Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Henri Vernes : dernier voyage pour « L’Aventurier »…
Henri Vernes, celui dont le héros avait inspiré le groupe Indochine pour une chanson devenue mythique, s’en est allé le dimanche 25 juillet à l’âge vénérable de 102 ans. Une bien triste nouvelle, alors que son héros Bob Morane est fin prêt pour partir à la reconquête de la bande dessinée. Un retour attendu par les fans du héros auquel son créateur n’assistera pas.
Henri Vernes croqué par René Follet.
Né le 16 octobre 1918 à Ath (dans la province belge du Hainaut), Charles Dewisme est habité très jeune par le démon de l’aventure. Il n’a pas 20 ans lorsqu’il embarque pour la Chine : premier voyage d’une vie mouvementée passée aux quatre coins du globe.
Il écrit son premier roman en 1942 (« La Porte ouverte »), publié deux ans plus tard aux éditions de la Renaissance. Il démarre une carrière de reporter, mais surtout de romancier sous de nombreux pseudonymes : C. Reynes, Jacques Seyr, Lew Shannon, Ray Stevens, Jacques Colombo… et bien sûr Henri Vernés, qui devient Vernes à la suite d’une erreur typographique d’un imprimeur qui n’avait apparemment pas de E majuscule accentuée.
Néanmoins, il souhaita conserver cette écriture pour les titres suivants..
Avant de découvrir Bob Morane, les lecteurs de bandes dessinées rencontrent la signature d’Henri Vernes à l’occasion d’articles et nouvelles publiés par Story, Héroïc-Albums, Mickey magazine, le supplément jeunesse de Femmes d’aujourd’hui… plus tard Tintin.
En 1953, il écrit un premier roman pour la jeune collection Marabout junior des éditions Gérard de Verviers : « Les Conquérants de l’Everest », suivi le 16 décembre 1953 par « La Vallée infernale », la première aventure de Bob Morane.
À raison d’une nouveauté tous les deux mois dans ses débuts, il écrit plus de 140 épisodes de la série pour l’éditeur belge, puis pour la Librairie des Champs-Élysées à partir de 1978, brièvement pour Hachette, enfin pour les éditions du Fleuve noir en 1988.
Bob Morane est depuis de nombreuses années l’hôte des éditions Ananké qui proposent rééditions, publications de textes anciens, et aventures inédites du héros.
Aux superbes couvertures signées Pierre Joubert, s’ajoutent des illustrations de Henri Lievens, puis surtout Dino Attanasio (1) et Gérald Forton. (2)
Planche originale de « Bob Morane » par Dino Attanasio.
Planche originale de « Bob Morane » par Gérald Forton.
Ces deux dessinateurs inaugurent une adaptation BD de la série dont les épisodes sont prépubliés par Femmes d’aujourd’hui à partir de 1959, puis parallèlement dans Pilote – d’abord avec des romans illustrés par Claude Pascal en 1962 (3) – et plus part dans Tintin.
Planche originale de « Bob Morane » par Coria.
Suivront le sublime William Vance (4), son beau-frère FelicÃsimo Coria jusqu’en 2004 : année où la série classique s’achève, après plus de 70 épisodes.
Des rééditions, des albums inédits, des romans illustrés — superbement par Patrice Sanahujas, René Follet (5) ou encore Frank Leclercq, lequel en redonnera une éphémère version BD dans deux albums publiés en 2004 — sont également proposés par Ananké et sa filiale Miklo.
D’autres petits éditeurs présentent des ouvrages dédiés à Bob Morane : Deligne, Pan Pan, Loup/Hibou… mais l’essentiel des épisodes est publié par le Lombard et Dargaud où une série de 14 intégrales réunit le meilleur de la série.
Planche originale de « Bob Morane » par William Vance.
« Bob Morane Renaissance ».
À noter une tentative de modernisation sans suite, en 2015 et 2016, aux éditions du Lombard (« Bob Morane Renaissance » signée Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Dimitri Armand).
Sans oublier uune aussi savoureuse qu’iconoclaste parodie signée Didier Conrad et Yann : « Bob Marone » (6).
Les autres incursions d’Henri Vernes dans le monde de la bande dessinée sont rares.
Il écrit d’abord « À l’assaut de l’Everest » en 1954, puis « Fawcett, le naufragé de la forêt vierge » en 1956 pour Dino Attanasio dans Femmes d’aujourd’hui.
« À l’assaut de l’Everest ».
« Fawcett, le naufragé de la forêt vierge ».
Ensuite, ce sera « Sir Francis Drake, l’aigle des mers » pour Jacques Devaux (7)dans le même hebdomadaire féminin.
« Sir Francis Drake, l’aigle des mers » par Jacques Devaux.
En 1976, il aborde la science-fiction avec la création de « Karga » dans Tintin,dessiné par le prometteur André Beautemps dont le décès brutal limite la série à un seul album édité par Bédescope.
« Karga » par André Beautemp.
« Les Nuits chaudes de Rangoon ».
Henri Vernes est aussi l’auteur de « Don » : série de 11 romans érotiques (publiés au Fleuve noir de 1983 à 1986) destinée à concurrencer « SAS », sous la signature Jacques Colombo.
Une adaptation BD du premier ouvrage réalisée par Henri Vernes est proposée sous le titre « Les Nuits chaudes de Rangoon » : bande dessinée présentée, en 1989, dans la Collection du Marquis des éditions Glénat.
L’album est dessiné par Jack Henry Hooper, pseudonyme de Jacques Géron.
Pour le même éditeur, le duo s’est lancé dans la création d’une série classique ayant pour cadre la Chine en 1934 : « China Jack ».
Là encore, le décès prématuré du dessinateur met un terme à ce projet qui se limite à quelques pages d’essai comme celle montrée ci-dessous.
« China Jack » par Jacques Géron et Henri Vernes.
Pour mieux connaître Henri Vernes, nous vous invitons à vous pencher sur les nombreux ouvrages qui lui sont consacrés : « Bob Morane/Henri Vernes » par Jacques Dieu (Glénat 1990), « Henri Vernes l’album » de Jacques Dieu (L’Âge d’or, 2003), « Henri Vernes et Bob Morane, une double vie d’aventures » de Daniel Fano (Castor Astral, 2007), « Mémoires » par Henri Vernes (Jourdan, 2011)…
Le Club Bob Morane, créé en 1986, publie la revue Reflets entièrement dédiée à son auteur et à son héros : son centième numéro remonte à 2011. Accompagnant chaque numéro, « Le Mot de Henri Vernes » écrit de sa main était attendu avec impatience par les adhérents.
Henri Vernes nous quitte alors que « Bob Morane » est fin prêt pour une nouvelle série d’aventures classiques écrites par Corbeyran et Christophe Bec pour le dessinateur italien Paolo Grella. Le premier album est annoncé pour la rentrée chez Soleil.
L’équipe de BDzoom.com présente ses plus sincères condoléances à ses proches.
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
« Le Mot de Henri Vernes » dans Reflets.
(1) Voir Le retour de Bob Morane… en intégrale ! et « Spaghetti »
(2) Voir Gérald Forton et Les retours de Bob Morane : l’aventurier contre tout guerrier….
(3) Voir https://bdoubliees.com/journalpilote/series1/bob_morane.htm, Claude Pascal, le boulimique ! (première partie) et Claude Pascal, le boulimique ! (deuxième partie).
(4) Voir William Vance : disparition d’un maître de la BD réaliste…, William Vance dans Femmes d’Aujourd’hui (2ème partie) et William Vance dans Femmes d’Aujourd’hui (1ère partie).
(5) Voir Décès d’un grand artiste : René Follet ! et Suite de l’hommage à René Follet !.
(6) Voir Enquête sur « Bob Marone ».
(7) Voir Jacques Devaux : le dessinateur masqué !.
« Bob Morane » par Frank Leclercq.
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Nicola sirkis s’est inspiré de titres de romans d’Henri Vernes pour écrire la chanson « L’aventurier » : « À l’époque, on était en plein dans le trip Rambo, les héros invincibles… Je suis allé fouiller dans la bibliothèque que j’avais ramenée de Belgique, j’ai trouvé des Bob Morane avec des titres incroyables, qui correspondaient très bien à la musique. Alors j’ai volé tous les titres de tous les livres que Henri Vernes avait écrits, je les ai déplacés, replacés, pour recomposer une histoire. » (in Le Point, cité par wikipedia)