BDZoom > Actualités > « Habemus Bastard » ou quand la soutane sert de couverture : un polar aussi profond que poilant de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann !

Pas de commentaire

« Habemus Bastard » ou quand la soutane sert de couverture : un polar aussi profond que poilant de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann !

06/05/2024
Par Gilles Ratier

Le père Lucien ne s’encombre guère de scrupules ! Rien d’étonnant à cela, puisque c’est, en fait, un homme de main réputé pour son efficacité, qui se planque dans un petit village du Jura en se faisant passer pour le nouveau curé. Traqué par des types qui, eux, ne sont pas très catholiques et veulent l’envoyer ad patres, il a enfilé dans l’urgence la soutane du père Philippe qui s’est retrouvé dans la mauvaise piaule au mauvais moment : les autochtones ne l’ayant encore jamais vu. Drôle et captivant, ce polar prévu en deux tomes est écrit par l’étoile montante du roman policier français qu’est Jacky Schwartzmann et enluminé par le trait expressif de Sylvain Vallée : le dessinateur d’« Il était une fois en France »…

Pour sauver sa peau après sa mission ratée (on lui met sur le dos le décès du neveu d’un mafieux local), Lucien — qui n’avait jusque-là jamais commis d’erreurs — décide donc de se réfugier, en plein hiver, à Saint-Claude : un patelin encaissé entre les massifs jurassiens où on l’attend pour qu’il commence au plus vite son office. Lors de sa première messe du dimanche — elle ne va durer que dix minutes, hosties comprises, et sera close par la sonnerie d’un portable présent dans une poche de sa soutane —, l’un des fidèles paroissiens en conclut que le nouvel ecclésiastique doit être « un curé moderne » !

S’il va quand même se faire rapidement des alliés, de tous âges et de tous rangs, parmi les soupçonneux locaux, notre gangster doit donc surveiller ses arrières, tandis qu’il se retrouve face à de grandes responsabilités, ne connaissant rien aux codes de sa fonction… Car vous avez compris que notre usurpateur est loin d’être un fervent croyant !

Ce premier tome de 80 pages — dont le second est déjà annoncé pour le mois d’octobre — met en place une intrigue palpitante, mâtinée d’un humour noir et amoral, entre « Les Tontons flingueurs » et « Fargo » : les dialogues concoctés par Schwartzmann et Vallée étant ciselés à la façon d’un Michel Audiard et les personnages, hauts en couleur, semblent tout droit sortis d’une série policière de Donald Westlake !

Comme c’est souvent le cas dans ses romans, l’auteur de « Mauvais Coûts » ou du récent « Shit » nous propose une histoire décapante où les situations cocasses succèdent systématiquement aux rebondissements et aux nombreuses scènes d’action. Notons que ce n’est pas la première intervention de Jacky Schwartzmann dans le monde du 9^e art, puisqu’il a écrit « Stop Work : les joies de l’entreprise moderne » pour Morgan Navarro chez Dargaud, en 2020.

Ici, l’adaptation de son scénario et de ses dialogues, pour la bande dessinée, est due à Sylvain Vallée, lui-même ; lequel y a manifestement pris beaucoup de plaisir pour que ce polar déjanté, voire iconoclaste, colle parfaitement à son dynamique trait semi-réaliste et à son découpage des planches très varié. Un style bien reconnaissable que l’on peut apprécier depuis de nombreuses années, non seulement sur l’excellente et multiprimée saga « Il était une fois en France » de Fabien Nury, mais aussi sur plusieurs épisodes de la série « Gil Saint-André » de Jean-Charles Kraehn, sur le triptyque congolais « Katanga » (encore sur un scénario de Nury) ou dernièrement sur le roman graphique « Tananarive » avec la complicité de Mark Eacersall. (1)

On attend donc, avec impatience, la conclusion de cette passionnante histoire, par ailleurs fort bien rythmée et qui bénéficie, également, des couleurs expressives de la grande professionnelle Elvire de Cock.