Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Le Coup de Prague » par Miles Hyman et Jean-Luc Fromental
Basé sur un épisode aventureux de la vie de Graham Greene (1904-1991), ce roman graphique met l’accent sur sa visite à Vienne au cœur de l’hiver rude de 1948 – et non à Prague comme le titre pourrait le faire croire – pour nous permettre de suivre la genèse du « Troisième Homme » : classique du cinéma britannique réalisé en 1949 par Carol Reed. Afin d’étoffer la trame de son scénario, le célèbre romancier anglais (également journaliste, critique et dramaturge) aurait-il profité de l’occasion pour renouer avec son passé d’espion pour le MI6 pendant ces repérages ?
Il faut préciser que, divisée après la capitulation en quatre secteurs (américain, britannique, russe, français), tout comme Berlin, Vienne est alors un nid d’espions et une ville ouverte à la misère et au marché noir. Accueilli et guidé dans la capitale autrichienne en ruines par sa séduisante et énigmatique compatriote Elizabeth Montaigu, une ancienne actrice ayant travaillé pour les services secrets américains pendant la guerre, Greene, anarchiste plus ou moins alcoolique converti au catholicisme, cherche des ambiances, des nœuds narratifs et des personnages secondaires pour alimenter son idée de départ.
           Utilisant avec habileté d’une narration très littéraire, Jean-Luc Fromental (éditeur chez Denoël Graphic et coscénariste d’un prochain « Blake et Mortimer » qui sera dessiné par Antoine Aubin, avec son ami et collègue José-Louis Bocquet) fait de son héroïne, belle aristocrate rebelle, la narratrice de ce thriller psychologique sur fond de guerre froide.
Mêlant hypothèses probables et faits réels ou avérés — au même moment, les communistes tchèques parviennent en quelques jours à éjecter les ministres libéraux du gouvernement et à s’emparer des principaux leviers du pouvoir en Tchécoslovaquie (le fameux « Coup de Prague ») —, ce voyage aux motivations soi-disant artistiques de Greene est un récit romanesque aux tensions fortes et aux intrigues enchevêtrées, sublimé par le trait élégant et faussement classique du franco-américain Miles Hyman (1), lequel, une fois de plus, fait ici merveille…
(1) Sur Miles Hyman, lire sur Bdzoom.com : « La Loterie » par Miles Hyman, « Drawings » : l’art de Miles Hyman, PLUS DE LECTURES DU 26 MAI 2008, ou Matz sonne toujours deux fois !.
« Le Coup de Prague » par Miles Hyman et Jean-Luc Fromental