« Le secret de Zara » par Benjamin Flao et Fred Bernard

Le plaisir de dessiner peut parfois devenir une passion dévorante au point que l’on en oublie de respecter les règles de vie commune les plus élémentaires. C’est ce qui arrive à Zara, déjà artiste malgré son jeune âge. Elle pourrait faire sienne les vers de Corneille : « Je suis jeune, il est vrai, aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Il ne lui reste qu’à prouver son talent, d’abord à ses parents, parfois agacés par ses fureurs créatrices.

Zara est une fille unique heureuse. Ses parents tiennent une boutique pour artistes, ils vendent du matériel pour dessiner et peindre, ce qui lui permet de disposer chez elle de tout ce dont elle a besoin pour assouvir sa passion du dessin. La petite métisse grandit dans un milieu favorable à son éclosion artistique, son père l’emmène régulièrement voir musées et expositions. Lors de grandes balades familiales, Zara découvre une vaste faune – les animaux sont son autre passion – qu’elle se dépêche de transposer sur le papier dès qu’elle rentre dans sa maison. Tout serait parfait si Zara ne se laissait parfois déborder par sa furie créatrice.

Le secret de Zara page 3

Quand Zara commence à dessiner, elle ne s’arrête pas, elle déborde du cadre jusqu’à provoquer des dégâts de moins en moins appréciés de parents pourtant réceptif à son talent habituellement. Ils se fâchent vraiment après une fête d’anniversaire qui s’est terminée en catastrophe ; des enfants trop nombreux, trop excités et les voilà tous recouverts de peinture ainsi que les murs de la maison. Trop, c’est trop, la sanction tombe : Zara n’a plus le droit d’utiliser de la peinture, elle doit se contenter désormais de crayons de couleur et de stylos feutres et uniquement sur du papier.

Zara au musée

La maligne petite fille prend alors son mal en patience. Elle sait qu’elle doit grandir pour pouvoir atteindre les pots et les tubes de peinture rangés en haut des étagères. En attendant, la vie continue et « son amour des couleurs nourrissait sa patience. », elle repère dans le grenier de la maison un espace vide qu’elle pourra couvrir de ses créations. Un beau jour, elle peut s’approprier un pot, c’est de la peinture bleue. Elle retrouve alors le goût de créer dans la solitude d’une mansarde.

Un peu plus tard, elle peut subtiliser un pot de peinture jaune, l’occasion de faire un premier mélange pour obtenir toute une gamme de verts. Viendra ensuite les rouges, de quoi enrichir sa palette et couvrir les murs du dernier étage d’un univers coloré unique.Zara est de plus en plus fatiguée de devoir cacher son activité créatrice à ses parents. Elle finit par veiller tard au grenier et par se perdre dans sa création. Un gigantesque chat bleu la poursuit, vite remplacé par un chien jaune vociférant, puis un ours violet et un serpent rouge qui la pourchassent jusqu’au sommet d’un arbre qu’elle a elle-même peint. Elle tombe, elle crie, ses parents accourent et découvrent son œuvre.

Le secret de Zara page 6

Zara et le livre d'or

Chaque album de la collection « Les Enfants gâtés » des éditions Delcourt est une petite merveille d’originalité et de trouvailles intéressantes, un vrai renouvellement pour la bande dessinée jeunesse contemporaine.

Nous avons déjà évoqué dans cette rubrique « Quand le cirque est venu », « Capitaine fripouille », « Le Maître des tapis », « Pieter et le Lokken » et « La Poudre d’escampette ».

« Le Secret de Zara » ne dépare pas à ce catalogue, c’est un superbe conte moderne sur la joie de créer et le plaisir de partager par le dessin.

Zara punie

Fred Bernard a construit un récit initiatique simple, linéaire sur l’affirmation artistique d’une petite fille.

Tous les enfants aiment dessiner mais pour Zara, dessiner c’est bien plus que passer un bon moment, cela lui est nécessaire pour vivre heureuse.

Avec un talent fou, Benjamin Flao s’est approprié le sujet et s’est sans doute projeté dans la vie de Zara, lui qui a quitté le système scolaire à 14 ans pour des études uniquement graphiques car pour lui : « Sont arrivées les odeurs d’école qui font mal au ventre. Alors on dessine. Et puis après l’école, c’est la liberté de tout envoyer promener, y compris soi-même. »

La maison de Zara

L’auteur de « Kililana Song » et du pus récent « Essence », ce dernier album avec Fred Bernard au scénario, a peint les 24 planches de cette ode à la créativité avec des couleurs vives, s’amusant de la découverte des couleurs primaires puis secondaires par son héroïne pour explorer toute une gamme de bleus, jaunes, rouges puis de verts, violets et oranges.

Le chat bleu sort du dessin de Zara

On peut découvrir certaines subtilités du monde de l’art dès le plus jeune âge, c’est ce que démontre « Le Secret de Zara », avec poésie et tendresse, sans oublier un humour parfois narquois ; les auteurs glissent de nombreux caméos dans l’avant-dernière planche : Tintin et Milou, personnages de Boule et Bill et de Gaston Lagaffe, Charly et même du tourangeau directeur de la collection « Les Enfants gâtés ». A vous de les découvrir dans ce petit bijou frais, énergique et chatoyant qui peut s’apprécier dès 8 ans.

Zara dessine

J’allais oublier ; bonne année 2019, du bonheur, des satisfactions multiples et beaucoup de merveilleuses  bandes dessinées jeunesse.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Le secret de Zara » par Benjamin Flao et Fred Bernard

Éditions Delcourt, collection Les Enfants gâtés (10,95 €) – ISBN : 978-2-7560-7408-5

Galerie

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