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Dans le western « Billy Lavigne », Anthony Pastor confronte sa propre filiation paternelle sous le soleil du désert…

10/03/2025
Par Gilles Ratier

L’auteur de « La Femme à l’étoile », son précédent roman graphique qui a été plébiscité par la critique, a grandi avec le western et ne renie absolument pas cet univers qui l’a construit en matière d’influences et qu’il a tant de plaisir à dessiner. D’ailleurs, ça se sent dans ce nouvel album : les planches sont magnifiques… C’est l’histoire énigmatique, en 1893, d’un jeune gardien de troupeaux texan qui revient chez lui à bride abattue, au milieu d’une cohorte de mustangs, après avoir appris la découverte du corps de sa mère, noyée lors d’une crue subite. De retour au village, il va retrouver deux hommes qui ont aimé sa mère et qui voient en lui un héritier… ou peut-être un fils ?

Tout au long des 150 pages de ce beau livre publié aux éditions Casterman, la violence est suggérée, insidieuse… Maggie, la génitrice de Billy, était une femme de mauvaise vie : s’est-elle vraiment noyée seule ou l’a-t-on assassinée ?

Quoi qu’il en soit, les habitants ne veulent pas d’elle dans le cimetière situé derrière l’église. Ford, un riche propriétaire de troupeaux, et l’ancien capitaine Thorpe, son bras droit, lesquels règnent sur la communauté et qui ont été, tous les deux, amoureux de Maggie, s’occupent de son enterrement à côté de sa cabane… avec l’aide du croque-mort et d’un certain Keller, présent lors de son décès. Ils avaient bu, elle a voulu aller se baigner… Elle était nue, c’était la pleine lune… C’est alors qu’elle s’est mise à crier… C’était pourtant une bonne nageuse… Keller n’a pas pu la sauver, car, lui, il ne sait pas nager… Est-ce lui le coupable ?

Billy, en pleine quête d’identité, veut connaître la vérité : qui a tué sa mère et qui est vraiment son père ? Les prétendants ne manquent pas : à commencer par les deux anciens amants qui se sont aussitôt affairés autour du cadavre de Maggie, pour l’enterrer à la va-vite, presque en catimini, avant que notre gardien de troupeaux, qui n’a que 25 ans, ne soit revenu à Clarendon.

Des grands paysages de l’Amérique sauvage aux ranchs peuplés de cow-boys flingueurs, Antony Pastor joue habilement avec tous les stéréotypes des bons vieux westerns dans cette puissante et ambitieuse autobiographie déguisée, tout en essayant de porter un nouveau regard sur la conquête de l’Ouest et son idéologie.

Ne serait-ce qu’en en renouvelant le graphisme, les couleurs, la narration et le propos : « Au-delà de la question du genre, je remets toujours le féminisme, la lutte pour l’égalité femme/homme, dans les perspectives des combats contre toutes les inégalités, qu’elles soient sociales ou raciales… », quitte à risquer autant séduire que désappointer !

Ce qui est sûr, c’est que cet auteur, né en 1973 et passionné de romans noirs, a élargi ici sa palette de couleurs lumineuses, en lorgnant du côté de Van Gogh et Géricault !

Et que, sur le plan du strict dessin, on dirait bien que Tardi n’est jamais très loin et que l’ombre de Giraud est omniprésente dans cette crépusculaire tragédie humaniste…

Par ailleurs, il semble qu’Antony Pastor soit encore habité par le western pour quelque temps, puisque « La Femme à l’étoile » et « Billy Lavigne » ne sont que les deux premiers opus d’un triptyque annoncé. Son prochain ouvrage, « Retour au Yellowstone », devrait poursuivre ses expérimentations en proposant un point de vue une nouvelle fois différent sur cette même thématique, en mettant en scène, sans violence ni coup de feu, un couple vieillissant dont la femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer… On l’attend avec impatience !