Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Dessinateurs de « Dylan Dog » : Stano, Trigo et tutti quanti…
Créé en 1986 par le scénariste Tiziano Sclavi et publiée, de l’autre côté des Alpes, chez Sergio Bonelli Editore, le fumetti « Dylan Dog » a obtenu, en Italie, un succès stupéfiant, aussi bien au niveau de la critique que de celui du public : jusqu’à arriver à un million d’exemplaires vendus par mois. Certains numéros mettant en scène ce détective de l’impossible ont aussi été traduits en langue française (chez LUG, puis chez Glénat ou Hors Collection), sans toutefois rencontrer, hélas, une aussi grande reconnaissance… Les éditions Panini, dont la maison mère est sise de l’autre côté des Alpes, prennent aujourd’hui le relais, avec une collection brochée en noir et blanc, respectant la chronologie ainsi que le format d’origine, et dont le premier tome contient les deux premiers épisodes. Voilà qui devrait séduire les lecteurs de comics d’horreur, notamment ceux de « Walking Dead », et espérons que cette nouvelle tentative éditoriale de mise en avant d’une série qui multiplie les références cinématographiques, littéraires, picturales et bédéesques, sera, enfin, couronnée de succès !
D’autant plus que l’éditeur français des licences Marvel (« Spider-Man, « X-Men », « Fantastic Four » et autres « Avengers ») annonce pour très bientôt, d’autres albums de « Dylan Dog », tout en couleurs, dans une collection « Deluxe » : chacun proposant quatre aventures complètes dessinées par Carmine Di Giandomenico – l’un des dessinateurs de « Daredevil » – ou Angelo Stano, sous couverture du célèbre Tanino Liberatore, l’un des auteurs de « Ranxerox » (voir Ranxerox). En effet, outre le fait qu’à partir de janvier 1990, certains récits ont été publiés en couleurs dans la revue Comic Art, une publication annuelle puis semestrielle, Dylan Dog Color Fest, propose désormais, toujours en Italie, des albums colorés dessinés, de façon exceptionnelle, par des invités de marque comme Davide Gianfelice et Massimo Carnevale (2007), Carmine Di Giandomenico et Roberto De Angelis (2008), Giuseppe Camuncoli, Corrado Mastantuono – voir Corrado Mastantuono– et Patrizio Evangelisti (2009), Giorgio Cavazzano, Stefano Intini, Pasquale Frisenda, Daniele Caluri et Marco Nizzoli (2010), Vanna Vinci, Simona Denna, Lola Airaghi, Valentina Romeo, Gigi Simeoni et Aldo Di Gennaro (2011), Enrique Breccia, Lito Fernandez, Alfonso Font, José Ortiz, Luca Rossi, Paolo Mottura ou Leomacs (2012).
Il faut en effet préciser que, parallèlement à sa publication mensuelle, le détective de l’étrange apparaît aussi dans des annuels (Dylan Dog Speciale depuis 1987, Dylan Dog Almanacco della Paura entre 1991 et 1993, Dylan Dog Gigante à partir de 1993), un semestriel (Maxi Dylan Dog depuis 1998), des rééditions (Dylan Dog Grande Ristampa à partir de 1990), des ouvrages pour collectionneurs (Dylan Dog Collezione Book en 1996, puis Dylan Dog Super Book à partir 1997) et même, de façon plus anecdotique, dans des revues comme Per lui (en 1989) ou Glamour international (à partir de 1990).
Notons, par ailleurs, que cet enquêteur du cauchemar a également été le protagoniste d’un jeu de rôles en 1991 et d’un film en 2011 (voir : « Dylan Dog » de retour en France, mais seulement en DVD !).
« Dylan Dog » est une création fidèle au style de la bande dessinée d’aventure Bonelli : maison d’édition spécialisée dans les fumetti accessibles à tous, avec des héros à forte personnalité. Dylan Dog ressemble à l’acteur anglais Rupert Everett : il est grand, mince et toujours habillé à la mode dans un style décontracté, veste noire, chemise rouge et jeans. Il vit dans une Londres gothique et décadente, au 7 Craven Road : un clin d’œil au talent de Wes Craven, scénariste et réalisateur de films d’épouvante célèbres comme Les Griffes de la nuit ou Scream. Pour le prix de cinquante livres sterling par jour, plus les frais, il libère ses clients des zombies, vampires, loups-garous et autres monstres. Pour se décontracter, il joue de la clarinette, comme Sherlock Holmes du violon. Autre point commun avec le personnage créé par Sir Arthur Conan Doyle, il méprise l’alcool et le tabac (c’est un alcoolique repenti et un hypocondriaque), mais il est loin d’être insensible au charme des jeunes et jolies femmes qui tombent dans ses bras, au rythme immuable d’une par mois.
Groucho, son inséparable compagnon, est le sosie parfait, voire même la réincarnation, de Groucho Marx. Assistant, factotum, chargé de porter le pistolet avec lequel Dylan Dog tirera au dernier instant sur le monstre de service, ce pittoresque second rôle n’hésite pas à employer d’ignobles mots d’esprit à double sens et des blagues dans les situations les plus délicates.
Mélange délirant d’horreur new wave et d’humour démentiel, la série parait pour la première fois le 26 septembre 1986, sous la forme d’un fascicule mensuel au titre éponyme, daté d’octobre, aux éditions Daim Press (qui deviendront, par la suite, Sergio Bonelli Editore : http://www.sergiobonellieditore.it/). L’opus, sous couverture de Claudio Villa (dessinateur qui fit partie de l’équipe de départ ayant travaillé sur la préparation graphique du personnage), propose donc une histoire intitulée L’Aube des morts vivants qui, comme toutes les autres de la série, porte bien son nom. Ce premier numéro, en noir et blanc, a été dessiné par Angelo Stano, lequel sera remplacé, dès le numéro suivant daté de novembre 1986, par Gustavo Trigo. Cet artiste argentin illustre alors une version étonnante de Jack l’éventreur, titre de la deuxième enquête cauchemardesque de quatre-vingt-seize pages de ce privé de profession, également contenue dans cet opus Paninien.
Angelo Stano est né à Santeramo in Colle dans la province de Bari, le 6 janvier 1953. Il publie ses premières bandes dessinées dans le magazine L’Avventuroso : une adaptation, par un certain Catalano, de De la Terre à la Lune, le roman de Jules Verne (en 1973). Puis, ses autres premiers travaux apparaissent, en 1975, dans des périodiques comme Audax chez Mondadori, Collana Super Eroica - puis « Uomini e Guerra » (scénarios du studio Staff di If de Gianni Bono, en 1977 - chez Dardo.
Il a aussi collaboré avec Pino Dangelico sur des fascicules d’horreur tels Terror, Oltretomba, Zordon ou De Sade, de 1975 à 1977 : bandes alimentaires réalisées pour l’éditeur Ediperiodici.
En 1977, il travaille pour le magazine Corrier-Boy, édité par le Corriere della Sera, où il réalise la série « Charlie Charleston » (textes de Nino Cannata et Fuschino) puis quelques épisodes de « Susy Strike » (en 1981). À la même époque, il travaille aussi pour la maison concurrente, Universo, qui édite l’Intrepido.
En 1982, il est engagé pour dessiner la série « Martin Mystère » chez Sergio Bonelli Editore (voir « Martin Mystère ») mais sera, finalement, enrôlé dans l’équipe travaillant sur « Dylan Dog » : il sera même le premier artiste à mettre en images ce personnage, dans un style proche du peintre Egon Schiele.
À partir du n° 42 de la série (en mars 1990), il remplace Claudio Villa à la création des couvertures de ce best-seller transalpin : tâche qu’il continue encore d’accomplir aujourd’hui. En décembre 2012, il assume aussi, dessins et scénario, l’épisode La Legione degli scheletri, premier album de ce héros entièrement réalisé par un seul auteur.
Pour en savoir plus sur cet auteur, voir ce site italien :Â http://www.ubcfumetti.com/data/stano.htm.
Gustavo Trigo, lui, est un dessinateur argentin né le 17 décembre 1940 à Rosario et décédé le 28 juillet 1999 à Rome.
Élève d’Alberto Breccia, il fait ses débuts professionnels, en 1958, dans son pays d’origine, notamment aux éditions Columba, avant de travailler avec les Britanniques de Fleetway et les Américains de Charlton Comics : ses séries les plus connues de cette période étant « Marcie », « Ted Marlow » et des courtes histoires pour Serie Negra, sur des textes de Guillermo Saccomanno.
Ensuite, au début des années 1970, il illustre de nombreuses adaptations de séries télévisées ou de films en bande dessinée, mais aussi les textes du célèbre scénariste argentin Héctor Germán Oesterheld : quelques épisodes du western « Sgt Kirk » et le récit La Guerra de los Antartes dans le quotidien de gauche Noticias. Cette série reprenait le thème d’« ’El Eternauta »), autre série à succès d’Oesterheld (voir À la recherche d’Héctor Germán Oesterheld) : une invasion extraterrestre faisant référence à la réalité politique de l’Argentine. La Guerra de los Antartes pris fin lorsque le gouvernement interdit la publication de la revue Noticias.
En 1979, Gustavo Trigo s’expatrie alors à Rome, en Italie, devant les agissements insupportables de la dictature du régime militaire sévissant dans son pays d’origine.
Il travaille alors avec des maisons d’édition italiennes qui publiaient déjà ses productions argentines, telles Eura Editoriale et ses magazines L’Eternauta, Skorpio ou Lancio Story.
Pour plus de renseignements sur les diverses collaborations de cet auteur argentin à ses périodiques transalpins, voir le blog http://laduendes.blogspot.fr/2011/05/el-eternauta-que-no-pudo-ser-gustavo.html (en italien !).
C’est alors que Trigo se met aussi en cheville avec Sergio Bonelli Editore, illustrant quelques récits pour les séries « Dylan Dog » (épisodes n°2, 6 de mars 1987 et 13 d’octobre 1987), « Nick Raider » (épisodes n°1 de juin 1988, 7 de décembre 1988 et 10 de mars 1989), et « Julia » (épisode n° 3 de décembre 1998, sur un scénario de Giancarlo Berardi), à partir de 1986.
Hélas, son état physique s’aggrave et cet artiste argentin ne réussit pas à achever la seconde histoire de « Julia » qui lui a été confiée : ce dix-septième épisode, Il Delitto negato, sera terminé par son compatriote Enio Legisamón, qui signe de son seul prénom, et par Marco Soldi, pour une publication effective en février 2000, après son décès.
Ces deux artistes peu connus, car très peu traduits dans nos contrées, ont ensuite été remplacés, sur « Dylan Dog », par une pléiade d’illustrateurs transalpins comme le duo Giuseppe Montanari et Ernesto Grassani,
puis chronologiquement par Corrado Roi,
Luigi Piccatto,
Giampiero Casertano, Carlo Ambrosini (en 1987), Ferdinando Tacconi,
Claudio Castellini,
Pietro Dall’Agnol, Giovanni Freghieri (1989),
Bruno Brindisi,
Gianluigi Coppola (1990),
Ugolino Cossu (1991)(1), Andrea Venturi (1992),
Luigi Siniscalchi,
Roberto Rinaldi (1993),
Franco Saudelli (1996),
Nicola Mari (1996),
Daniele Bigliardo (1998),
Maurizio Di Vincenzo (1998),
Fabio Celoni (2003)…
Signalons aussi le fait que certains autres dessinateurs n’ont signé qu’un ou deux, voire seulement trois numéros, notamment lors d’exceptionnelles participations aux collections Dylan Dog Color Fest (voir la liste plus haut), Almanacco della Paura, Dylan Dog Gigante ou Speciale, à l’instar de Luca Dell’Uomo en 1987, Attilio Micheluzzi (voir « Petra chérie » d’Attilio Micheluzzi) et Cesare Valeri en 1988, Gabriele Pennacchioli (1991), Marco Soldi (1994), Enea Riboldi (1995), Claudio Villa (1998), Giancarlo Alessandrini (2004), Antonio De Luca (2007), Domingo Mandrafina (2009), Alessandro Poli (2009), Daniela Vetro (2010) et Claudio Stassi (2012).
Et il ne faut pas oublier ceux qui n’ont signé qu’une couverture, comme c’est le cas pour Tanino Liberatore, Sergio Toppi (voir Sergio Toppi : le coin du patrimoine BD), Silver, Milo Manara, Laura Zuccheri, Gianluca & Raul Cestaro, Carlos Gomez, Mario Alberti, etc.
En France, les éditions Lug traduisent la série « Dylan Dog » dès 1987, au sein d’un opuscule arborant fièrement le titre de la série : mais l’expérience s’arrête très vite, au bout de deux numéros, en juin et juillet, faute de lecteurs suffisants. À l’instar de ce qui se fait en Italie, le mensuel comptait cent pages avec une seule histoire du héros titre.
Curieusement, le premier numéro était la traduction du n° 4 italien de janvier 1987 (Le Fantôme d’Anna Never, dessiné par Corrado Roi) et le suivant correspondait au n°3 de décembre 1986 (Les Nuits de la pleine lune, illustré par Giuseppe Montanari et Ernesto Grassani).
Si la couverture du n° 1 est une reprise du dessin d’origine, celle du n° 2 est signée Ciro Tota. À noter que cette revue fut lancée en même temps que Martin Mystère, laquelle s’arrêta, également, après deux numéros.
Il va falloir attendre mai 1993, pour que les éditions Glénat publient, en coédition avec Bonelli, une série d’ouvrages à la présentation originale : d’épais volumes de trois cents pages avec trois aventures de Dylan Dog mis en images par un seul illustrateur et une présentation express d’Henri Filippini. Finalement, jusqu’au premier trimestre 1995, seuls six volumes consacrés à Angelo Stano (avec le premier épisode L’Aube des morts vivants, le n° 25 – Morgana – datant d’octobre 1988 et le n° 43 – Histoire de personne – d’avril 1990), à Giampiero Casertano (le n° 10 – À travers le miroir – de juillet 1987, le n° 19 – Mémoire de l’invisible - d’avril 1988 et le n° 26 – Après minuit – de novembre 1988), Corrado Roi (le n° 4 – Le Fantôme d’Anna Never, – de janvier 1987, le n°9 – Alpha et Omega – de juin 1988 et le n°33 – Jeckyll ! -de juin 1989), Luigi Piccatto (le n°8 – Le Retour du monstre – de mai1988, le n°31 – Grand Guignol – d’avril 1989 et le n°18 – Cagliostro ! – de mars 1988), Carlo Ambrosini (le n°15 – Canal 666 – de décembre 1987, le n°23 – L’Île mystérieuse – d’août 1988 et le n°46 – Enfers – de juillet 1990) et Bruno Brindisi (le n°51 – Le Mal – de décembre 1990, le n°61 – La Terreur qui vient de l’infini – d’octobre 1991 et le n°84 – Zed – de septembre 1993) virent le jour : cette tentative courageuse n’ayant pas rencontré le succès escompté ; pas plus que les essais parallèles avec les autres fumetti Bonelli « Martin Mystère », « Nathan Never » et « Nick Raider ».
En janvier 2001, les éditions Hors Collection, sous la houlette d’Emmanuel Proust, alors directeur de collection de cette filiale du groupe des Presses-Solar-Belfond (Les Presses de la Cité), proposent à nouveau « Dylan Dog », mais cette fois sous la forme d’albums brochés au format plus grand et classique, le temps de quatre tomes de quatre-vingt-seize pages en noir et blanc, jusqu’en juin 2002. Pour l’anecdote, sachez qu’il s’agit de la version française de titres de collections comme Dylan Dog Super Book ou Dylan Dog Gigante, dont certains ne sont même plus disponibles, aujourd’hui, dans le pays d’origine :
-         Le Jour du jugement dessiné par Ugolino Cossu (le n° 6 de Dylan Dog Super Book de mai 1998)
-         La Maison double par Giampiero Casertano (le n°9 de Dylan Dog Super Book de février 1999)
-         Angoisse par Carlo Ambrosini (le n°3 de Dylan Dog Gigante de janvier 1994)
-         Coup de lune par Pietro Dall’Agnol (le n°14 de Dylan Dog Super Book de mai 2000)
Côté scénario, c’est Tiziano Sclavi qui en écrit la quasi-totalité ou, du moins, en assume le rôle de superviseur, confiant certains sujets à quelques-uns de ses collègues aguerris : Alfredo Castelli, Marcello Toninelli, Luigi Mignacco, Giuseppe Ferrandino (dès 1988), Michele Medda, Antonio Serra & Bepi Vigna, Claudio Chiaverotti (en 1989), Mauro Marcheselli (1992), Gianfranco Manfredi et Michelangelo La Neve (1994), Gianluigi Gonano alias G. Anon (1996), Pasquale Ruju (1997), Giuseppe De Nardo (1998, Cristina & Pippo Neri, Carlo Lucarelli, Paola Barbato et Gianluigi Puccioni (1999), Mauro Boselli et Robin Wood (2000), Tito Faraci (2001), Stefano Santarelli (2002), Michele Masiero (2004), Bruno Enna (2007), Giovanni Di Gregorio (2007), Giancarlo Marzano et Roberto Recchioni (2008), Alessandro Bilotta, Lorenzo Bartoli et Diego Cajelli (2010), Andrea Cavaletto, Giovanni Gualdoni, Chiara Caccivio et Rita Porretto & Silvia Mericone (2011), Fabrizio Accatino (2012), etc.
Mais qui est donc ce prolifique Tiziano Sclavi ? C’est ce que vous découvrirez dans le prochain « Coin du patrimoine », si le cœur vous en dit !
 À suivre…
 (1)  Ugolino Cossu est aussi le dessinateur du dernier numéro de Dylan Dog en date (en Italie, bien sûr) : le n° 318 du 27 février 2013.
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