« La Femme à l’étoile » : violence, amour et rédemption dans l’Ouest sauvage…

Après son utopie chorale en cinq tomes (« No War »), Anthony Pastor (1) continue de s’imposer comme l’un des auteurs phares de la maison d’édition Casterman avec ce beau western romantique et féministe situé dans le nord-ouest des États-Unis, à la fin du XIXe siècle : un roman graphique de plus de 250 pages, traitées au lavis monochrome et à la couleur directe, où la mort est omniprésente… À un point tel que le lecteur sent monter l’angoisse et l’horrible froid qui torturent les corps de chacun des deux protagonistes, dont le lourd passé n’en finit pas de les poursuivre. L’un fuit sa part d’ombre, cherchant le salut dans la neige, et va trouver l’autre : une femme portant une étoile, qui s’est réfugiée dans un village abandonné…

Zachary Desmoines erre sur son cheval dans les montagnes du Montana, à travers les forêts de sapins. Pieds et mains gelés à cause du froid, il s’accroche à sa monture : mais il sait que s’il reste de nouveau une nuit dehors, il crève ! Des trappeurs lui ont évoqué comme ultime refuge la passe de Promesa : une ville fantôme, désertée par les chercheurs d’or, qui bénéficie encore de chaumières pour s’abriter. Alors que la bourrasque redouble de force, effaçant ses traces et ne laissant aucun répit au malheureux voyageur, l’espoir renaît toutefois, car l’abri tant désiré est enfin visible. Cependant, une jeune femme métisse du nom de Perla, s’enquérant elle aussi d’une planque où se faire oublier, y a déjà élu domicile. Si dans les premiers temps, cette méfiante « femme à l’étoile » refuse toute compagnie, son hostilité va bientôt laisser place à la curiosité : à l’envie d’apprendre à connaître et comprendre l’autre… et pourquoi pas à l’aimer ? La complicité qui va s’établir entre eux va se révéler bien utile quand le piège va se refermer sur les deux fugitifs en lutte contre cette société qui a juré leur perte, et quand ils vont devoir affronter, ensemble, les marshals venus les capturer.

Les énergiques et atypiques illustrations, enluminées par un lavis à l’encre bleue, ne manquent pas de précision et d’originalité, participant pleinement à l’efficacité de la narration : car il est évident qu’Anthony Pastor privilégie avant tout la fluidité et le rythme de l’histoire.

Enfin, si ce drame épique est autant réussi, c’est aussi grâce à la puissance de ses imposants personnages : que ce soit l’homme ou la femme. À notre collaborateur Brigh Barber qui s’interrogeait sur l’importance qu’il donnait aux femmes dans ses récits, l’auteur répondait en 2014 sur BDzoom.com : « Plus j’y pense et plus je considère que c’est une forme d’engagement, un acte quasi politique : c’est ma façon d’interroger notre société et le rapport homme/femme semble encore rétrograde aujourd’hui par beaucoup d’aspects. Artistiquement, ce que je trouve intéressant, c’est de creuser à fond les personnages, hommes ou femmes, et de les mettre en relation. Même quand je donne les rôles principaux aux femmes, mes histoires restent très intimes. » Voilà des propos qui sont toujours d’actualité et totalement en rapport avec cette formidable déclaration d’amour aux femmes et au western qu’est « La Femme à l’étoile » !

Gilles RATIER

(1)  Sur Anthony Pastor, voir, par exemple, sur BDzoom.com : « No War » ? Faut voir !, « Le Sentier des reines » par Anthony Pastor, « Le Cri de la fiancée » : entretien avec Anthony Pastor, Hotel Koral 2008, Ice Cream 2006… 

« La Femme à l’étoile » par Anthony Pastor

Éditions Casterman (27 €) — EAN : 978-2-203-23884-8

Parution 5 avril 2023

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2 réponses à « La Femme à l’étoile » : violence, amour et rédemption dans l’Ouest sauvage…

  1. BARRE dit :

    Attention au prix qui je l’espère est une erreur !

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