Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« La Mémoire dans les poches T3 : Troisième partie » par Étienne Le Roux et Luc Brunschwig
Luc Brunschwig, scénariste aussi incorruptible qu’écorché vif — dont on attend avec impatience la prestation sur le prochain « XIII Mystery » (le tome 11 consacré à Jonathan Fly et dessiné par Olivier TaDuc) —, a mis pratiquement huit ans pour conclure cette superbe trilogie, dont le premier tome a été publié en juin 2006 (1). De bouleversantes visions personnifiées d’un père, d’une mère et de leur fils aimé : une famille française, apparemment sans histoire, prise dans les tourments de l’histoire du XXe siècle.
Ce dernier volet d’une fiction intimiste, inspirée par les événements du propre patrimoine familial du scénariste, nous livre les derniers secrets des Letignac, en témoignant plus particulièrement de la vie d’un enfant juif en Alsace, pendant l’occupation allemande.
Première précaution : relire les volumes précédents pour se remettre dans l’ambiance et se remémorer toute la richesse de cette saga. Deuxième conseil : ne pas hésiter à revenir en arrière au sein de ce troisième tome, le style de narration choisi sortant vraiment de l’ordinaire et pouvant déstabiliser. Beaucoup d’éléments s’entremêlent et le lecteur devra être assidu pour pouvoir interpréter les différentes scènes, à sa guise et juste mesure. Pourtant, malgré la complexité et la longueur du récit, l’amateur ne risquera pas pour autant de se perdre, car Luc Brunschwig sait parfaitement manier la narration graphique ; comme il a déjà pu nous le prouver dans des œuvres où, comme ici, l’épaisseur des personnages n’a d’égale que la portée politique ou sociale des intrigues. Citons, par exemple, « Le Sourire du clown » (voir Le Sourire du clown), « L’Esprit de Warren » (voir L’Esprit de Warren) ou « Le Pouvoir des innocents » et ses suites (voir « Les Enfants de Jessica » T1 ou « Le Pouvoir des innocents cycle 2 : Car l’enfer est ici T3 : 4 millions de voix » par David Nouhaud, Laurent Hirn et Luc Brunschwig).
Enfin, on appréciera aussi la minutie et le renouvellement continuel du graphisme, mais aussi de la mise en couleurs, d’Étienne Le Roux : dessinateur protéiforme, aussi influencé par des dessinateurs américains comme Richard Corben que par des Franco-belges comme Jijé, Moebius ou André Franquin : il a, lui aussi, toute notre admiration !
(1) Sur sa page Facebook, le talentueux scénariste explique que cet album « a failli me coûter mon envie d’écrire et la vie de façon plus prosaïque. L’album sur lequel j’ai implosé en vol à vouloir aborder des sujets qui, visiblement, n’avaient pas été (bien) digérés : la mort de mon père, le fait que je n’étais pas là lors de son décès, l’histoire de ma famille paternelle que je ne maîtrisais pas suffisamment et qui m’a pété à la gueule. Il aura donc fallu presque dix ans pour qu’Étienne et moi mettions le mot fin à cette saga… C’est peu dire que je suis impatient de vos retours, parce que c’est avant tout pour les partager avec vous que nous allons au bout de nos histoires. » Pour en savoir plus sur Luc Brunschwig, voir aussi Luc Brunschwig, le généreux.
« La Mémoire dans les poches T3 : Troisième partie » par Étienne Le Roux et Luc Brunschwig
Éditions Futuropolis (17 €) – ISBN : 978-27548-0339-7