Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Deux ouvrages érudits, indispensables à tout amateur de l’histoire du 9e art !
Avec un somptueux album de 190 pages richement illustré sur la bande dessinée de la Belle Époque en France (période encore bien obscure pour les connaisseurs) — dû au toujours pertinent essayiste Thierry Groensteen — et avec un non moins passionnant et épais recueil sur les mutations éditoriales de Casterman — de « Tintin » à Jacques Tardi, en passant Jacques Martin ou Hugo Pratt — réalisé par l’agrégé d’histoire Florian Moine, la structure belge Les Impressions nouvelles s’impose, une fois de plus, comme incontournable pour tous ceux qui s’intéressent aux essais sur la narration graphique.
Avec « La Bande dessinée en France à la Belle Époque : 1880-1914 », le célèbre théoricien et historien de la BD qu’est Thierry Groensteen (1) s’est attaqué à un terrain quasiment vierge, ou du moins très confus — même pour les spécialistes —, de l’histoire de notre medium favori.
De cette période coincée entre la génération des pionniers que sont Rodolphe Töpffer, Cham ou Gustave Doré et les premiers succès populaires d’un certain âge d’or, allant de « Zig et Puce » aux illustrés qui ont fait découvrir les comics américains aux lecteurs francophones (Le Journal de Mickey, Hop-là !, Aventures, Robinson, Hurrah !…), on ne retenait jusqu’à lors que quelques noms d’artistes comme Steinlein, Caran d’Ache, Benjamin Rabier… ou de protagonistes précurseurs à l’instar de La Famille Fenouillard, Bécassine, Les Pieds nickelés et L’Espiègle Lili.
Or, en dépouillant méthodiquement toute la presse et l’imagerie populaire où l’on pouvait trouver de la bande dessinée — ou ce qui s’en apparente — entre 1880 et 1914, l’ancien directeur du musée de la BD d’Angoulême nous montre une production graphique étonnante, tout au long de 19 chapitres thématiques : imaginaire d’une époque (dont il souligne le racisme et l’antisémitisme), personnages archétypaux, estampes populaires, presse satirique, suppléments illustrés de la presse quotidienne, le métier de dessinateur…
Le tout imagé par une kyrielle de reproductions accomplies par d’habiles artistes dont les noms n’évoquent souvent que peu de choses à la plupart des amateurs pourtant éclairés du 9e art : Albert Robida, Moriss (rien à voir avec le créateur de « Lucky Luke » !), Georges Omry, G. Ri, Raymond de la Nézière, Léon Lebègue, Tybalt, Adolphe Willette, O’Galop, Maurice Radiguet, Job, Henri de Sta, Thomen, A. Nadal, Ymer, Charly, Léonce Burret, Albert Guillaume ou Auguste Landelle et Émile Tap que Groensteen considère comme les véritables introducteurs de la bulle dans la bande dessinée française. (2)
Ainsi, à côté des très nombreuses histoires en images destinées avant tout au divertissement (notamment d’un public enfantin), on s’aperçoit qu’il existait dès lors des reportages graphiques ou des historiettes illustrées réalisées à des fins de propagande politique : en fait, ce qui ne s’appelait pas encore la bande dessinée — elle était en train d’inventer ses codes et ses utilisations — dialoguait déjà avec les arts de son temps !
Parallèlement, sort donc un autre livre qui mérite votre intérêt chez le même éditeur : « Casterman (1919-1999) : de Tintin à Tardi » par Florian Moine. En plus de 400 pages, et en se basant sur la richesse des importantes archives remarquablement conservées par les institutions wallonnes et sur une solide documentation idoine (c’est ainsi que l’auteur cite abondamment son collègue historien de la culture visuelle Sylvain Lesage), l’universitaire détaille 80 ans d’histoire de cette maison d’édition catholique, étroitement liée à l’origine au clergé belge, tant sur le plan culturel qu’économique, technique ou politique.
S’il fait évidemment allusion à la fondation de l’imprimerie familiale en 1776, laquelle va se moderniser pendant l’entre-deux guerre, Florian Moine s’attarde surtout sur les années où les frères Louis et Gérard Casterman vont impulser l’entreprise en privilégiant un jeune lectorat : ce qui va leur permettre de vendre les ouvrages qu’ils impriment eux-mêmes aux parents et aux éducateurs.
Tout d’abord en éditant ce que l’on appelait des livres de prix (ou d’étrennes) — qui récompensaient les bons élèves en fin d’année scolaire — à la présentation soignée, puis en s’appuyant sur une littérature enfantine dont la promotrice était, pendant les années 1930, l’autrice Jeanne Cappe dont les livres étaient alors leurs best-sellers. Si cette dernière est bien oubliée aujourd’hui, Casterman a su élargir très vite sa production avec les albums d’Hergé ou ceux pour enfants de la série « Martine » qui connurent, tous les deux, un impressionnant succès.
L’entreprise, dirigée par la même dynastie familiale jusqu’en 1999, n’a cessé d’évoluer, au gré de tournants parfois sensibles ou décisifs, basculant à partir des années 1970 vers un public plus adulte, en donnant une large place à un 9e art plus moderne, mais peut-être plus élitiste, basé sur des auteurs comme Hugo Pratt et Jacques Tardi (précurseurs des « romans en bande dessinée »), jusqu’à la création — et l’inévitable déclin — du fameux magazine (À suivre)…
On ne parle évidemment pas que de BD dans ce passionnant ouvrage, puisqu’on y aborde aussi La Revue nouvelle, premier périodique intellectuel belge à paraître après la Libération et que l’on situait à la « gauche de la pensée chrétienne », la forte implantation française de la structure, et également l’imposante figure de Louis Casterman, qui fût le controversé bourgmestre de Tournai de juin 1940 à septembre 1944.
Bref, l’histoire de ce fleuron de l’économie belge, qui finira par intégrer Flammarion (groupe finalement racheté par Gallimard) et qui fait donc aujourd’hui partie du holding Madrigall, est vraiment très intéressante et cette conséquente monographie — préfacée par son directeur de thèse, l’académicien Pascal Ory — nous permet d’en comprendre toute l’importance dans l’édition francophone, notamment pour la bande dessinée et les publications destinées aux enfants.
Gilles RATIER
(1) Pour mieux appréhender le parcours du spécialiste de renommée internationale qu’est Thierry Groensteen — plus de 40 années consacrées à la bande dessinée —, nous vous recommandons la lecture aussi agréable qu’édifiante de son autobiographie publiée en avril 2021 et que nous avions omis de signaler sur notre site (honte à nous !) lors de sa sortie : « Une vie dans les cases » aux éditions P.L.G ! N’hésitez pas à vous procurer ce récit alerte et riche en anecdotes qui constitue un témoignage unique, éclairant des pans entiers de l’histoire moderne de la BD et le processus qui a conduit à sa reconnaissance comme objet culturel et comme art…
(2) À son humble niveau, BDzoom.com a également contribué à faire connaître certains de ces auteurs précurseurs ; voir Les grands auteurs de la bande dessinée européenne, premier chapitre. Les origines : caricatures et histoires en images… et Les grands auteurs de la bande dessinée européenne, deuxième chapitre. Avant l’avènement des bulles : les récits pour les enfants….
« La Bande dessinée en France à la Belle Époque : 1880-1914 » par Thierry Groensteen
Éditions Les Impressions nouvelles (36 €) — EAN : 978-2-87449-988-3
Parution 6 octobre 2022
« Casterman (1919-1999) : de Tintin à Tardi » par Florian Moine
Éditions Les Impressions nouvelles (29,50 €) — EAN : 978-2-87449-991-3
Il me semble que la revue Papiers nickelés de l’ami Frémion a souvent évoqué cette période peu fréquentée par nos historiens diplômés de la BD.
C’est exact, Henri ! Papiers nickelés est une mine d’or pour qui s’intéresse à l’image en général, et notamment à ces années peu mises en avant dans les histoires de la BD… Toutefois, il s’agit ici du premier ouvrage qui s’attaque en profondeur à la période…
Bien cordialement
Gilles Ratier
Une construction syntaxique hasardeuse » tout au long de 19 chapitres thématiques : imaginaire d’une époque (où il met l’accent sur son racisme et son antisémitisme), » « Dont il souligne le racisme et l’antisémitisme » semble préférable.
Un problème de conjugaison « Louis Casterman, qui fût le controversé bourgmestre de Tournai »
Oui, vous avez raison ! C’est beaucoup mieux ainsi…
On a beau se relire mille fois, on en laisse toujours passer : personne n’est infaillible…
En tout cas, merci pour votre attention…
Cordialement
Gilles Ratier
« Louis Casterman, qui fût le controversé bourgmestre de Tournai ».
No comment.
C’était toute la phrase qui était assez mal construite : j’ai reformulé, ça devrait être mieux…
Je ne devais pas être bien réveillé quand j’ai écrit cet article…
Merci à tous pour vos relectures attentives…
Bien cordialement
Gilles RATIER
Bonjour. Sur la photo intitulée Sociabilités éditoriales, le second personnage à partir de la gauche ressemble diablement à Jacques Martin, non ?
En effet Dominique, on dirait bien que c’est lui ; cela n’aurait rien d’incongru…
Bien cordialement
Gilles RATIER