & Boule-de-gomme » qui est déjà épuisé et « Bob Bang ». Tiré à 500 exemplaires seulement, ce recueil a été réalisé par des collectionneurs pour des collectionneurs et propose, non seulement les 59 pages de cette série publicitaire vantant la sécurité au travail sur le mode humoristique, mais aussi 42 pages d’articles très intéressants (la reprise d’une interview réalisée par Thierry Groensteen en 1972 pour le fanzine Submarine, une biographie de Tillieux axée sur les années 1950 à 1960, un témoignage de Gos sur la reprise de « Gil Jourdan »…), de photos inédites et d’illustrations méconnues. « Les mésaventures de Monsieur Balourd » était un strip (il y en a quatre par page dans cet album broché, ce qui représente 597 gags) qui fut réalisé, de 1954 à 1964, pour le compte de l’ANPAT : l’Association Nationale pour la Prévention des Accidents de Travail. Cette dernière était une association sans but lucratif placée sous le haut patronage de sa majesté le roi (de Belgique, bien entendu), créée en 1951 à l’initiative des Caisses Communes d’Assurance et de l’Union Professionnelle des Entreprises d’Assurance : du sérieux, quoi ! Dès 1953, l’ ANPAT édita un mensuel à l’usage des entreprises belges, ainsi que nombre de publications corporatives en français ou en néerlandais, dans lesquelles Tillieux livra ce stop-comic original. N’attendez pas pour commander cet ouvrage (hélas pratiquement introuvable dans les librairies spécialisées françaises) en envoyant un mail à info@editionselan.be car, comme le précise l’érudit Danny De Laet dans son introduction (fort documentée) à l’œuvre : « Balourd ne pèsera peut-être pas lourd dans l’histoire de la BD, mais il aurait été imprudent de ne pas en tenir compte tant on se dit que cette petite BD, pleine de charme, n’aurait pas déparé n’importe quel illustré ou quotidien de son époque »…

 

L’autre récent album de Tillieux qui mérite le détour (il s’agit de la 3ème intégrale chronologique de « Marc Lebut et son voisin »), émane lui aussi d’une toute petite structure : Le coffre à BD. Initiative due à un autre bédéphile passionné, l’informaticien Bernard Coulanges, cette mini-structure a repris, dans un premier temps, quelques bandes dessinées oubliées (comme les fameux mini-récits de Spirou), sur le site http://www.bdoubliees.com, lequel reçoit, en moyenne, 35000 visites par jour : des lecteurs fidèles qui n’hésitent pas à aider le responsable à son monumental travail de recensement de toutes les BD parues dans les revues. Après une association avec les éditions du Taupinambour (que le Coffre à BD diffuse toujours), Bernard Coulanges crée son propre label (http://coffre-a-bd.com) où l’on peut commander ou lire en ligne diverses oeuvrettes de Sirius, Deliège, Lagas, Tenas, Degotte, Bissot, Remacle, Chakir ou Francis (entre autres). Ce dernier avait créé, en 1963, pour le magazine Record, un automobiliste roulant dans un vieux tacot (« Monsieur Bulle ») et avait proposé à Maurice Tillieux, dont il adorait l’humour un peu fou, d’écrire les scénarios d’une nouvelle série humoristique qui reprendrait l’idée de ces personnages motorisés (d’autant plus que le héros préfigurait Goular, le futur voisin de Marc Lebut) pour Spirou. C’est ainsi que naquit « Marc Lebut et son voisin », bande dessinée souvent plus connue sous l’appellation de « La Ford T », le 10 février 1966 (dans le n°1452 de l’hebdomadaire de Marcinelle). Jusqu’en 1969, Tillieux écrivit tous les scénarios de ces récits de cinq ou six planches (ainsi que celui d’un long récit de 44 planches : « L’homme des vieux », en 1968) ; mais, une fois la série lancée, Francis se permit quelques escapades en solo sur des gags en une page que l’on retrouve d’ailleurs dans ce très bel album cartonné au dos toilé (comme les anciens Lombard) : cet ouvrage, au tirage minuscule, est numéroté et comporte 88 pages, le tout pour 25 euros. Le scénariste de « Tif et Tondu » ou de « Jess Long » multiplia, pour cette série loufoque, les situations absurdes et burlesques, les ponctuant d’innommables jeux de mots, jusqu’au dernier épisode de six planches paru dans le n°2127 de1979 : un an plus tôt, le 31 janvier, Maurice Tillieux avait succombé à la suite d’un terrible accident de voiture. Pourtant, avec ou sans Ford T, Marc Lebut et monsieur Goular vivront encore quelques aventures (souvent scénarisées par Raymond Maric), jusqu’en 1983…

 

Là encore, même si, pour certains spécialistes, il ne s’agit pas de la plus brillante création de Maurice Tillieux, il faut saluer ces deux initiatives patrimoniales que les nouvelles générations feraient bien de découvrir avant de se lancer dans la création ou la critique du 9ème art. Il est cependant dommage que seules quelques petites structures se passionnent pour ces tentatives de résurrections en nous proposant des rééditions qui, sans eux, seraient tombées dans l’oubli : ils font pourtant là un travail de mémoire indispensable qui mériterait d’être vraiment mieux considéré !

 

 

 

Gilles RATIER

 

 

 

Vous pouvez vous reporter également à L’envers des planches de… Maurice Tillieux 

 

 

 

 

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