Nouveaux ouvrages et revues de référence

Après un premier trimestre dominé par la parution de la nouvelle version du « Dictionnaire mondial de la BD » de Patrick Gaumer chez Larousse (1), ces derniers mois de « bédéphilie » entérinent l’achat indispensable de la revue Hop ! dirigée par Louis Cance, dont le n°126, consacré principalement au maître du dessin réaliste qu’est Paul Gillon, vient de sortir !

C’est donc une longue et passionnante entrevue avec le dessinateur des « Naufragés du temps » et de « L’Ordre de Cicéron » qui est le clou de ce numéro. Pour évoquer la longue carrière de Paul Gillon, Louis Cance a choisi de retranscrire une interview réalisée par Guy Lehideux, assisté de Richard Foin, pour Radio Libertaire, en 1989 : soixante ans de l’histoire du 9ème art y sont alors évoqués avec la participation, en « guest star », de Roger Lécureux (le scénariste de « Rahan » et de « Fils de Chine » ou de « Lynx Blanc » avec Gillon, joint alors au téléphone, était encore des nôtres, à cette époque). Comme à l’habitude, le dossier, qui sera complété par une suite inédite axée sur ses travaux récents et plus adultes, est suivi de l’indispensable et très détaillée bibliographie de l’immense production de ce doyen des dessinateurs français de bandes dessinées.

Le reste de la revue propose des dossiers très documentés sur la revue Heroïc de la Sagédition, une rubrique « Remember » (hélas, de plus en plus alimentée) qui fait vraiment référence et de nombreuses infos que l’on ne trouve « que » dans ce trimestriel auquel tout amateur digne de ce nom doit être abonné : 48 euros pour huit numéros, chèque à envoyer à Hop ! Rédaction, 56 boulevard Lintilhac, 15 000 Aurillac.

Dans le même esprit, rappelons aussi l’intérêt de la revue Papiers Nickelés (voir : http://bdzoom.com/spip.php?article4365) qui, elle, ne limite pas son champ d’investigations à la seule bande dessinée, ainsi que celui du mensuel critique L’Avis des Bulles : BP 8001, 33037 Bordeaux Cedex, tél. : 05.56.92.70.21, courriel : avisdesbulles@free.fr ou revue.adb@laposte.net.

Surtout destiné aux bibliothécaires, mais aussi aux amateurs curieux qui souhaitent se constituer une bibliothèque idéale, ce magazine, dirigé de main de Maître par Denis Plagne, propose des dossiers, des interviews et les chroniques de tous les albums (mangas compris) qui paraissent dans le mois, avec des étoiles de valeur : un véritable challenge qu’arrive à tenir les nombreux collaborateurs, parmi lesquels on remarquera les écritures très convaincantes et très professionnelles de Sophie de Lestang, de Mehdi Leman, d’Audrey Martinat, d’Alain Salles ou d’Emmanuelle Pignard-Péguet ; et ceci depuis 129 numéros !

Ce sont, hélas, les derniers survivants d’une presse « érudite » car les autres rares revues concernant ce domaine (diffusées, quant à elles, en kiosques et maisons de presse) sont plus axées sur l’actualité immédiate que sur la connaissance de l’histoire de notre média favori.


Ceci dit, le mensuel CaseMate, lui, ne manque pas d’attraits : son parti pris d’agrémenter ses nombreux interviews de commentaires de planches (en avant-première), par les auteurs eux-mêmes, étant l’un de ses principaux atouts. Ainsi, le dernier numéro en date (le 29ème, hors série « été » d’août et septembre) propose-t-il d’intéressants éclairages sur les prochaines Å“uvres de Juanjo Guarnido et Juan Díaz Canales (« Blacksad »), Moebius (« Arzak »), Joann Sfar (« Chagall »), Emmanuel Civiello (« La Dynastie des dragons »), Mig et Hervé Richez (« Le Messager »), Frederik Peeters (« Château de sable »), Fabien Nury (« L’Or et le sang »), Benoît Sokal (« Kraa »), Didier Tarquin et Arleston (« Lanfeust Odyssey »), Baru (« Fais péter les basses, Bruno ! »), Christian Binet (« Les Bidochon ») ou Yoann (« Spirou et Fantasio »).

Mais on y trouve aussi des articles avisés de stars (dans ce numéro, Yslaire devise habilement sur le « Polonius » de Jacques Tardi) et une rubrique sur leurs rapports avec la peinture où le journaliste Jean-Christophe Ogier réussi, chaque mois, à nous initier au, et avec, « grand art » : ici, c’est au tour du dessinateur italien Igort d’expliquer son attachement au « Guernica » de Picasso ! Bref, un ton et une approche complémentaire de la lecture des albums que mènent, avec brio, l’équipe menée par Frédéric Vidal et Jean-Pierre Fuéri.


Les dBD de Frédéric Bosser méritent, eux aussi, le détour ; même si on regrettera l’accumulation, de plus en plus fréquente ces derniers temps, d’erreurs et d’approximations (souvent impardonnables) dans les infos et les chroniques proposées. Leur numéro d’été (le n°45 qui, lui, date de juillet) vaut quand même le coup, ne serait-ce que pour l’édito illustré de Philippe Vuillemin, la prépublication du nouveau « Bernard Prince » d’Hermann (avec son fils, Yves H., au scénario) précédé d’un dossier plutôt bien documenté (pour plus d’info sur la série, lire notre « Coin du patrimoine » : http://bdzoom.com/spip.php?article4214), l’enquête sur la BD et le ballon (l’ustensile pour le sport, pas les phylactères) et l’irrésistible « Bonne ou mauvaise humeur » d’Henri Filippini, ou encore les interviews de Zidrou et Godi, de Posy Simmonds ou d’Enki Bilal.

Ce qui manque le plus aux dBD, c’est une véritable unité éditoriale : le fait que tout part dans tous les sens s’expliquant, peut-être, par la trop grande diversité des goûts des différents collaborateurs, pourtant tous très compétents dans leurs domaines respectifs (je pense particulièrement à nos amis Brieg F. Haslé, Frédérique Pelletier, Marie Moinard ou Olivier Maltret)! L’éclectisme c’est très bien, mais il ne faut pas trop en abuser !

Côté livres, outre l’indispensable et, hélas, dernier volume de « Période Rouge » (voir : http://bdzoom.com/spip.php?article4259), on vous recommandera aussi quelques récentes et copieuses monographies plutôt bien faites :

- « Zep : le portrait dessiné » coédité par BD-FIL, le festival international de bande dessinée de Lausanne (Suisse), à l’occasion de l’exposition éponyme présentée au Mudac (musée de design et d’arts appliqués contemporains) : un beau choix d’images, souvent inédites, et de textes hommages dus aux experts qualifiés que sont Philippe Duvanel, Benoît Mouchart, Françoise Rey, Hélène Bruller et autres Ariel Herbez (6 000 exemplaires disponibles depuis le 30 juin, au prix de 24,50 euros).

- « Götting » par Philippe Muri aux éditions Aggi et Vertige Graphic (30 euros) : magnifique recueil d’illustrations composées pour Libération, Elle, Lire, The New Yorker, Senso, Cosmopolitain ou pour les couvertures des romans d’« Harry Potter » ; le tout étant accompagné d’un texte érudit qui évoque le parcours de l’auteur dans la presse (quotidienne et magazines), la publicité, la musique, l’édition littéraire (couvertures de livres et illustrations d’albums pour enfants), la peinture et, bien sûr, la bande dessinée…
- «  Drôles de gaulois : autour d’Astérix » aux éditions Berg International (18 euros), actes d’une journée scientifique (doublée d’une exposition grand public) mise en place à Bobigny, ville où Albert Uderzo et René Goscinny créèrent le célèbre petit gaulois, dans un appartement HLM que le dessinateur occupait alors ; le tout sous la direction de Jean-Claude Lescure, avec la complicité de la municipalité, de l’I.U.T. local, de l’Université Paris 13, du Ministère de l’Éducation nationale et de divers conférenciers aussi pointus les uns que les autres : ainsi, Patrick Gaumer, Didier Pasamonik ou Nicolas Rouvière (pour ne citer que ceux dont les noms diront quelque chose aux amateurs de bandes dessinées) devisent, avec leur érudition coutumière et de façon moins aride que l’on pourrait le croire, sur la place d’« Astérix » dans la culture française et sur les relations entre ce « best-seller » absolu du 9ème art et les archéologues ou les historiens.

- « Gloesner » de Jean-Paul Tibéri aux éditions Regards et du Taupinambour (25 euros au Coffre à BD : http://www.coffre-a-bd.com/cgi-bin/presalbum.bin?s=0&l=545) : une courte biographie qui vaut surtout par la réédition de courts récits de cet admirable dessinateur virtuose trop peu connu : «  Pat Cadwell », « Welcome Lauren et Stéphanie », « Le Rayon vert »…) ; voir notre « Coin du patrimoine » à son sujet : http://bdzoom.com/spip.php?article3699).

Pour finir, signalons aussi deux ouvrages qui ne manqueront pas d’élargir vos connaissances sur des sujets bien différents :
- « Spirou, Tintin et Cie, une littérature catholique ? : années 1930 / années 1980 » de Philippe Delisle aux éditions Kartala (19 euros) : un passionnant panorama, très bien documenté, sur l’épanouissement de la bande dessinée belge d’expression française dans un environnement chrétien ; l’opus est dû à un maître de conférences habilité à diriger des recherches à l’Université de Lyon III, agrégé et docteur en histoire, mais aussi spécialiste du sujet, puisqu’on lui devait déjà un très recommandable « Bande dessinée franco-belge et imaginaire colonial », chez le même éditeur, en 2008.

- « Archi & BD », copieux catalogue, particulièrement bien imprimé (39 euros, aux éditions Monografik), de l’exposition de la Cité de l’architecture et du patrimoine (Palais de Chaillot, 1 place du Trocadéro, Paris 16ème), laquelle présente chronologiquement et culturellement, jusqu’au 28 novembre, les relations qu’entretiennent la bande dessinée et l’architecture: ainsi pourra t-on admirer de magnifiques planches de grands anciens comme Winsor McCay, George McManus, Frank O. King, George Herriman, Alain Saint-Ogan ou Edmond-François Calvo, mais aussi d’incontournables comme les Franco-belges Hergé, André Franquin, Edgar-P. Jacobs, Maurice Tillieux, Will, Raymond Reding, François Schuiten, Enki Bilal, Moebius, Philippe Druillet, Jean-Claude Mézières Jacques Tardi, Philippe Bertrand ou Jacques de Loustal, les Américains Will Eisner, Jack Kirby, Jim Lee, Gene Colan ou David Mazzuchelli, les Japonais Osamu Tezuka, Jirô Taniguchi, Taiyô Matsumoto, Naoki Urasawa, les Italiens Vittorio Giardino et Lorenzo Mattotti, le Hollandais Joost Swarte…, de plus jeunes comme Frédéric Bézian, Blutch, Nicolas de Crécy, Joe G. Pinelli, Juanjo Guarnido, Emmanuel Moynot, Riad Sattouf et les Dupuy-Berberian, ou encore de créateurs dont la démarche est proche de celle de l’art contemporain : tels Jochen Gerner, Ilan Manouach, Dominique Goblet, Thierry Van Hasselt et Christopher Hittinger. De la belle ouvrage dirigée par les commissaires de l’exposition (Jean-Marc Thévenet et Francis Rambert) avec la participation d’incontournables érudits « bédéesques » comme Thierry Smolderen, Philippe Morin, Olivier Jalabert, Jean Auquier, Benoît Peeters, Thierry Bellefroid, etc.

Gilles RATIER

(1) Voir notre précédente chronique sur les ouvrages de référence : http://bdzoom.com/6584/actualites/ouvrages-de-reference-du-debut-2010/.

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