Sylvio est un insecte qui n’a pas le cafard : une analyse de planche…

Apparu conjointement en 1974 dans Fripounet et Pif gadget, « Sylvio le grillon » n’a jamais vraiment quitté le cœur de lecteurs qui plébiscitèrent, jusqu’en 1981, l’humour et la tendresse de ses bucoliques aventures. Créé par Philippe Luguy – futur dessinateur de « Percevan » en 1981 -, scénarisé par Jean-Marie Nadaud (dit Jérina), Gilbert Lions, puis Patrick Cothias, ce sympathique insecte méritait bien une analyse de planche…

Les prémices de « Sylvio le grillon » datent de 1969 : année où ce personnage apparait sous les crayons de Philippe Luguy, qui multiplie alors les contributions, mais aussi les projets inaboutis (voir Le Coin du patrimoine consacré par Gilles Ratier à la carrière de l’auteur). Fort heureusement, grâce à la rédaction de Fripounet, hebdomadaire catholique du groupe Fleurus alors tiré à 230 000 exemplaires, Sylvio nait bel et bien en 1974 dans « Sylvio et la laitue d’or ». Le scénario est alors assuré par Jean-Marie Nadaud, qui imagine, depuis 1972 dans Pif gadget, des aventures pour Pif, Hercule et Zorro.

Assez naturellement, Luguy et Nadaud décident de faire passer leur série dans Pif gadget, dès le 8 avril 1974 (n° 267), après deux annonces publicitaires parues durant les semaines précédentes.

Une première publicité pour « Sylvio » dans Pif gadget n° 265 (25 mars 1974).

Développés sur quatre ou cinq planches, les premiers récits (dénués de titres et réunis sous l’appellation générique « Les Merveilleuses Aventures de Sylvio le grillon ») confrontent essentiellement le héros et ses amis au vil Jack le cafard, lequel ne supporte tout simplement pas le bonheur. Débordé (ou désireux de se consacrer à d’autres travaux ?), Nadaud passe la main scénaristique à Gilbert Lions, ami de Luguy et déjà connaisseur des arcanes fantastiques de « Sylvio ». L’abeille Cloé (amoureuse de Sylvio), la luciole Zizou (l’indéfectible comparse), l’escargot Clapotis, le capricorne Poker ou Lampion (à la mèche devant restée allumée) prennent un peu plus d’importance, Sylvio lui-même étant sous la menace des méfaits de la fée Gélatine ou du dragon Zipo… fatalement incendiaire !

La première planche... (Pif gadget n° 267, 8 avril 1974).

En 1976, mise en couleurs par Jean-Jacques Chagnaud, scénarisée alternativement par Gilbert Lions et – parfois – par Philippe Luguy seul, la série hérite d’un titre pour chaque nouvel épisode. Il en est ainsi de « L’Ignoble Borborygme », présenté dans Pif gadget n° 363 le 9 février 1976. Le 24 mars 1980 (n° 574), le scénario revient à la charge de Patrick Cothias, qui signe la trame des six planches du « Trône d’Alvuella ». Le contrat signé par Cothias prévoit assez sereinement la réalisation de 24 scénarios, à rendre à l’éditeur à la cadence d’un récit (variant entre 4 et 7 pages) par mois. L’année sera riche pour ce futur scénariste prolifique, puisque les éditions Vaillant valideront également en novembre « Les Aventures de Masquerouge », créées avec André Juillard. Achevées avec « Le Bois des maléfices » dans Pif gadget n° 666 (29 décembre 1981), les sympathiques aventures de Sylvio ne seront que rarement reprises en albums : signalons « La Menace du trèfle rouge » (M.C. Productions, 1988), réédité en 2004 par Bernard Grange sous le titre « Petites Histoires contre le cafard ». Chez le même éditeur, puis chez Jos, cet album sera suivi par quatre autres titres jusqu’en 2009. D’autres volumes, bien qu’annoncés (avec du matériel ancien ou inédit), ne virent jamais le jour, à l’instar de « Jack manigance et cafarde ».

Couverture pour « La Menace du trèfle rouge » (M.C. Productions, 1988).

Titres parus et annoncés.

Planche n° 3 (Pif gadget n° 268 du 15 avril 1974).

Pour cette analyse de planche, penchons nous sur la troisième planche de la deuxième aventure de Sylvio, parue dans Pif gadget n° 268 le 15 avril 1974. Capturés par les fourmis, Sylvio et ses amis reçoivent la pénible consigne de devoir distraire la reine des hyménoptères au sein d’une véritable arène digne du Colisée. Une idée affreusement proposée par Jack le cafard. Promus gladiateurs malgré eux, chargés de se battre contre des mantes religieuses bien plus meurtrières, nos amis n’en mènent pas large… Très habilement, le dessin de Luguy traduit ce total désarroi : personnages défaitistes dirigés vers le lieu du combat, gros plan sur Zizou terrifié et levée de la herse précédent, ainsi un grand plan général en plongée (case 4) permettant de prendre conscience du déséquilibre des forces en présence. Les cases 5 (plan moyen) et 6 (contreplongée) renforcent cet effet tout en amenant un rebondissement inattendu : Sylvio « demande à combattre seul ». Les cases 7 (plan moyen) et 8 (plan d’ensemble), où Sylvio agit et progresse dans une direction contraire du sens de lecture, installent la tension et le suspense avec efficacité. Cette planche sera rééditée en 1988 et 2004 dans « Petites Histoires contre le cafard », avec de nouvelles couleurs. Un ouvrage pour rester, tel Sylvio, avec une petite musique positive

Planche 3 recolorisée (version 2004).

Philippe TOMBLAINE

« Sylvio T1 : Petites Histoires contre le cafard » par Philippe Luguy, Gilbert Lions et Cyril Liéron

Éditions Bernard Grange (2004) – EAN : 978-2901751069

Galerie

9 réponses à Sylvio est un insecte qui n’a pas le cafard : une analyse de planche…

  1. Message à ne pas valider dit :

    Voilà 6 mois que Pierre Le Guen est mort et pas l’ombre d’un hommage. Pourtant BDZoom semblait l’apprécier. Très bizarre.

  2. David Ratte dit :

    Sylvio ! Toute mon enfance ! Au vu de cette superbe scène d’arène, je comprends ce sentiment de « déjà vu » que j’ai ressenti en visionnant le lamentable épisode de Star Wars « l’attaque des clones » ! Et bien je le dis, Philippe Luguy tu es un bien meilleur metteur en scène que Georges Lucas.

  3. Marcel dit :

    « En 1976, scénarisée alternativement par Gilbert Lions, Jean-Jacques Chagnaud et – parfois – Philippe Luguy seul ».
    Chagnaud n’était-il pas « seulement » coloriste ?…

    • Tomblaine dit :

      Je pense que vous avez raison (je vais modifier mon article en conséquence) : Jean-Jacques Chagnaud – qui est par ailleurs d’origine charentaise – a travaillé pour Pif Gadget à partir de 1973. Il réalise les couleurs pour Sylvio, de façon traditionnelle puis informatique. Antoine Lecocq et Cyril Liéron effectueront une nouvelle mise en couleurs pour les albums publiés en 2004 et 2005.

  4. Dominique TARDIVEL dit :

    Une aventure de Sylvio (8 pages) était déjà présente dans le numéro 16 de « Fripounet » d’avril 1971 et même d’octobre 1970. (Numéro 40.)

    • Tomblaine dit :

      Je ne savais pas, n’ayant pas les numéros concernés. La plupart des sources (jusqu’au propre site de Philippe Luguy) indiquent l’année 1974 comme démarrage « officiel »… mais des erreurs chronologiques sont toujours possibles ! Si vous avez des scans/photos des pages concernées, je les rajouterai avec plaisir dans ce dossier.

      Merci pour vos remarques et commentaires.

  5. Dominique TARDIVEL dit :

    Bonsoir, (avec beaucoup de retard mais je n’avais pas vu cette réponse, désolé.)
    Je peux envoyer en effet des photos de ces planches par courrier électronique. Vous serait-il possible de m’indiquer une adresse mail s’il vous plaît.

    Cordialement,

    Dominique Tardivel,

  6. Dominique TARDIVEL dit :

    La première aventure « Sylvio et la laitue d’or » est bien parue dans « Fripounet » en avril 1971. (Numéro 16.)

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