Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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L’actualité disneyenne aidant, voici l’occasion de mettre en avant l’ouvrage « Corrado Mastanuono : The Art of » des éditions italo-françaises Pavesio, lequel développe une facette peu connue de cet excellent dessinateur transalpin : ses différents travaux autour des personnages de « Mickey » (« Topolino » en Italie), « Donald » (« Paperino » pour nos amis latins), « Oncle Picsou » (« Zio Paperone »), « Dingo » (« Pippo »), « Fantomiald »?
Cet ouvrage broché de soixante-quatre pages légendées en langue française, italienne, anglaise et espagnole, fait évidemment tout le tour de la carrière de l’artiste en proposant de nombreuses reproductions et dessins souvent inédits et en couleurs : et il tombe, en fait, plutôt bien, au moment où on apprend que les éditions Jacques Glénat viennent de signer, avec The Walt Disney Company France (en accord avec Disney Hachette Presse, joint-venture avec Lagardère qui continue d’éditer Le Journal de Mickey, Picsou Magazine et consorts), le retour de « Mickey » et « Donald » en librairie ! Nous assurant ainsi d’une future disponibilité, à partir du mois d’octobre prochain, de recueils et intégrales dus à leurs dessinateurs emblématiques : Carl Barks, Don Rosa, Floyd Gottfredson, Giorgio Cavazzano ou Romano Scarpa… ; en espérant qu’ils aient aussi pensé à en faire de même avec le fabuleux travail de Corrado Mastantuono(1).
Notre crainte qu’ils oublient cet auteur (plus connu, dans le reste de l’Europe, pour ses séries réalistes) est d’autant plus justifiée qu’il a été, jusqu’à présent, peu édité en France : même si un effort a été fait du côté des Humanoïdes associés avec sa série de fantasy « Elias le Maudit » (trois tomes entre 2004 et 2007) et de chez Clair de Lune avec la traduction d’un volume du western « Tex » (voir : bdzoom.com/article3761) et d’un autre du polar « Nick Raider » (voir bdzoom.com/article4086) ; le trait précis mais très original de Mastanuono (qui n’est toutefois pas sans parenté avec celui de l’Espagnol Jordi Bernet ou de l’Italien Ivo Milazzo ; voir à son sujet notre « Coin du patrimoine » ) étant peut-être un handicap pour les lecteurs francophones qui ont toujours eu une réticence envers ce genre de graphisme…
Né à Rome, le 20 décembre 1962, Corrado Mastanuono revendique d’ailleurs, outre celles que nous venons de citer, de nombreuses influences graphiques ; tant sur le plan de l’humour (Romano Scarpa, Giorgio Cavazzano, Giovan Battista Carpi, Benito Jacovitti, André Franquin, Quino, Magnus, Jean-Jacques Sempé, Carlos Nine, Albert Uderzo, Andrea Pazienza…) qu’au niveau du réalisme (John Romita Jr, Milo Manara, Alberto Breccia, Cacho Mandrafina, Sergio Toppi, Jorge Zaffino, Moebius alias Jean Giraud…) : « Á maintes reprises, il y a des auteurs qui ont violé mon imagination et, chaque fois, j’ai perdu la tête », s’exclame-t-il, comme pour le démontrer, en préambule de l’ouvrage des éditions Pavesio !
Après avoir obtenu un diplôme auprès de L’Instituto Nazionale per la Cinematografia e la Televisione, ce jeune illustrateur travaille d’abord, à partir de 1980, en tant qu’animateur pour des dessins animés, sous la houlette de Niso Ramponi : une activité qui le forme professionnellement, mais dont il va vite se détacher pour se lancer dans la bande dessinée, en 1989.
Dès l’année suivante, il débute, avec la série de science-fiction « Cargo Team » dans le n°92 de la revue l’Eternauta : un magazine historique italien appartenant au même éditeur que le non moins célèbre Comic Art (pour lequel il réalisera aussi diverses histoires, entre 1991 et 1994) et publiant surtout des séries sud-américaines dont il apprécie le dynamisme, la rapidité d’exécution et le réalisme : des qualités que l’on retrouvera, d’ailleurs, dans le reste de son oeuvre dessinée, que celle-ci soit humoristique ou réaliste !
Toujours en 1990, il commence à collaborer avec Walt Disney Italia. Présenté et parrainé par le vétéran Giovan Battista Carpi, c’est pour lui le début d’une activité frénétique qui aboutira à ce qu’il soit aujourd’hui reconnu comme l’un des auteurs les plus appréciés de l’empire Disney en Italie ! Il a d’ailleurs déjà réalisé plus de cent histoires écrites par Fabio Michelini, Francesco Artibani, Gianfranco Cordara, Tito Faraci, Aldo Costa, Nino Russo, Ennio Missaglia, Bruno Sarda, Carlo Panaro, Nino Russo, Alessandro Sisti, Giorgio Pezzin, Antonella Pandini, Luca Raffaelli, Lello Arena, Rudy Salvagnini, Alessandro Sisti, Riccardo Secchi, Fausto Vitaliano, Alberto Savini, Massimo Marconi…, ou par notre Francois Corteggiani national.(2)
Si sa première collaboration est une histoire humoristique d’« Oncle Picsou » publiée dans le n°1805 de Topolino (« Zio Paperone e l’unica giovialità », un scénario de Fabio Michelini), il créera même, en assumant dessins et scénarios, un personnage récurrent dans l’œuvre disneyenne italienne : « Bum Bum Ghigo », cynique canard grincheux qui apparaît pour la première fois dans une histoire de « Donald » (« Paperino e la macchina della conoscenza », au n°2172 de Topolino, en 1997). De ce fait, viendront bien d’autres aventures de « Bum Bum Ghigo » qu’il s’écrit pour lui-même(3) ou pour les dessinateurs Stefano Intini, Enrico Faccini, Andrea Freccero et même Giorgio Cavazzano !
Enfin, il se fait une spécialité en signant de nombreuses couvertures des magazines édités par la Walt Disney Italia, comme Topolino, Minni & company, Giovani Marmotte, MM (Mickey Mouse Mistery Magazine),Topolino Sport ou PK (Paperinik New Adventures), avant de réaliser le même genre d’exercice pour bien d’autres éditeurs…
À partir de 1993, il revient avec bonheur au genre réaliste pour les fumettis de Sergio Bonelli Editore, en réalisant, sur scénario de Claudio Nizzi, « Un Uomo nel Mirino » (paru en juillet 1994)(4), s’affirmant ainsi comme l’un des meilleurs dessinateurs de la série « Nick Raider » dont il produit également toutes les couvertures entre les numéros 100 et 200, le dernier de la série.
En 1995, il est choisi pour concevoir une nouvelle élaboration graphique de l’effigie du « Yellow Kid », le symbole de la maison d’édition Comic Art de Rinaldo Traini. Cela scelle son union avec les éditions Comic Art qui lui publie « Il Teatro del Assurdo », un recueil de ses d’illustrations ironiques et mordantes.
Après la déconfiture de cet éditeur, il intensifie sa production pour Bonelli, ce qui aboutit, en novembre 1997, à une reprise talentueuse et très professionnelle du cinquième épisode de « Magico Vento » (scénarios de Gianfranco Manfredi). Il en dessinera trois autres (en juillet 1999, en décembre 2000 et en novembre 2002) et dessinera toutes les couvertures de la série, à partir du n°76 d’octobre 2003(5). Mais Sergio Bonelli lui démontre surtout sa confiance en lui proposant de dessiner le n°21 du Speciale Tex (l’annuel, confié à un autre illustrateur que celui qui est préposé à la série régulière, du célèbre western « Tex »)(6), en juillet 2007 : « Il profeta hualpai », scénario de Claudio Nizzi. Par la suite, il dessinera même deux épisodes du mensuel : les n°583 et 584 de mai et juin 2009 (scénarios de Mauro Boselli).
En août 2009, il se consacrera aussi au dessin et au scénario d’une histoire d’un autre célèbre héros de la même maison d’édition milanaise : « Dylan Dog » (il s’agit du n°3 des semestriels en couleurs Dylan Dog Color Fest).
Il collabore aussi avec l’autre grand éditeur de fumetti (Edizioni IF) en dessinant quelques couvertures et épisodes d’« Il grande Blek » (« Blek le roc »), entre 2002 et 2008 ; mais aussi d’« Akim » (d’août 2003 à février 2004) et de « Miki » (oui, oui, le célèbre « Miki le ranger »), de décembre 2003 à août 2009.
Enfin, il faut aussi souligner, qu’en 2004, il aborde le marché français avec la parution, aux Humanoïdes Associés, du premier tome d’« Elias le Maudit », série dont le passionnant scénario est signé Sylviane Corgiat : une quête magique dans un monde plein de surprises qui est publiée, en Italie, par Vittorio Pavesio Edizioni (l’éditeur de ce « Art of »).
Il faut même espérer que d’autres éditeurs français vont s’intéresser prochainement à son dessin, à l’instar des éditions Soleil qui avaient entamé avec lui, en 2006, un projet de péplum resté sans suite…
D’autant plus que, même si elles sont souvent très incomplètes, la plupart des nombreuses notices biographiques de Corrado Mastantuono que l’on trouve sur le Net(7) font bien remarquer que son hyper-productivité et son talent ont fait de lui un dessinateur capable d’obtenir d’excellents résultats dans un panel de genres très divers ; et qu’il est devenu, en peu de temps, un auteur complet qui a évolué aujourd’hui vers la maturité et l’indépendance stylistique…
GILLES RATIER, avec Christophe Léchopier (dit « Bichop ») à la technique
(1) Outre ses grands noms, espérons que les éditions Glénat n’oublieront pas d’autres illustrateurs peut-être moins connus que ceux qu’ils annoncent mais qui ont réalisé de formidables histoires avec ces personnages : tels le Hollandais Daan Jippes et le Français Claude Marin (voir « Le Coin du patrimoine » que nous leur avons déjà consacré : bdzoom/article3519 et bdzoom/article3788), ou encore le Canadien William Van Horn, les Italiens Pierlorenzo De Vita, Luciano Bottaro, Giovan Battista Carpi ou Alessandro Barbucci, le Chilien Vicar, le Danois Flemming Anderen ou les Américains créateurs graphiques de « Mickey » et « Donald » que sont Ub Iwerks, Win Smith et Al Taliaferro, sans oublier l’extraordinaire saga franco-belge « Mickey à travers les siècles » due au scénariste Pierre Fallot et aux dessinateurs Tenas puis, surtout, Pierre Nicolas !
(2) Il n’est pas facile d’établir la liste de tous les épisodes disneyens signés par notre dessinateur et traduits en France : le contenu des revues éditées par Disney Hachette Presse n’étant guère dépouillées par les amateurs (ni même par l’éditeur, d’ailleurs) ; signalons toutefois l’existence de « Le Sapin enchanté » (un épisode de dix planches avec les « Castors juniors », scénarisé par Nino Russo) dans le n°2352 du Journal de Mickey en 1997, de « Fantomiald et le racket des impôts » (scénario de Giorgio Pezzin) dans le n° 221 de Mickey Parade (mai 1998) et de « Mickey et le fleuve du temps » (scénario de Francesco Artibani et Tito Faraci) dans le n°241 de Mickey Parade, en 2000… Mais il doit y en avoir bien d’autres !
(3) À noter que dans le numéro 2501 du 4 novembre 2003 de Topolino (Le Journal de Mickey italien) Corrado Mastantuono, dans « Bum Bum e l’artista liberato », confronte Bum Bum Ghigo, Donald et Géo Trouvetout à un jeune homme à la houppe nommé Denden, et à son chien Piciou. D’autres personnages défilent comme le capitaine Hadciuk commandant du bateau « Hergé », les détectives Dipent et Dipend et le professeur Girasole.
(4) « Magico Vento » est traduit en France sous le titre « Esprit du vent », aux éditions Mosquito, depuis juin 2007. Mais, dans un premier temps, Michel Jans et ses amis ont privilégié les épisodes dus à Pasquale Frisenda, l’excellent dessinateur régulier de la série, et à Ivo Milazzo dont ils proposent déjà une partie de l’œuvre à leur catalogue. Cependant, nous avons quand même droit aux magnifiques couvertures de Corrado Mastantuono !
(5) Deux autres épisodes sont parus en août 1996 et en juin 1998 (ce dernier étant scénarisé par Gianfranco Manfredi), et les trois sont repris dans le spécial 360 pages « Nick Raider section criminelle » édité par Clair de lune, en décembre 2009.
(6) Ce sont ces deux cent vingt-quatre pages que propose « Le Prophète Hualpai », ouvrage publié par Clair de lune en janvier 2009, avec une courte mais très intéressante interview de Mastantuono par Gianmaria Contro, où l’auteur s’épand sur ses souvenirs cinématographiques et télés de jeunesse (essentiellement les productions Walt Disney, « Titi et Grosminet », « La Panthère rose » ou les westerns spaghettis et hollywoodiens).
(7) Le mieux est de se connecter directement à son site officiel : http://www.corrado-mastantuono.com. On y trouvera, d’ailleurs, la liste complète de tous ses travaux réalisés pour l’Italie !
«Il n’est pas facile d’établir la liste de tous les épisodes disneyens signés par notre dessinateur et traduits en France : le contenu des revues éditées par Disney Hachette Presse n’étant guère dépouillées par les amateurs (ni même par l’éditeur, d’ailleurs)»
Bonjour,
merci pour cet article sur des auteurs virtuoses bien méconnus.
Les Bd disney sont recensées dans une base mondiale : http://coa.inducks.org/ – une référence !
Vivement les albums Glénat…!
Spike.
Merci pour votre précision !
Hélas, je ne suis pas du tout sûr que Glénat ait prévu de publier les histoires dessinées ou scénarisées par Corrado… C’était simplement une suggestion dont il tiendront compte… ou pas !
Encore merci !
Cordialement
Gilles Ratier
Merci, Gilles, pour cet article sur Mastantuono, un des très rares dessinateurs (avec Daan jiipes) à pouvoir TOUT faire!!!
Je suis très jaloux de son talent, et je me demande pourquoi il est pas aussi connu qu’il devrait…
Je me permets de mettre un link vers ton article sur le forum espagnol Artboxforum.com http://www.artboxforum.com/artbox4/viewtopic.php?f=5&t=2775&p=461319#p461319
Bises,
JoseLuis Munuera
It’s a great artist with broader appeal. I really love his depiction of the world. Speaking about this art of comix I can say that I read lots of them found by picktorrent search, but only few possess the power to get me interested and really touch my mind and soul. Your are such, for that I’m grateful to you.