Guido Buzzelli (2e partie)

Après le succès d’estime obtenu par « La Rivolta dei racchi » (« La Révolte des ratés »), Guido Buzzelli enchaîne avec d’autres histoires aussi dramatiques que cauchemardesques, au graphisme plus expressif et au contenu toujours très introspectif, comme « Les Labyrinthes », « Zil Zelub », « HP » et « L’Agnone ». Il continue d’y mettre en images, de façon impressionnante, un monde alternatif bien personnel où il dénonce, avec vigueur, la propension qu’à notre société à broyer les individus qui ne se laissent pas formater.

            Ce discours quelque peu pessimiste sur la nature de l’être humain vient à point nommé à l’époque et confirme sa bonne réputation dans ce milieu du 9e art marqué par les récents événements de mai 1968 où la société de consommation a été bien mise à mal. D’ailleurs, en 1973 (puis en 1979), il est récompensé par le Yellow Kid du meilleur auteur, au salon international de Lucca, en Italie.

            Ces longues bandes dessinées en noir et blanc, où l’auteur jette sur le papier ses illustrations réalistes remplies de personnages très expressifs, sont préalablement proposées, en France, dans le magazine Charlie mensuel, toujours sous l’impulsion de son rédacteur en chef, Georges Wolinski ; ceci avant d’être publiées dans ses équivalents italiens Linus et Alter Linus : « Je pense que mes histoires, étant donné leur caractère fantastique et halluciné, ont besoin de l’appui d’un dessin réaliste ; je crois, d’ailleurs, qu’on n’est pas moderne tout simplement parce qu’on déforme avec préméditation les images, parce qu’on abolit un signe ou qu’on ignore l’anatomie et la perspective. »  (1)             Dans « Les Labyrinthes » (il semblerait que la bonne tradition de cette histoire, réalisée entre 1968 et 1970, serait plutôt « Le Labyrinthe », comme l’affirme Frédéric Pajak dans la réédition qu’il a réalisé pour Les Cahiers dessinées en 2018 : voir  Buzzelli : le tourmenteur tourmenté !), le double de Buzzelli, qui n’est autre qu’un dessinateur « comique » du nom de Marcel Sforvo, survit à une explosion de type nucléaire.

Il est pris en affection par Aunoa, une superbe créature au look futuriste, chargée de sauver toute personne digne de survivre… : ces 64 planches sont proposées dans Charlie mensuel, du n° 29 de juin 1971 au n° 33 d’octobre de la même année.

Cependant, il faudra attendre le troisième trimestre 1979 pour qu’elles soient compilées dans un album broché aux Humanoïdes associés, sous le titre d’« Aunoa » : « Dans « Les Labyrinthes », comme en général dans tous mes travaux, je crois manifester avant tout mes appréhensions, mes doutes ; doutes et appréhensions qui me semblent partagés, de nos jours, par l’homme de la rue. »  (1)            Même si, petit à petit, son dessin devient plus rugueux, ses images plus sombres et les gros plans qu’il utilise plus agressifs, le récit suivant (toujours publié dans Charlie mensuel, mais du n° 38 de mars 1972 au n° 44 de septembre 1972) est certainement son œuvre la plus accomplie, bien qu’il s’en défende.

En effet, les 64 pages de « Zil Zelub » (dessinées entre 1971 et 1972) semblent être l’aboutissement de ses expériences graphiques et narratives.

L’auteur y promulgue toujours sa vision de la nature humaine en montrant comment les hommes vont essayer de tirer profit de lui.

Bien entendu, le dysfonctionnement physique du héros (Zil Zelub, anagramme transparente de Buzzelli, est un artiste rêveur et sensible dont les membres se détachent de son corps et ne lui obéissent plus) correspond, évidemment, à un dysfonctionnement social : « Zil Zelub est mon cauchemar particulier. En effet, pour la première fois, je travaille à une histoire en train de paraître, avec des échéances précises et terribles. Cela ne m’a pas permis de revoir, de refaire certaines planches, comme j’ai toujours fait… Quoi qu’il en soit, c’est l’histoire d’un homme en conflit avec lui-même, exploité par des gens qu’il déteste et voué à une fin tragique. »  (1)

            Il n’existait, jusqu’à lors, de cette superbe histoire qu’un seul album publié en langue française, au quatrième trimestre 1979, aux éditions du Square (société dirigée par Georges Bernier, le célèbre professeur Choron, qui publiait les journaux Hara-Kiri, La Gueule ouverte, Charlie hebdo et mensuel) : heureusement, en 2018, Les Cahiers dessinés ont réédité ce chef-d’œuvre trop méconnu du 9e art  dans le tome 1 des « Œuvres » de Buzzelli.            Alors que le scénario d’« HP » (« Horse Power ») est dû à son ami Francesco E. Cerrito, qui signe ici Alexis Kostandi et qui lui avait déjà fourni plusieurs courts scénarios d’une remarquable noirceur, il rassemble, pourtant, tous les grands thèmes qui obsèdent le dessinateur : dans un monde post-atomique, des réprouvés vivent de chasse et de rapines à proximité d’une ville ultramoderne dirigée par une oligarchie militaro-scientifique ; leurs dirigeants ont mis au point un cheval-robot perfectionné qu’ils lancent comme un leurre aux confins des campements où vivent les exilés…

Dessiné et paru en Italie entre 1973 (année où Buzzelli est décidément très prolifique) et 1974, ce long récit de 102 pages en noir et blanc sur la décadence des sociétés humaines rongées par la violence et le goût du pouvoir, sur l’hybridation entre l’homme et l’animal et sur la rédemption par l’art (on reconnaît Buzzelli, lui-même, dans le rôle d’un peintre qui tente vainement d’exercer son métier) a été publié l’année suivante, en France, dans Charlie mensuel : du n° 64 de mai 1974 au n° 70 de décembre 1974, puis dans le n° 73 de février 1975.

Les Humanoïdes associés (éditeur du mensuel Métal hurlant) ont compilé l’intégralité des épisodes dans un album broché diffusé en février 1978 et épuisé depuis des lustres : encore un manque patrimonial qu’il serait bon de combler !

À propos de cet album, l’écrivain de science-fiction Bernard Blanc écrivait dans le n°8 du mensuel (À suivre), en septembre 1978 : « Buzzelli ne croit pas en l’avenir radieux de l’humanité : son monde est fait de quelques beaux mecs, héros solitaires d’un classicisme rétro, mais surtout de monstruosités à la Tod Browning, de nabots comme Poids Plume ou de dégénérés comme Gros Lard. Une suite d’individus diminués et pleins de rancœur. Buzzelli est tout à fait désabusé et pessimiste : sa science-fiction à court terme nous promet des villes gigantesques, où les savants et la police font régner l’ordre et, tout autour, des étendues arides où survivent quelques marginaux au milieu des infections et des ordures. »

À noter que, suite à la mise en ligne de la première partie de cet article (voir Guido Buzzelli (1ère partie)), l’érudit Thierry Groensteen nous a informé que le musée de la Bande dessinée (CIBDI) venait, justement, d’acquérir l’intégralité des planches de cet album de Buzzelli.
           Autre histoire torturée et pessimiste qui laisse libre cours à l’imagination fantasque de ce dessinateur doté d’une solide formation classique, « L’Agnone » date de 1976 et est la dernière grande œuvre qui va, encore, lui donner, les moyens d’user et d’abuser de son trait noir et puissant, parfois lyrique mais toujours précis et efficace, sur un récit caricaturant à l’excès les défauts de nos contemporains, sous couvert d’un transfert de sa personne sur un auteur dramatique  !

            Ces 45 pages en noir et blanc, impeccablement composées et d’une force impressionnante, ont été proposées dans Charlie mensuel, aux n° 99 d’avril 1977 et n° 100 de mai 1977.

Les éditions Dargaud (éditeur du mensuel Pilote) les ont proposées dans un album broché en 1980 puis, comme nous l’avons déjà signalé dans le précédent « Coin du patrimoine » consacré à ce génial dessinateur transalpin, les éditions PMJ les ont reprises dans un album cartonné, en octobre 2000, qui n’obtint malheureusement pas le succès espéré ; ce qui ne découragera pas Les Cahiers dessinés de les rééditer en 2019 (en les re-titrant « L’Agnion »), dans  le tome 2 des « Œuvres » de Buzzelli .

Dans le n° 68 de BoDoï, daté de novembre 2003, Évariste Blanchet (qui s’est occupé de cette édition de « L’Agnone », avec Pierre-Marie Jamet), reconnaissait qu’ils n’en avaient vendu que 400 exemplaires, en trois ans, et déclarait alors : « La dernière parution de cet auteur remontait à plus de 15 ans. Mais je comptais, naïvement, trouver un peu d’aide pour que ce livre trouve son public. Or, peu de libraires l’ont défendu. Quant à la presse, il aurait fallu plus que quelques lignes dans Libé et le soutien de BoDoï pour trouver troubler un silence assourdissant. Résultat : les stocks de « L’Agnone » ont été pilonnés. Seuls 200 exemplaires ont survécu au massacre et demeurent disponibles par correspondance. J’imagine mal qu’il faille de nouveau attendre 15 ans avant de voir réapparaître cet auteur un peu maudit, tant son œuvre n’a pas perdu une once de sa puissance. »

Pourtant, de son côté, le critique et journaliste Christian Marmonnier n’avait pas hésité à écrire, sur le site comics-world.net : « Bon sang, comment peut-on oublier de tels monuments de la bande dessinée européenne ?… Comment peut-on les oublier alors que ces pièces maîtresses furent un temps sur toutes les lèvres des lecteurs de Charlie mensuel ? »

            D’autant plus que, dans ses quatre longs récits indispensables, on retrouve aussi tous ses sujets de prédilection, dont celui, omniprésent dans toute son œuvre, de l’affrontement entre la laideur et la beauté.

Comme dans « La Révolte des ratés », où la sympathie de l’auteur se tourne vers ceux dont les imperfections semblent plus humaines, il n’a de cesse de créer, ainsi, de nombreuses créatures monstrueuses : cette fascination pour les monstres s’accompagnant toujours d’une description et d’effets visuels correspondant à une recherche sur l’âme humaine ; un peu comme dans les peintures de Francisco de Goya, les romans de Franz Kafka ou les films de Federico Fellini, créateurs auxquels Buzzelli fait souvent référence dans son œuvre : « Si vous regardez bien, le climat de mes histoires crie partout que j’aime Goya. Daumier aussi, un peu, mais mon grand amour, c’est Goya. J’aime Léonardo, Michelangelo, mais surtout j’aime… Goya. C’est un peintre politique, vous comprenez ? » (2)

            Quoi qu’il en soit, pour l’heure, il est évident que l’immense talent de Guido Buzzelli explose vraiment avec ces récits publiés dans Charlie mensuel, auxquels il faut rajouter quelques fables plus courtes, mais tout aussi pertinentes.

Elles sont publiées aussi, pour la plupart, en Italie, dans des revues de bandes dessinées (Linus, Alter-Alter, Sorry, L’Eternauta, Comic Art…) ou généralistes (Paese Sera, Il Messaggero, L’Espresso, L’Unità, Corriere della sera)…

-          « Un type angélique » (15 planches sans date publiées en noir et blanc au n° 53 de juin 1973, mais aussi, le même mois, dans le n° 46 du petit format Spécial Rodéo des éditions LUG, avant d’être reprises dans l’album « Zil Zelub » aux éditions du Square, en 1979, puis dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019),

Extrait d'« Un type angélique ».

-          « Annalisa et le diable » (18 planches en noir et blanc datées de 1973, publiées dans les n° 54 et n° 55 de juillet et août 1973, et reprises, au premier trimestre 1980, dans l’album broché « Démons » (3) aux éditions du Fromage qui publiaient, alors, le magazine LÉcho des savanes, puis dans le premier tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2018),

Fin d'« Annalisa et le diable ».

-          « Le Métier de Mario » (28 planches datées de 1973 et scénarisées par Alexis Kostandi, publiées en noir et blanc au n° 61 de janvier 1974 et reprises dans l’album « Zil Zelub » aux éditions du Square, en 1979, puis dans le tome 2 des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019),

-           « L’Auberge » (quatre planches datées de 1973, publiées en couleurs au n° 63 d’avril 1974 et reprises, en noir et blanc, dans l’album « Démons » aux éditions du Fromage, en 1980, et dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019),

-          « L’Interview » (16 planches en noir et blanc réalisées en 1974 et 1975, publiées au n° 83 de décembre 1975 et reprises dans l’album « Zil Zelub » aux éditions du Square, en 1979, ainsi que dans le premier tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2018),-          « Peisithanatos » (26 planches en noir et blanc datées de 1978, scénarisées par Francesco E. Cerrito et Grazia de Stefani, et publiées au n° 125 de juin 1979.

            Parallèlement à ces histoires, bien d’autres vont être publiées, en France, dans la plupart des revues de bandes dessinées dites pour adultes des années soixante-dix/quatre-vingt (Comics 130, Phénix, Circus, L’Écho des Savanes, Scop magazine, Pilote, (À suivre), Métal hurlant, Fluide glacial, Hara-Kiri…), lesquelles alternent traductions et travaux réalisés spécialement pour eux.            Ainsi, deux histoires plus anciennes (scénarisées par un certain R. Traini) ont été publiées dans Comics 130, revue créée par la librairie parisienne Futuropolis de Robert Roquemartine qui va passer le relais, à compter du n° 7, à son collègue belge Georges Coune, propriétaire de The Skull à Bruxelles : « Underground » (12 planches en noir et blanc datées de 1971) au n° 7 de décembre 1972 et « L’Ami de la famille » (sept planches en noir et blanc datées de 1972) au n° 8 de septembre 1973. À noter que cette dernière histoire, que nous vous présentons intégralement ci-dessous, avait été préalablement publiée dans le magazine grand format Horror des éditions de Poche, au n° 8 du quatrième trimestre 1972.            Par ailleurs, Claude Moliterni, responsable littéraire chez Dargaud où il était alors, entre autres, directeur de publication de la nouvelle formule de la revue spécialisée Phénix, laquelle venait d’être rachetée par son éditeur qui souhaitait la diffuser plus largement en kiosques, le met en chevilles avec son ami écrivain et scénariste à ses heures, Jean-Pierre Gourmelen.

Cette collaboration va déboucher sur « Nevada Hill », un western classique de 54 planches en noir et blanc : pages datées de 1973 et 1974 qui seront publiées dans Phénix, au n° 34 du quatrième trimestre 1973 et aux n° 35, 37 et 41 de 1974, avant d’êtres reprises, en couleurs, dans un album cartonné aux éditions Dargaud, au quatrième trimestre 1974.            Moliterni le fait aussi découvrir à Guy Vidal qui l’introduit aussitôt dans la nouvelle formule (mensuelle) du journal Pilote, dont il est, désormais, le rédacteur en chef :

-          au n° 2 de juillet 1974, avec huit pages en noir et blanc, datées de 1973 et scénarisées par Francesco E. Cerrito, de « Mammaaaan ! » : elles seront reprises sous le titre « Au dernier étage » dans l’album « Démons » aux éditions du Fromage, en 1980, ainsi que dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019, sous le titre « Au dernier étage »,

-          au n° 64 de septembre 1979, avec les trois pages humoristiques en noir et blanc de « Mais n’anticipons pas… », un travail de commande scénarisé par Pym,

-          au n° 70 bis de mars 1980, avec les six planches en noir et blanc et datées de 1979 de « Piazza del Popolo » (reprises sous sa traduction littérale « Place du Peuple » dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019),

-          et au n° 98 de juillet 1982, avec un autre texte de Pym sur quatre pages en noir et blanc, datées de 1981 : « La Tête au bois dormant », dans le cadre d’une rubrique « Faits divers ».

            Entre 1974 et 1976, Francesco E. Cerrito lui écrit aussi cinq courtes histoires policières mettant en scène le personnage énigmatique de « La Face », l’homme sans visage ; au total, cinquante-quatre pages en noir et blanc proposées, en France, dans le mensuel Circus des éditions Jacques Glénat : du n° 1 (au deuxième trimestre 1975) au n° 5 (du deuxième trimestre 1976). Ces cinq histoires ont été compilées dans un album pirate publié par Bibliotheca Virtualis, en 2018.

            Il ne faut non plus négliger les quelques travaux qu’il a essaimé dans les autres magazines de bandes dessinées dites pour adultes de l’époque, même si son inspiration semble, malheureusement, s’y épuiser ; la plupart correspondant, surtout, à des œuvres de commande réalisées à une époque où son activité de peintre redevient de plus en plus intense :

-          dix pagettes en couleurs sur « New York » publiées dans le n° 1 de Scop magazine (essai pour concurrencer Charlie mensuel dû aux éditions de la Grille qui était une émanation des éditions Vaillant, propriétaire de Pif gadget), en octobre 1976 ; elles ont été remontées en quatre pages pour l’album « Démons » aux éditions du Fromage, en 1980, et les trois premières ont été reprises, sous cette deuxième forme, dans le n° 84bis de L’Écho des savanes (en 1982).

-          un portfolio de sept pages, reprenant de nombreuses esquisses pour illustrer un texte écrit sur son œuvre par Michel Ceder, au sein du tome 1 du « 9ème Rêve », aux éditions Louis Musin (en 1979), lequel réunit certaines histoires réalisées par des étudiants de la section bande dessinée des Instituts de Saint-Luc à Bruxelles. (4)

-          les 18 pages en noir et blanc de « La Guerre vidéologique » scénarisées par ses complices habituels Francesco E. Cerrito et Grazia de Stefani (d’après le roman de Raffaele La Capria) et les quatre de « Les Vacances, c’est aussi l’aventure » écrites par Pym qui ont été réalisées, pour l’occasion, pour le mensuel (À suivre) des éditions Casterman, aux n° 6/7 de juillet-août 1978 et n° 19/20 d’août-septembre 1979 : ces deux histoires sont rééditées dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019.

-          les cinq pages en couleurs de « La Difficile Carrière de monsieur Temistocle » datées de 1979 et publiées dans le mensuel Métal hurlant des Humanoïdes associés, au n° 42 de juillet 1979.

Ce même éditeur proposera aussi, en septembre 1980, un long récit de science-fiction (54 pages en noir et blanc scénarisées par Daniela Vianello et datées de 1975) qu’il publie directement en album : « Morganna », traduite par « Morgane » en France.-          de nombreuses illustrations en noir et blanc dans l’ouvrage «  L’Indicateur du fait divers », paru aux éditions La Vue (de Jean-Jacques Pauvert), en 1981.

-          quelques illustrations pour le mensuel d’Umour et Bandessinées Fluide glacial, pour la rubrique « T’ar ta lacrem » d’Yves Frémion consacrée à Paolo Villagio (au n° 68 de février 1982) et pour une nouvelle de Bruno Léandri (« Alimentaire ») au n° 70 d’avril 1982.

-          les 44 pages en couleurs d’une ultime histoire de science-fiction réalisée entre 1980 et 1984, « Zasafir », publiées dans la nouvelle version de L’Écho des savanes éditée par Albin Michel, du n° 21 d’août 1984 au n° 25 de décembre 1984 ; cet éditeur les compilera dans un album cartonné, en janvier 1985.            Entre-temps, il faut également noter que Guido Buzzelli revient à des récits plus conventionnels, destinés à un public plus populaire.

En 1976, il dessine l’album « L’Uomo del Bengala » sur un scénario de Gino d’Antonio (traduit en français par « L’Homme du Bengale » que publia les éditions Dargaud, en 1979), pour la collection Un uomo, un’avventura de la Cepim de Sergio Bonelli : éditeur qu’il retrouvera donc pour un album spécial du western « Tex » scénarisé par Claudio Nizzi et publié en 1988, alors que les éditions Clair de lune viennent, seulement, de le proposer au public francophone (voir la première partie de cet article : voir Guido Buzzelli [1ère partie]).

            À partir de 1981, il participe aussi aux collections didactiques des éditions Larousse : Histoire de France en bandes dessinées, La Découverte du monde en bandes dessinées et L’Histoire du Far-West en bandes dessinées (6).

Enfin, il collabore furtivement à Pif gadget devenu tout simplement Pif, avec des illustrations intérieures et des couvertures aux n° 682 et n° 688 d’avril et juin 1982 et les 21 pages d’un « King Kong » (scénario Jean Sanitas) au n° 887 de février 1986 : : « On le disait trop intellectuel. Guido était toujours surpris qu’on ne le comprenne pas, alors qu’il parlait de sujets communs à l’humanité. C’était un des grands regrets de sa vie. Ses albums étaient durs parce que le monde l’était aussi. » (5)            Il faut bien préciser, qu’alors, la France est, certainement, le pays où le talent de Guido Buzzelli est le mieux reconnu. D’ailleurs, de 1980 à 1981, il va s’établir à Paris et collaborer à divers magazines et quotidiens français, notamment Hara-Kiri avec des doubles pages de dessins en couleurs, mais aussi Le Monde, Libération, Expansion, Le Magazine littéraire, etc.           Notre dessinateur travaille quand même toujours pour son pays natal, notamment sur une biographie en 23 pages de Marilyn Monroe racontée par Giancarlo Governi et destinée au quotidien L’Occhio dirigé alors par Maurizio Costanzo, publiée entre décembre 1979 et  janvier 1980. Cette évocation est reprise ensuite dans le n ° 11 de Comic Art sous le titre « Marilyn la vera storia a fumetti », mais reste encore inédite dans la langue de Molière.

Si, à la fin des années quatre-vingt (et ceci jusqu’à ce que la maladie le contraigne d’arrêter, vers la fin de 1991), il travaille un peu pour la télévision (pour la RAI2-Mattina 2 et pour la chaîne française La Sept) et donne aussi des cours de dessin sur modèles à l’European Institute of Design de Rome, il se consacre donc surtout, et de plus en plus, à la peinture et à une forme d’illustration faussement réaliste pour la presse généraliste italienne (surtout pour La Repubblica et son supplément hebdomadaire Satyricon, de 1987 à 1990).

            L’absence de nouveaux albums dans les rayons des librairies l’a donc malheureusement rejeté dans l’oubli, et ce depuis quelques années, même si ses meilleures histoires ont été récemment rééditées en Italie et qu’il existe, désormais, un site entièrement consacré à son œuvre : http://www.studioheran.fr/buzzelli/flash/.

Une monographie (« I Giorni e le opere »), un recueil d’illustrations (« Uomo del dubbio ») et un catalogue d’exposition (« Metamorfosi ») sont également parus dans son pays d’origine, mais ils n’ont toujours pas été diffusés en France.

« Gordon rouge ».

C’est aussi le cas de certaines de ses histoires courtes réalisées avant son décès : « I love you, Helza » publié dans Playmen (en 1980), « Le Raisin » et « Dressage » (scénario de Grazia de Stefani-Buzzelli) publiés dans Glamour International Magazine (en 1984 et 1986), une satire du « Macbeth » de Shakespeare (« Macboth ») réalisée pour la revue Frizzer en 1986

Un strip original de « Macboth ».

ou, encore, un étonnant « Papa Wojtyla » consacré au pape Jean-Paul II (un sujet de Marcella Leone et Sandro Sandri) : « Le Vatican avait demandé à Guido de réaliser une affiche pour le Giubileo degli Artisti, en 1984, une cérémonie où le pape bénit les artistes d’Italie. Ça a beaucoup fait rire Guido qui a d’abord refusé, d’autant plus qu’il ne ménageait pas le pape dans ses dessins pour La Repubblica. Mais le pape tenait à ce que Guido s’en charge. Alors, un cardinal nous a invités pour en parler. Il a sorti cigarettes et whisky, on a discuté, et Guido a fini par accepter. Puis, le pape l’a reçu On avait bien répété à Guido qu’il fallait s’agenouiller, baiser la bague du souverain pontife, mais Guido lui a simplement tendu la main en disant « Piacere – ravi de faire votre connaissance ». Ça a beaucoup amusé le pape… » (5)

« Le Métier de Mario » dans le n° 61 de Charlie mensuel (janvier 1974).

Gilles RATIER 

(1)   Extraits d’une interview de Guido Buzzelli par Enzo Adamoli, Camillo Conti et Franco Grillo, publiée dans le n° 27 de Ran Tan Plan, au 2e trimestre 1973 (traduction du n° 7, datant de 1972, de la revue spécialisée italienne Il Fumetto).

(2)   Extraits d’une interview de Guido Buzzelli par Fershid Bharucha, publiée dans le n°34 de la revue Phénix, au 4e trimestre 1973.

(3)   Ce même album intitulé « Démons » et publié par les éditions du Fromage (en 1980) contient aussi deux histoires inédites : « Le Soutien du ciel » (quatre pages en noir et blanc, également datées de 1973 mais écrites par Francesco Guccini). Ce même scénariste sera aussi le responsable du texte des six planches datées de 1975 et intitulées « Coup d’état », publiée d’abord dans le n° 60 de la première série de LÉcho des savanes, en janvier 1980, et également proposées dans l’album « Démons », puis dans le deuxième tome des « Œuvres » de Buzzelli aux Cahiers dessinées, en 2019.

(4)   On peut trouver quelques autres rarissimes illustrations de Guido Buzzelli dans les collectifs suivants : « La BD contre la torture » aux éditions Sodieg d’Angoulême (en 1979), « Pepperland 1970-1980 : 80 chats pour Tania » aux éditions Pepperland (en 1980) et le portfolio « Festival du film fantastique » chez  Peymey Diffusion (en 1992).

(5)   Extraits d’une interview de Grazia Buzzelli par Damien Perez, publiée dans le n° 68 du mensuel BoDoï, en novembre 2003.

(6)   Pour Histoire de France en bandes dessinées, il s’agit de « L’Europe napoléonienne » et « Chroniques de l’entre-deux guerres, 1918-1939 » : deux fois 23 pages en couleurs scénarisées par Robert Bielot, que Buzzelli dessine en 1976, et qui sont publiées dans le n° 17 de février 1978 et dans le n° 23 d’août 1978 ; puis, toujours chez le même éditeur, dans les albums cartonnés éponymes portant les n°6 et 8, en 1978, ainsi que dans les albums intitulés « Napoléon 1er » et « La Grande Guerre », en 1983.Pour La Découverte du monde en bandes dessinées, il dessine, en 1978 et 1979, « Christophe Colomb », « Magellan » et « Peary, vainqueur du Pôle Nord » : trois fois vingt-trois pages en couleurs scénarisées, respectivement, par François Lambert, Mino Milani et Pierre Castex, et qui sont publiées dans les n° 4 de janvier 1979, n°9 de juin 1979 et n° 22 de juillet 1980, puis, toujours chez le même éditeur, dans les albums cartonnés éponymes portant les  n° 2, n° 3 et n° 8, en 1979 et 1980. Enfin, pour L’Histoire du Far-West en bandes dessinées, il dessine, en 1980, « Les Navajos » : 20 pages en couleurs scénarisées par Jacques Bastian et qui sont publiées dans le n° 8 de janvier 1981, puis, toujours chez le même éditeur, dans l’album cartonné éponyme portant le  n° 3, en  1981.

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18 réponses à Guido Buzzelli (2e partie)

  1. BLANCHET Evariste dit :

    Il aura donc fallu attendre 2012 pour pouvoir lire en français une présentation assez complète de l’oeuvre de Guido Buzzelli, ce qui est un peu scandaleux vu qu’il s’agit bien là d’un auteur absolument majeur.
    Je confirme toutefois qu’au sein de sa production, on trouve à la fois de véritables chefs d’oeuvre (La Révolte des ratés, L’Agnone, L’interview, HP, Zil Zelub etc), des oeuvres mineures mais non dénuées d’intérêt (Morgane, voire La Face) et une foultitude de travaux alimentaires de peu d’intérêt dont ce Tex Willer récemment traduit.
    Je confirme également qu’il reste encore quelques exemplaires de L’Agnone que les libraires peuvent commander auprès du diffuseur Makassar.

  2. Superbe article, où j’ai complété beaucoup de mes connaissances sur cet auteur génial et atypique et dont j’ai une grande partie de l’oeuvre en Français, y compris par ces peintures dans PIF qui me fascinaient enfant.

    Dans un livre d’entretiens avec Numa Sadoul, Franquin le citait parmi ses dessinateurs préférés.
    Comme référence, on fait difficilement mieux !
    « La Révolte des Ratés » reste un chef d’oeuvre tristement lucide quant à l’arrogance des uns, et la médiocrité des autres.
    Le problème avec les pessimistes, c’est qu’ils ont raison avant l’heure. Après quoi on les requalifie de visionnaires.

    A quand un livre sur lui, m. Ratier ?

  3. Henri BUREAU dit :

    En 1975 j’avais édité avec Guido Buzzelli plusieurs estampes originales réalisées directement par lui .
    Il m’en reste une assez belle quantité.
    Si vous êtes intéressé?

    Cordialement

    Henri BUREAU

    • SEEBOLD Eric dit :

      Je suis moi aussi intéressé, si toutefois certaines de vos estampes sont toujours disponibles.
      C’est d’ailleurs peut-être l’une d’entre elles (6 croquis de chevaux, dont 5 montés, + un « homme » assis en position de cavalier, raison pour laquelle il n’y a pas de jambe droite), signée Buzzelli 76, n° 19/300, 65×48 cm, qui fait l’arrogance de mon bureau.

    • Nicollet dit :

      Bonjour,

      Je ne sais si votre proposition est toujours d’actualité mais je suis moi aussi intéressé par ces estampes. De quels dessins s’agit-il ?

  4. Li-An dit :

    Le lien est mort: http://www.studioheran.fr/buzzelli/flash/
    Il existe un recueil des dessins publiés dans La Republicca. Uomo del dubbio semble impossible à trouver.

  5. SEEBOLD Eric dit :

    Articles remarquables, mettant en perspective les divers travaux de cet auteur de très grand talent, méconnu sauf de quelques amateurs et/ou spécialistes.
    Bien sûr, et même si le trait est de belle qualité dans toutes les productions de Buzzelli, je partage l’avis d’Évariste Blanchet : il y a de purs chefs d’oeuvre (La Révolte…, Zil Zelub, L’Agnone), des récits plus ou moins longs très « agréables » (Morgane, Un type angélique, etc), des dessins ou illustrations remarquables (Buzzeliades, New-York, …) et des productions de moindre intérêt sémantique voire alimentaires. Ceci dit, la maîtrise graphique ne laisse jamais indifférent et les croquis qui complètent certains albums ou émaillent des publications ponctuelles force l’admiration.
    L’ensemble devrait donner lieu à une publication systématique, au moins de tout ce qui a été publié en français dans un premier temps.
    Déjà, tels que, vous deux articles mériteraient une publication papier.
    Je souscris donc évidemment à la demande de Laurent Lefeuvre : à quand un livre sur l’auteur ?
    Merci pour ce beau travail.

    • Gilles Ratier dit :

      Merci à vous Éric pour vos félicitations ! Oui, un livre sur Buzelli serait opportun, mais quel éditeur se tenterait aujourd’hui dans l’aventure ?
      Enfin, on ne sait jamais…
      Bien cordialement
      Gilles Ratier

      • Fabio Fiorello dit :

        Une monographie vraiement complete est aussi absent en Italie. Merci toujours a Gilles Ratier de faire (re)decouvrir (voir le cas de Aldo Capitanio) des Auteurs italiens avec la A majuscule qui commencent a disparaitre des catalogues des editeurs. Petite suggestion pour les amateurs. A part les oeuvres cités par Gilles (bravo!) recemment il y a eu le catalogue d’une expo fait a Lucca il y a quelques années edité par N. Pesce
        http://www.edizioninpe.it/product/guido-buzzelli-frammenti-dallassurdo/
        A savourer aussi aupres du meme editeur le Tex grand format dessinée par Buzzelli vers la fin de sa carriere.
        En tous cas encore une fois bravo a Gilles! D’autres auteurs a pouvoir re-decouvrir: D’Antonio, Tacconi, Micheluzzi,
        Cordialement
        Fabio

  6. Fabio Fiorello dit :

    Post Scriptum: je conseille la suprebe biographie de M.Monroe publié sur Comic Art – n. 11/1985 avec une couverture du Maitre
    Cordialement
    Fabio

  7. Henri Khanan dit :

    Bravo pour cet article!

  8. FranckG dit :

    « Cela va résulter sur « Nevada Hill » …
    n’est pas une formule très adéquate, non ?

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