Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...Joan Boix : un maître espagnol inconnu en France !
L’étonnant travail graphique de l’Espagnol Joan Boix, reconnu pourtant comme l’un des maîtres des tebeos dans son pays natal, notamment en ce qui concerne la bande dessinée d’horreur, a rarement été traduit dans nos contrées. Il est enfin mis en valeur en France grâce aux éditions Mosquito, lesquelles viennent de publier « Robny clochard » (« Robny, el vagabundo » en espagnol) : un album qui compile divers courts récits mettant en scène un écrivain raté devenu l’un de ses marginaux sans domicile fixe qui traîne, de ville en ville, son regard acéré et néanmoins philosophe.
Le catalogue de cette petite maison grenobloise fait, d’habitude, plutôt la part belle aux auteurs italiens, mais pas que (1), puisqu’on y trouve aussi quelques pépites dues à d’autres dessinateurs d’origine ibérique comme le talentueux Ruben Pellejero (« Dieter Lumpen » ou « Le Captif ») : l’actuel dessinateur de « Corto Maltese », lequel fit, justement, ses premières armes, dans l’atelier de Joan Boix.
JoanBoix i Solà-Segalés est né à Badalona le 24 juin 1945. Il quitte l’école à l’âge de quatorze ans pour travailler à la mercerie de ses parents, passant son temps libre à dessiner des bandes dessinées.
Un an plus tard, il présente quelques échantillons de son travail, alors très influencé par la série d’aventures historiques « El Capitán Trueno » de Miguel Ambrosio Zaragoza, alias Ambrós, créée en 1956 aux éditions Bruguera.
Il devra cependant patienter jusqu’au 12 mars 1962 pour que ces dernières acceptent de publier ses premières histoires : « Un muchacho tímido », puis « El Despertar de una pesadilla », dans le magazine Sissi Juvenil, suivi par quelques westerns, policiers, récits de terreur (« Aunque le cueste creerlo » dans Pulgarcito) ou sentimentaux (pour la collection Heidi).
À la même période, il commence à travailler pour l’éditeur Toray : notamment pour des récits de guerre dans des périodiques comme Relatos de Guerra ou Hazañas Bélicas (en 1963) où il s’applique à respecter les codes graphiques de la série principale éponyme créée par Guillermo Sánchez Boix qui signait Boixcar.
Cependant, son attitude naturelle à développer son propre style contraint ses éditeurs à lui proposer des thèmes romantiques et des histoires pour les jeunes dans des magazines comme Azucena, Babette, Celia, Capricho, Lilí, Rosas blancas, Salomé, Serenata…
Au milieu des années soixante, il travaille simultanément pour les éditions Bruguera et Galaor, fournissant toujours le même type d’histoires pour jeunes filles en fleurs ou pour garçons amateurs de récits belliqueux, comme dans la collection Batallas decisivas de la humanidad (avec Vicksburg, Cannas ou Guadalete, dès 1964)
ou dans Ben-Hur (l’année suivante),
et même sur une adaptation de « OSS 117 ».
Et c’est d’ailleurs aussi pour Galaor qu’il créé, en 1968, sa première œuvre en tant qu’auteur complet : « La Tierra del Futuro », laquelle a malheureusement été interrompue par la fermeture de cette structure éditoriale.
Trois ans plus tôt, en 1965, il fonde un atelier de bandes dessinées dans sa ville natale : Boix Studio. Il y accueille et fait travailler (sur ces propres productions) des étudiants amenés à devenir des professionnels dans le dessin artistique, la peinture et la bande dessinée ; à l’instar de Ruben Pellejero, comme nous l’avons déjà mentionné.
Ensuite, Joan Boix produit d’innombrables autres histoires sentimentales pour le marché étranger (surtout pour l’Angleterre dans les revues Mirabelle ou Starlet, pendant au moins dix ans), par le biais des agences Bardon Art et Creaciones Ilustradas,
jusqu’à ce que, en 1971, alors qu’il est en constante évolution graphique, il décide de se spécialiser dans la bande dessinée dite « d’horreur ».
Dès 1971, ces courtes histoires sont publiées en Espagne dans Dossier Negro (« La Boda de Monique Egan » — traduit bien tard en France dans Fantastik —, « Penny » ou « La Cautiva de Zork », en 1976),
Terror Gráfico (en 1973), Spirit et S.O.S. (en 1975), Famosos Monsters del Cine, Rufus et Vampus (en 1976), Cimoc (en 1979)… ou dans Linus et Il Mago en Italie. Parallèlement, grâce à la contribution des dessinateurs qui fréquentent son atelier, il est toujours présent sur le marché britannique (dans le magazine 2000 AD, par exemple),
ainsi que dans le magazine allemand pour jeunes filles Tina, avec des récits comme « Audrey en het spinoza-septet » écrits par Otto Veenhoven (entre 1976 et 1977).
C’est pourtant à cette époque, bien qu’il ait déjà une carrière bien établie derrière lui, que Joan Boix décide de s’attaquer à des projets plus personnels, comme son « Robny, el vagabundo » traduit dans de nombreux pays (mais seulement aujourd’hui chez Mosquito, à la suite de la compilation publiée récemment en Espagne chez Dolmen) : « En 1975, j’avais écrit le premier script avec ce personnage que je considère un peu comme mon alter ego. Ce fût l’année où Franco est mort et je n’ai dessiné le premier épisode qu’un an plus tard, parpeur de la censure. », confie-t-il au site http://www.rtve.es.
En Espagne, cette série a d’abord été publiée, à partir de 1976, dans les revues Spirit et Senda del Cómic, avant d’être compilée dans deux livres de la collection Papel Vivo de De La Torre.
C’est alors que notre dessinateur, à l’instar de bien d’autres artistes espagnols tels que Carlos Giménez ou Fernando Fernández, se démène activement pour obtenir un véritable droit d’auteur sur ses créations en bandes dessinées, ne fournissant plus, aux éditeurs, que des photocopies à la place de ses originaux.
En 1982, il commence une autre série qu’il écrit et dessine seul (« Jonathan Struppy, el condenado del faro »), mais il n’en réalise que trois épisodes, en raison du nombre élevé de commandes américaines qu’il reçoit pour des séries internationales comme « Masters del universo », « She.Ra », « Jem », « Tara y Tobías », « Arsat », « Biggi »…
C’est à cette même époque que Joan Boix réalise également des adaptations littéraires pour la collection Joyas Literais Juveniles de Bruguera.
Profitant de l’explosion de la bande dessinée adulte en Espagne, Joan Boix signe fréquemment de courtes histoires fantastiques ou de science-fiction dans les magazines publiés par Josep Toutain, à partir de 1979 : dans 1984,
mais aussi, et surtout, dans le magazine d’horreur Creepy (notamment « ¿Qué era aquello? » en 1982, traduit par « Qu’est-ce que c’était ? » dans Thriller l’année suivante,
« Fronteras » en 1983, « Brumas », avec le scénariste Enrique Sanchez Abuli, en 1984,
« La Maldición del amuleto » d’après Howard Philips Lovecraft, en 1985…),
ainsi que dans Pánico (1983), Metropol et Rambla (1984), Totem el comix (1986) et La Judia verde (1987) : avec « Cabeza de turco » et « El solterón » en 1984, « Oremos, hermanas… » en 1986, « La Elección » et « La Doncella del lago » en 1987…
C’est aussi vers la fin des années 1980 que Joan Boix se diversifie encore en s’essayant à l’érotisme pour les magazines Comix Internacional ou Comikaze Erótico (en 1990) et que certains de ses courts récits sont traduits en français dans Fantastik(les onze planches du « Mariage de Monique Egan » au n° 13 de 1983
et les sept pages du « Testament » au n°29 de 1985),
dans Thriller(les trois planches du « Crapaud » au n° 8 de 1983
et les cinq pages de « Qu’est-ce que c’était ? » au n° 9 de 1983), dans Ère comprimée (les huit pages de « La Bêtise humaine » au n° 41, en 1986)
et dans Circus (les quatre planches de « La Vierge du lac » au n° 122bis de 1988).
Joan Boix travaille ensuite sur les séries « Barcelona es Bona » (pour El Drall en 1988), « Tara y Tobías » (pour les Pays-Bas, chez Oberon) ou « Mentalman », sur des scripts de José Antonio Rodríguez Heredero — alias Thon Rodher —, pour les éditions Dólar de Madrid, en 1991.
Entre 1989 et 1993, on le retrouve sur « Kerry Drake » et « Lefty Drake » publiés par la Semic Press. C’est d’ailleurs ce holding suédois qui le choisit, en 1993, pour poursuivre la célèbre série « The Phantom » (créée par Lee Falk et Ray Moore en 1936) dans leur magazine Fantomen. Il en réalise cinquante épisodes jusqu’en 2009, scénarisés pour la plupart par Claes Reimerthi, mais aussi par Ben Raab, Tony de Paul ou David Bishop.
En 1994, Joan Boix revisite de façon très classique le héros qui l’a amené à la bande dessinée (« El Capitán Trueno ») dans « ¡ Cita en Córdoba ! » édité par la Junta de Andalucía.
De 2006 à 2009, après avoir dessiné « The Heart of Darkness » (de 1994 à 1996),
il dessine la série pornographique « Sex Circus » pour le magazine Penthouse Comix.
On lui doit aussi quelques couvertures érotiques réalisées pour le marché italien (parfois en collaboration avec son fils Iván Boix).
Cependant, à partir de 2007, il trouve quand même le temps de reprendre, pour son propre compte, les aventures du gardien de phare Jonathan Struppy : un projet personnel (trois albums ont déjà été publiés aux éditions Boix) qui lui tient à cœur et qu’il avait entamé au début des années 1980.
Enfin, comme pour refermer une boucle du temps, il assume encore l’illustration d’une autre aventure d’El Capitán Trueno : « El Ultimo Combate », un scénario de Ricard Ferrándiz assez controversé par les aficionados nostalgiques (puisqu’il met en scène la mort du héros) publié chez Ediciones B, en 2010.
Maintenant, espérons simplement qu’après ce très beau « Robny clochard », d’autres bandes dessinées dues à Joan Boix seront rapidement traduites en langue française…
Gilles RATIER
(1) En effet, si leurs dernières parutions réhabilitent « L’Homme du Khyber » d’Attilio Micheluzzi (voir notre « Coin du patrimoine » sur cet auteur) et proposent des inédits de Lele Vianello (« Grand Nord ») ou de Stefano Casini (« La Lame et la Croix »), on peut trouver dans leur catalogue des perles dues à la Chinoise Zao Dao (« Le Souffle du vent dans les pins »), à la Hollandaise Capucine Mazille (« La Cachette des fées »), à l’Autrichienne Bettina Egger («À La recherche du monstre »), au Finlandais Hannu Lukkarinen (« Ronkoteus ») ou au Croate Danijel Zezelj, dont le nouvel ouvrage (« Starve ») est à paraître en mai, tout comme une curiosité due à Izquierdo, un auteur cubain : « Rosa de Habana ».
Passionnant ! Merci Gilles…
Par contre, si Joan Boix est reconnu des spécialistes j’affirme sans hésiter qu’il est inconnu du grand public et surtout en Espagne. Il suffit de voire la place accordée à la BD dans les librairies espagnoles ou à la FNAC, par exemple, et on comprend pourquoi la grande majorité des auteurs ibériques viennent dans l’hexagone. Un petit plus toutefois pour la chaine de magasins Corto engles où on a un peu plus de choix dans le 9ème art…
Merci pour tes félicitations mon cher Franck !
Oui, en effet, en Espagne, il n’est connu, je pense, que des professionnels et des spécialistes !
La bise et l’amitié
Gilles
Bravo pour cet article très complet. Je tiens à préciser que j’ai rencontré J.Boix au festival de Sollies, et c’est un homme réellement charmant. Comme il parle uniquement espagnol, les échanges sont forcément limités, mais la modestie et la gentillesse de ce grand dessinateur n’ont d’égales que sa constante bonne humeur et son application à faire plaisir à tous ceux venus lui demander un dessin.
Je viens de découvrir Boix par la seule BD disponible à Montréal (Québec). Robny clochard du même calibre que les oeuvres de Alberto Breccia à qui je voue un culte.
Merci pour la rétrospective.
Suzanne
Bonjour,
Je confirme la forte ressemblance des personnages et scènes de Boix et Breccia.
Dans Robny page 95 et dans Mort Cynder, Misrerix 736 et 737.
Les dessins des 2 bd sont superbes