On vous a déjà dit tout le bien que l’on pensait de la saga ébouriffante, délirante et jubilatoire « The Kong Crew » d’Éric Hérenguel… (1) Or, voilà que les éditions Caurette sortent une très belle intégrale de luxe de la trilogie (224 pages, dans sa version originale en noir et blanc grisé et en français) : une incroyable épopée hommage aux comics, aux pulps et aux vieux films fantastiques des fifties ! Ceci alors que le tome 3, cartonné et en couleurs, vient aussi à peine de paraître chez Ankama… La totale en noir et blanc ou les trois volumes en couleurs, vous avez donc le choix ! L’essentiel étant de ne pas passer à côté de ces aventures follement drôles, débridées et imaginatives, sous couvert de fable épique et écologique !
Lire la suite...François Corteggiani : passion bande dessinée ! (seconde partie)
Le décès brutal de François Corteggiani le 21 septembre dernier — le jour anniversaire de ses 69 ans — a secoué le monde de la bande dessinée (1). Passionné depuis toujours par le média, ce fort en gueule au cœur de midinette — et 115 kilos pour 1,94 mètre ! — s’est illustré dans tous les domaines, avec toujours la même ambition : divertir sans ennuyer ses lecteurs. Avec sa disparition, la bande dessinée classique perd l’un de ses plus solidesdéfenseurs. Voici la conclusion de ce dossier sur sa carrière éclectique exemplaire, qui s’étend sur un demi-siècle ; pour lire la première partie, cliquez ici Passion bande dessinée : hommage à François Corteggiani ! (première partie).
Tous les nombreux travaux déjà cités dans la première partie de ce dossier n’empêchent pas François Corteggiani de trouver encore le temps de travailler directement pour des éditeurs étrangers.
En 1980, dans le mensuel allemand Sonny des éditions Koralle et sous le pseudonyme de Sambo, il écrit — parfois avec l’aide de ses amis Jean-Luc Cochet et Bernard Ciccolini — plus de 200 pages des aventures du héros titre, pour les dessinateurs italiens Carlo Peroni (le créateur graphique du personnage), Attilio Ortolani, Claudio Onesti, Massimo de Vita….
Ce sympathique lapin était apparu en 1971, dans le magazine transalpin Il Corriere dei Piccoli, sous le nom de Gianconiglio : Carlo Peroni illustrant alors les textes de Carlo Triberti.
On lui doit aussi des aventures des héros Disney destinés à l’hebdomadaire Topolino : la version italienne du Journal de Mickey. En 1993, pour l’édition italienne de Playboy, il imagine « Big Bazoum » : une rousse pulpeuse campée pour seulement trois pages par Giorgio Cavazzano.
Ami du dessinateur Osamu Tezuka, Corteggiani s’intéresse également au Japon bien avant la vague manga : il écrit notamment des articles sur la BD française pour Starlog Japon.
Sa collaboration récente aux scénarios des aventures de Bob et Bobette — dont nous parlerons un peu plus loin — et à d’autres séries néerlandaises publiées par Standaard Uitgeverij (à l’instar de « Vertongen en C° » dessinée par Wim Swerts, à partir de 2018) prolonge ce désir de dépasser les frontières.
Du journal à l’album
Bien que quelques-unes de ses histoires bénéficient d’albums, François Corteggiani est avant tout un homme attaché à la presse.
La mort annoncée des journaux va le contraindre à composer avec la pression de plus en plus forte exercée par le support album. C’est aux éditions Glénat, présentes sur les deux marchés, qu’il entreprend cette douloureuse mue.
Il entre chez l’éditeur grenoblois à l’occasion de la reprise en album, en 1981, du premier épisode de « Bastos et Zakousky » publié par Djin.
« La Forteresse des neiges », la seconde aventure des deux héros en terres sibériennes, est publiée par le mensuel Circus du n° 37 (avril 1981) au n° 43.
Les gags de Robinson et Zoé, un vieux bonhomme et un étrange oiseau vivant sur une île pas vraiment déserte, sont dessinés par le fidèle Philippe Bercovici.
Ils débutent dans le Circus hors-série n° 48 bis (avril 1982), puis se poursuivent dans Circus et Gomme.
Un album au dos de couverture étonnant est publié en 1984 par les éditions Glénat.
Au cours de cette période, il écrit des histoires courtes pour les numéros hors-série de Circus dessinées par Jean-Pierre Danard, Philippe Bercovici
et surtout Pierre Tranchand qui s’amuse à illustrer des textes plus adultes, avec un graphisme semi-réaliste fort plaisant : « La Rumba du vieux marle », « Un tour de cochon », « La Belle des belles »…
En novembre 1981, les éditions Glénat lancent l’hebdomadaire pour adolescents Gomme, où il s’investit avec enthousiasme. (2)
Il y poursuit « Robinson et Zoé » avec Bercovici et réalise deux longues aventures de Chafouin et Balluchon avec Pierre Tranchand.
Il écrit deux nouveaux épisodes de « Bastos et Zakousky », mais le cinquième et dernier épisode de « Bastos et Zakousky » est proposé dans Triolo, puis en album en 1986.
Des intégrales sont éditées par Glénat en deux volumes en 1992, puis en 2022 (dans une version en noir et blanc et partiellement retouchée par le dessinateur). (3)
Il crée « Testar le robot » pour Ramon Monzon (4),
dont une nouvelle version dessinée par Philippe Bercovici est publiée chez Fleurus en 1987, sous le titre « Testar le magnifique »
et réalise seul un long épisode de « Hank et Tonky », également héros de deux récits complets. Le rêve de redonner du sang neuf à la presse pour jeune prend fin avec le n° 26 de la revue, en janvier 1984. Les longues histoires sont publiées en albums par Glénat, sauf « Hank et Tonky », toujours inédit.
En février 1985, les éditions Glénat publient le premier numéro de Vécu mensuel, sous-titré « L’Histoire c’est aussi l’aventure ».
Un slogan qui ne peut que séduire François Corteggiani, incité par la rédaction à s’essayer au réalisme.
Dans le n° 6 (août 1985), commence « De silence et de sang », dessiné par Marc Malès pour les trois premiers épisodes.
Cette histoire de la mafia italienne aux États-Unis se poursuit avec Jean-Yves Mitton (5), qui dessine sept épisodes, et enfin avec Emanuele Barison, qui anime les quatre derniers albums jusqu’en 2012.
Ces 14 albums feront l’objet de trois intégrales en 2009, 2010 et 2012.
Toujours pour Vécu, il propose « Le Casque et la fronde » du n° 20 (octobre 1986) au n° 26. Dessinée par l’Argentin Walther Fahrer, cette histoire qui commence en Espagne en 1527 a pour ambition de conduire le lecteur vers l’empire du Soleil, au temps des Incas. Faute de succès, un seul album est édité par Glénat en 1987.
Toujours pour la collection Vécu, il écrit les quatre épisodes de « Sundance » : un western se déroulant dans les Everglades dessiné par Michel Suro, de 1995 à 1998.
Enfin, en 1997, il adapte avec Norma (6) au dessin « Le Bossu » de Paul Féval, d’après le film de Philippe de Broca.
Pour la collection Bulles noires, il met en scène le taciturne commissaire Soubeyran, le temps de deux albums dessinés par Rachid Nawa, en 1999 et 2002.
Pour la collection La Loge noire, il écrit « Le Roi du monde » : diptyque ésotérique dessiné par Dominique Cèbe et paru en 2004 et 2005.
Il lance un nouveau polar en 2004 avec le dessinateur Sébastien Verdier. Hélas !, « Ultimate Agency » est abandonné dès le second album en 2006.
En 2005, il signe la première « Aventure de Simon Nian » : un vibrant hommage à Maurice Tillieux, dont sa fille signe d’ailleurs la préface du premier album intitulé « Décime-moi un maton » et situé dans le monde de la BD. Maître Nian enquête sous le crayon — inspiré par le créateur de « Gil Jourdan » — du Canadien Yves Rodier. Trois albums seulement de cette série prometteuse sont parus en 2005, 2006 et 2011. Ce sera son ultime contribution aux éditions Glénat.
Pour l’anecdote, en 2005, il termine pour Michel Faure le scénario du neuvième épisode de « Poupée d’ivoire », après le décès de Franz : l’auteur de cette série.
En 1983, il écrit aussi « Le Passager du temps » : un ouvrage consacré à son ami François Bourgeon, dont les « Passagers du vent » cartonnent en librairie. (7)
Des reprises prestigieuses
François Corteggiani a beaucoup de tendresse pour les auteurs du passé et les personnages qui ont bercé sa jeunesse.
Permettre à ces héros de poursuivre leurs aventures est, pour lui, un véritable cadeau.
Écrire de nouvelles facéties de Pif le chien et celles des héros de l’univers Disney ne suffit plus à notre scénariste qui ajoute, rapidement, de nouvelles collaborations à son appétit d’ogre.
Le décès de Jean-Michel Charlier en 1989 laisse « La Jeunesse de Blueberry » privé de scénariste et le dessinateur Colin Wilson — qui réside alors près de chez Corteggiani — sans idées pour terminer l’épisode en cours. Notons que Corteggiani est l’auteur d’« Erreur sur la Virginie » : une parodie de la série, en deux pages, écrite deux ans plus tôt pour l’album collectif « Parodie 2 », publié par MC Productions : « Quand Charlier est mort, Colin et Novedi m’ont demandé de terminer l’histoire en cours, car Colin m’avait sous la main et que nous en avions déjà parlé. Chaque fois que les pages de Jean-Michel arrivaient chez Colin, je venais les voir pour regarder comment c’était fait. Mais je n’ai jamais rien demandé. J’avais beaucoup d’admiration pour Charlier, autant que j’en ai pour Greg. C’était quelqu’un qui m’intimidait assez… » L’album « Le Raid infernal » sort chez Novedi en 1990, suivi deux ans plus tard par « La Poursuite impitoyable ».
Après un bref passage chez Alpen en 1993, « La Jeunesse de Blueberry » se poursuit dès 1994 chez Dargaud, qui réédite les albums précédents. Après avoir dessiné trois épisodes,Colin Wilson cède son crayon en 1998 à Michel Blanc-Dumont. Le dernier opus (« Le Convoi des bannis ») sort en 2015, mais un nouvel épisode est en cours de réalisation. En 2000, les éditions Dargaud publient, dans la série « La Jeunesse de Blueberry », « Carnet de route, les origines d’un mythe », avec le concours de Corteggiani.
En 2009, il prend plaisir à imaginer une nouvelle aventure pour « Sibylline » : la charmante souris créée par Raymond Macherot. L’album (« Traquenard à Saint-Florentin ») est dessiné par André Taymans, pour les éditions Flouzemaker.
Aux éditions Casterman, avec le dessinateur Netch, il renoue avec Sibylline, le temps d’écrire deux albums des « Nouvelles Aventures de Sibylline », publiés en 2017 et 2018.
En 2012, Corteggiani ne résiste pas à se lancer dans la reprise des « Pieds nickelés », série désormais libre de droits, sous le titre « Les Zépatantes Zaventures des Pieds nickelés », pour le compte des modestes éditions de l’Opportun.
Dessiné par Herlé, un seul album est publié sous le titre « Ensemble, tout est possible ».
Jacques Martin est un autre scénariste mythique de la bande dessinée franco-belge dont l’œuvre fascine François Corteggiani.
Il exulte le jour où l’équipe chargée de poursuivre les séries que Martin a créées lui propose de travailler sur « Alix » et « Lefranc ».
Pour le premier, il écrit « L’Ombre de Sarapis », où l’intrépide Gaulois part à la recherche de Césarion : le fils de César et de Cléopâtre.
C’est Marco Venanzi qui dessine cet épisode numéroté 31 : le seul imaginé par François Corteggiani et qui parut en 2012.
Plus chanceux avec « Lefranc », il embarque le journaliste dans une première enquête publiée en 2015 et dessinée par Christophe Alvès. La parution de « Mission Antarctique » est suivie par trois autres épisodes, dont le dernier (« Les Juges intègres ») est sorti en novembre 2021. Le dessinateur Christophe Alvès travaille aujourd’hui sur un cinquième album écrit avant le décès de son scénariste. (8)
En 2020, les éditions Standaard fêtent les 75 ans de la création par Willy Vandersteen des célèbres « Bob et Bobette ». À cette occasion, elles demandent à François Corteggiani d’imaginer le neuvième album — jamais publié — de la fameuse Collection bleue réunissant les histoires parues dans l’hebdomadaire Tintin. Ce neuvième récit n’avait jamais été terminé par son créateur. Avec la complicité de Dirk Stallaert, il imagine « Le Sonomètre » : une aventure au Japon, passionnante, dont les 54 pages sont réunies dans un album déjà collector. (7)
Signalons aussi que notre scénariste a également participé, de façon anonyme, aux albums de la série classique dont 365 ont déjà été publiés en cette fin d’année 2022 (ainsi qu’à d’autres séries proposées par les éditions Standaard : nous n’avons, hélas, pas pu identifier lesquels jusqu’à présent.
En 2011, il propose au quotidien L’Humanité de renouer avec le strip de « Pif le chien », créé par José Cabrero Arnal dans ses pages en 1948 et repris par Roger Mas.
Plus de 3 000 bandes en couleurs réalisées avec l’aide de son fils (Baptiste Corteggiani) seront livrées, jusqu’en ce triste jour de septembre où il décède.
Signés Kort, ces gags au trait modernisé mériteraient mieux qu’une simple parution dans la presse.
Lorsque les éditions Semic tentent de moderniser les pockets des éditions Lug, il est de l’aventure.
Il choisit de donner une nouvelle vie à Zembla : le fameux héros de la jungle.
Un album dessiné par Dominique Cèbe est édité par Comics Factory, en 2006 : « Le Secret des monts de la Lune ».
Pour en terminer avec les grandes séries classiques, notons le projet de reprise des célèbres « Sylvain et Sylvette » pour les éditions Fleurus en 1987.
Le rachat de l’éditeur catholique par Média-Participations fera échouer cette tentative dont il reste une planche fort prometteuse dessinée par Pierre Tranchand.
Dernières cartouches
Au cours des deux dernières décennies, François Corteggiani comme beaucoup d’autres cherche de nouveaux supports. Les temps sont de plus en plus difficiles pour les auteurs de BD, les éditeurs de plus en plus frileux.
Il avait tenté une première expérience d’album direct en 1987, avec la série « Francis Falko » aux éditions Novedi, mais le premier et seul tome (« Le Guerrier de l’arc-en-ciel »), dessiné par Victor de la Fuente, fut hélas un échec.
En 1993 de nouveau, avec le fidèle Philippe Bercovici, il s’attaque à l’univers impitoyable de la télévision avec « Téléfaune », aux éditions Dargaud. Cette série aux gags à l’humour décapant ne dépasse pas le cap des deux albums.
En 1998, encore pour Dargaud, il crée « Tatiana K. » : une redoutable espionne aux formes généreuses dessinée par Félix Meynet. Un second épisode sort en 2001 et un troisième en 2004, lequel est illustré par Emanuele Barison.
À la fin du siècle dernier, il prête son expérience aux éditions Soleil créées par Mourad Boudjellal qu’il conseille bien volontiers. En 1992, il crée une série d’aviation ayant pour cadre l’Amérique des années 1920.
« Thunderhawks » compte trois albums, le premier en 1992 dessiné par Colin Wilson, les deux suivants par Michel Suro en 1994 et 1995.
Le Japon sert de cadre à « Saïto », dont trois albums sont dessinés par Norma (4) de 1993 à 1995.
En 1996, il imagine « Yakuza » pour l’Italien Emanuele Barison : une série en trois albums publiés de 1996 à 2001.
Enfin, en 1999, il écrit l’unique album des « Ombres de la lagune » pour un autre dessinateur italien : Giulio de Vita.
Notons encore « L’Ombre de l’ours » pour Michel Faure publié en 2005 aux éditions Theloma, « L’Homme à la tête de fer » pour Mankho (pseudonyme de Dominique Cèbe) en 2012 chez Grand West, le collectif « Hexagon Universe » avec Jean-Marc Lofficier pour Wanga Comics en 2011 ou « Orfea, le dernier cercle de l’enfer » un long récit écrit pour Emanuele Barison paru chez Dargaud en 2014.
Pour les éditions Mosquito, Corteggiani lance les aventures du Sergent Keller : un western prévu en quatre albums dessinés par l’Italien Sergio Tisselli. (8)
Deux premiers épisodes sont publiés en 2018 et 2019, le troisième et dernier en 2022, dessiné par Lele Vianello (9) à la suite du décès du dessinateur d’origine (en 2020). La disparition du scénariste met un terme à la série.
Depuis 2019, Corteggiani écrit des scénarios historiques pour les éditions du Triomphe. Il publie « Les Cristeros » dessiné par Michel Faure, suivi en 2020 par « Avec d’Artagnan » dessiné par Frédéric Garcia,
puis l’année suivante par « Avec Cadoudal » illustré par Mankho. En cette fin d’année 2022, sort « Avec le général Lee » mis en images par Didier Pagot. L’éditeur confie avoir reçu l’album le jour du décès de François Corteggiani.
Et la pub…
Corteggiani participe modestement aux travaux publicitaires qui pullulent dans les années 1980–2000. Pierre Tranchand l’invite à signer les scénarios des mini-albums des « Gum’s » destinés à être offerts aux enfants fréquentant les cafétérias des magasins Casino. Ces curieux légumes humanisés vivent sept aventures en 16 pages distribuées dans les magasins de l’enseigne de 1990 à 1993.
Le même duo signe « Antoine Kourbouyon, passager survolté » pour Inter : le magazine interne d’Air Inter. Produit par BD Médias, ces gags en deux pages sont publiés du n° 30 au n° 39, en 1989-1990.
Toujours avec Pierre Tranchand, il écrit « Drôle de métier » : une aventure de Super Poulain destinée à promouvoir la pâte à tartiner du même nom. L’album, qui offre 18 pages de BD, est publié en 1993.
Pour le compte de Glénat Concept, il imagine les aventures de Silex et Boa dessinées par Philippe Bercovici.
Ces récits en deux pages sont proposés dans la revue Gaz de France information, en 1988 et 1989.
Un album est édité en 1989 par Glénat Concept.
Par ailleurs, il collabore à plusieurs ouvrages collectifs chez Soleil : outre le pastiche de « Blueberry » dans « Parodie » T2 avec Colin Wilson que nous avons déjà signalé, notons un hommage à Maurice Tillieux dans « Les Enquêtes de leurs amis » avec Pierre Tranchand en 1989, une autre histoire avec Tranchand dans « Uderzo croqué par ses amis » en 1996, « La Horde sauvage » avec Herlé dans « Bikers » en 1997… Il est aussi présent dans « La BD des restos », avec Jean-Louis Mourier, édité par Glénat, en 1998.
Rédac-chef
En 2004, Patrick Appel-Muller, le directeur du quotidien L’Humanité, lui propose de prendre la rédaction en chef BD d’une nouvelle formule mensuelle de Pif, que Pif édition s’apprête à lancer.
Pour le passionné de presse et de bande dessinée qu’il a toujours été, c’est le rêve ultime qui se réalise.
Les séries les plus emblématiques de l’ancien journal sont au rendez-vous de ce Pif gadget de 132 pages, lancé en juillet 2004.
À commencer bien entendu par « Pif », signé dans un premier temps par le duo Ric et Chico (Jean-Luc Cochet et Bernard Ciccolini), « Placid et Muzo », « Dicentim », « Rahan », « Pifou », « Corinne et Jeannot », « La Jungle en folie », « Loup noir »…
Et même une reprise de « Docteur Justice » par François Corteggiani et Emanuele Barison.
De nouvelles créations et de nouveaux auteurs arrivent : Olivier Fiquet, Abel Chen et Richard Marazano, Sébastien Verdier et Pierre Christin, Mathilde Domecq, Fabrice Tarrin, Florence Cestac, Guillaume Bianco, Alfonso Font, Herlé, René Mazyn, Éric Ivars, Steve Baker, BenGrrr, Fred Neidhardt… En quelques mois, le nouveau rédacteur en chef construit un vrai journal… et non un catalogue pour futurs albums.
Il est aussi présent comme scénariste : « Forg » (saga post-atomique dessinée par Dominique Cèbe, dès le n° 2, compilée en trois tomes chez Comics Factory, de 2012 à 2013) et « Kid Franky » (pour René Mazyn, à partir du n° 5) — sous le pseudonyme Pujol pour ces deux titres) ou « Monster hôtel » (au n° 7, toujours pour Mazyn) dont un album sortira en 2009 chez Comics Factory…
Sans oublier la reprise des scénarios de « Pif le chien » avec Olivier Fiquet, BenGrrr, René Mazyn… Cependant, le réel succès rencontré par le journal à ses débuts s’érode au fil des mois. C’est un journal de 84 pages qui cesse de paraître en novembre 2008.
En 2005, Pif éditions lance l’éphémère Glop Glop ! destiné aux jeunes enfants et dont il est aussi le rédacteur en chef. Sous le pseudonyme de Marie Pujol, il écrit « La Famille Berlingot » : des récits complets en trois pages mis en images par Isabelle Rognoni.
Increvable, Pif revient en 2014 sous la forme d’un pavé trimestriel de 168 pages, et sous le titre Super Pif. François Corteggiani est de l’aventure, au poste de conseiller éditorial. Scénariste, il écrit des aventures de Pif le chien pour Olivier Fiquet, Richard Di Martino et brièvement Simon Léturgie,
mais aussi de Placid et Muzo pour Netch, tout enreprenant « Kid Franky » avec Herlé. Super Pif cesse de paraître en 2017, après la publication de neuf numéros.
Endettée, L’Humanité revend le titre en 2020 à l’ancien politicien des Républicains Frédéric Lefebvre, mais François Corteggiani ne participera pas aux conséquences de cette vente pour le moins curieuse.
La « méthode » Corteggiani
La plupart des scénaristes présentent le découpage de leurs histoires en deux parties distinctes : d’une part les textes qui figureront dans la planche, d’autre part la description des décors et des personnages.
Comme Raoul Cauvin, François Corteggiani présente — dans une page unique dessinée par ses soins — texte et découpage.
À la fin des années 1980, les nouveaux propriétaires des éditions Aventures et Voyages souhaitent renouveler le contenu de leurs petits formats.
Contacté, François Corteggiani propose « Tony Tchang » : série d’aventure classique destinée au dessinateur belge Jacques Géron.
Les documents présentés ici permettent de suivre le parcours, du synopsis au découpage. Hélas, après avoir fait ses comptes, l’éditeur abandonne le projet sur lequel travaillèrent d’autres scénaristes : Christian Godard, Patrick Cothias, Philippe Bonifay…
À de rares exceptions près, François Corteggiani a toujours utilisé cette méthode, qu’il s’agisse d’histoires comiques oude récits réalistes.
Un caractère bien trempé, généreux, et fidèle dans ses convictions, François Corteggiani — qui réside à Carpentras — imagine en 2005 les « Bistro BD » : un rendez-vous annuel au bistro-restaurant Le Jardin des glaces.
Il y invite une vingtaine d’auteurs à une rencontre conviviale et sans protocole.
La manifestation s’interrompt en 2012, après sept éditions.
Soutien de Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle, il publie un journal tiré à 85 exemplaires où il caricature en lapin l’avocat Hervé de Lépinau : le candidat du Front national.
L’homme porte plainte et le dessinateur est condamné en première instance à des amendes s’élevant à 7 500 €.
De procès en procès, épuisé, Corteggiani organise pourtant, enfin !, la huitième édition de ces rencontres en 2021.
Au printemps 2022, son frère Jean-Pierre, célèbre égyptologue, disparaît.
François Corteggiani décède brusquement le jour de ses 69 ans, laissant sans voix ses nombreux amis.
Infatigable globe-trotter de la bande dessinée et collectionneur impénitent, il était devenu un personnage incontournable, ne laissant personne indifférent.
Mais il était fier d’être un auteur populaire, fidèle à la bande dessinée classique, à ses journaux, à ses auteurs et à ses héros. Il laisse une œuvre immense, éclectique et riche.
Afin de compléter ces deux longs articles, sachez que deux périodiques très récents viennent de saluer sa prolifique carrière :
- le n° 9 de la nouvelle version de Pif et son gadget (daté de l’hiver 2022/2023) présente un hommage à François avec quelques reprises de ses travaux ;
- tandis que le n° 61 des Trésors de Picsou (daté du premier trimestre 2023) lui consacre un long passionnant dossier de 30 pages, avec de nombreux hommages et une réédition de « Mickey à travers le temps » : un récit de 15 pages dessiné par l’excellent Claude Marin.
Pour conclure, terminons par cette confidence faite à Gilles Ratier à propos de son métier dans un long entretien publié dans le n° 58 de Hop ! (2e trimestre 1993) : « C’est le bonheur, le bonheur total, tant mieux d’ailleurs, car, à raison de 12 heures par jour, ce serait malheureux que ce soit vraiment épouvantable. Parmi les santons de la crèche provençale, celui que je préfère c’est le ravi… le fada… Je crois que je suis un peu comme lui. »
Henri FILIPPINI
Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER
Merci, pour leurs divers coups de main, à Philippe Tomblaine, Fred Fabre et Gwenaël Jacquet
Enfin, notez que notre ami Jean-Luc Muller lui a aussi rendu hommage sur son blog (https://vaillant-film.
(1) Voir Décès soudain de François Corteggiani : le monde des « petits mickeys » sous le choc !.
(2) Voir Gomme ! : éphémère mensuel…
(3) Voir « Bastos et Zakousky » : une incontournable réédition en noir et blanc !.
(4) Voir Ramón Monzón, un talent oublié… (première partie) et Ramón Monzón, un talent oublié… (deuxième et dernière partie).
(5) Voir L’Envers des planches de… Jean-Yves Mitton.
(6) Voir Décès de Norma : l’hécatombe se poursuit en 2021….
(7) Voir François Bourgeon.
(8) Voir Lefranc : 70 ans, 33 albums… et des voitures !.
(10) Voir Pif le chien : histoire d’une tragédie éditoriale.
(11) Voir Sergio Tisselli : disparition d’un réel talent….
(12) Voir « L’Ange exterminateur » : la vengeance est un plat qui se mange glacial !.
Quel boulot, bravo !
Pour moi Corte, c’était du temps de Montmatre, de belles soirées !
Merci encore pour ces deux papiers remarquables !
un grand merci pour la mémoire du formidable Corté !
un complément : http://www.auracan.com/Interviews/204-interview-entretien-avec-francois-corteggiani-et-pascal-galode.html
belle année 2023 à toute l’équipe ! BHLG
Bel hommage…
À noter quel ses strips de Pif dans l’Huma auront le droit à une parution en livre cette année, à l’occasion des 75 ans de Pif. Ce projet initié il y a de nombreux mois par François sortira chez Original Watts : ces 500 meilleurs strips seront réunis dans un bel ouvrage pour lui rendre hommage
Bravo pour cet excellent résumé ! une petite erreur à corriger : Saïto se passe au Japon et non en Chine !
Merci pour cette précision de nouvel an : c’est corrigé !
Bien cordialement
La rédaction
Bonjour,
C’est un bien bel hommage que rend ici Henri Filippini à l’ami François Corteggiani. En tant que rédacteur en chef de « Pif Gadget » j’avais collaboré avec bonheur avec François, et j’avais été ravi qu’il nous propose « Marine », avec Pierre Tranchand. Mais contrairement à ce qui est écrit dans la première partie de cet hommage, je n’ai jamais été membre de la rédaction de « Mickey ». Après mon départ de « Pif », j »y ai publié quelques textes, c’est vrai, mais comme pigiste. Cette rectification, toute modeste, n’enlève rien à la qualité de cette rétrospective.
Cordialement.
Claude Gendrot
Salut Claude et merci pour cette précision : je corrige le texte d’Henri…
La bise, l’amitié et la bonne année, ainsi que le plaisir de te revoir bientôt !
Gilles RATIER
Deux excellents dossiers synthétisant le parcours de ce scénariste que je ne connais que peu.
tardivement, je l’ai surtout découvert avec la série « Lefranc ». Une réussite totale : avec Mission Antarctique, , l’ambiance et l’intrigue sont tellement prenantes qu’elles sont dignes d’un Blake et Mortimer. Peut-être même mieux que certains tomes faiblards de certains de ses repreneurs. Le cahier des charges de Jacobs est là : politique, science, méchants crédibles et sulfureux (ici Nazis), actions d’éclat, dynamisme,…
Ses autres Lefranc m’ont plus également, sans dépasse son premier, et j’attends impatiemment son prochain, posthume : parait-il intitulé Sur la route de Los Angeles, à paraitre en 2023.