« Le Sentier des reines » par Anthony Pastor

Le Sentier des reines (et pas celui des rennes, auxquels on pense en découvrant neige et glacier sur la couverture !), est celui d’une lente pérégrination des Alpes vers la Normandie, autrement dit le voyage de la vieille Blanca et de la jolie Pauline, sa belle-fille, dont les maris viennent de mourir dans une avalanche, dans l’immédiat après-guerre de 14. Ils avaient échappé aux glissements humains de la guerre, mais n’ont rien pu faire face aux glissements de terrain !

Reprenant à leur compte le métier de leurs maris, colporteurs, la veuve Dupraz et la veuve du fils Dupraz ont décidé de quitter le village sans tarder en compagnie e Florentin, orphelin – et narrateur – et de son mulet. Il va les accompagner dans un périple qui les pousse sur les chemins abondamment enneigés où la marche est lourde, pénible, le froid pénétrant. Elles veulent à tout prix s’en aller, quitter ce hameau qui n’a plus rien à leur offrir, et aller vendre ce qu’elles ont plus loin, question de survie !

Sur leur chemin, elles rencontrent quelqu’un qui n’est pas là par hasard, un certain Félix Arpin, d’Albertville. Elles ont quelque chose qui l’intéresse et dont elles ignorent tout : une montre de valeur trouvée sur un cadavre. « Trouvée, c’est vite dit ! » : volée dit le Félix, mais c’est faire injure à la mémoire du père Dupraz. Cet Arpin ne va plus les lâcher d’une semelle, coûte que coûte, à la vie – à la mort quasiment ! Partout il les suit, les devance, les retrouve et les harcèle. Il veut récupérer cette montre ! Dès lors, elles n’ont plus qu’un seul but : la redonner à la famille de celui auquel elle a été prise !

On est un peu déçu de ne pas apprendre plus de choses que ça (pas de secrets révélés ou de retournement final, mais une succession de rencontres plus ou moins profitables), mais le périple haut en couleurs et en douleurs constitue un « road-movie » très touchant, peut-être parce qu’il s’agit de femmes qui doivent tout apprendre pour se défendre, avancer, résister, des femmes qui découvrent une autre vie, d’autres forces (en lisant, notamment des ouvrages féministes).

L’histoire est portée par un réalisme sévère des visages ou des décors auquel on s’habitue peu à peu. Les dessins légèrement colorés restent sombres, griffus, aux ombres hachurées, mais savent se faire lumineux pour les pentes neigeuses ou des crêtes pales. Pastor excelle à rendre notamment les villages brouillés par les chutes de neige. A noter que l’album est complété d’un dossier expliquant les sources et la documentation utilisée, accompagné de dessins.

On avait découvert cet auteur dans quelques titres des éditions de l’An 2, mais également dans l’un des volumes de la collection Les Petits Polars du Monde où déjà, avec « Le Cri de la fiancée », Pastor invitait ses lecteurs à la montagne, celle des forêts neigeuses, des chalets inquiétants et des personnages proprement tordus.

Alors, bons voyages !

Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.

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« Le Sentier des reines » par Anthony Pastor

Éditions Casterman (20 €) – ISBN : 978-2-203-09452-9

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