Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Les Schtroumpfs » de Peyo
Tout le monde connaît l’histoire ou, du moins, presque tout le monde : lors d’un repas, Peyo (pseudonyme de Pierre Culliford, né le 25 juin 1928 à Bruxelles), ayant du mal à trouver ses mots, aurait demandé à André Franquin (le plus célèbre dessinateur de « Spirou » (1) et le créateur de « Gaston Lagaffe ») une salière qu’il aurait appelé un schtroumpf, prononçant alors ces mots historiques : « Passe-moi le? schtroumpf ! ».
Et Franquin de lui répondre illico : « Le voilà ton schtroumpf » ! La conversation se serait ensuite poursuivie en langage schtroumpf pendant tout le repas. En rentrant chez lui, Peyo se serait dit qu’il allait appeler ainsi des personnages qu’il venait de créer, et qu’en plus ils parleraient schtroumpf.
La première apparition de ces lutins bleus à bonnets blancs (2) fut dans une aventure de « Johan et Pirlouit » que les éditions Dupuis rééditent aujourd’hui dans « Brigands et malandrins », le troisième tome de l’intégrale qui leur est consacrée (3): « La Flûte à six trous ». Cette histoire a été prépubliée dans l’hebdomadaire Spirou (du 8 mai 1958 au 15 février 1959) et son titre, lors de la parution en album l’année suivante, se transforma en « La Flûte à six Schtroumpfs ». Par la suite, « Johan et Pirlouit » viendront encore rendre visite aux « Schtroumpfs » dans les épisodes « La Guerre des 7 fontaines », « Le Pays maudit » ou « Le Sortilège de Maltrochu » puis, après le décès de Peyo (le 24 décembre 1992), dans « La Horde du corbeau » et « La Nuit des Sorciers ».
Cependant, dès le 25 juillet 1959, « Les Schtroumpfs » vont vivre leurs propres aventures dans Spirou, d’abord sous la forme de mini-récits (petits albums de 48 pages chacun, à monter soi-même) puis dans des histoires complètes ou à suivre, de plus longue haleine, à partir du 4 avril 1963. Tout le monde connaît la suite ou, du moins, presque tout le monde (voir le début de cet article) : très rapidement, le succès des « Schtroumpfs » s’impose au-delà des frontières de la Belgique et de la France. Dès 1959, le cinéma d’animation s’empare des petits héros de Peyo : neuf courts métrages, sous la houlette de Maurice Rosy (4), verront le jour dans les studios de TVA Dupuis (Tévé-Animation) et, en 1975, la société Belvision en fait les héros d’un long-métrage d’après « La Flûte à six Schtroumpfs ». Trois autres longs métrages suivront et connaîtront le même succès ; alors qu’en 1981, les studios américains Hanna-Barbera entreprennent la réalisation d’une longue série de téléfilms (256 épisodes) diffusés dans le monde entier.
Ce triomphe télévisuel planétaire s’accompagne alors de millions de produits dérivés (figurines, peluches, jouets…, sans parler du parc d’attraction « Walibi-Schtroumpf » qui ouvre ses portes en 1989, près de Metz), lesquels viennent alimenter ce véritable phénomène de société.
Pour faire face à ce spectaculaire développement, deux sociétés sont alors fondées en 1984 par les enfants de Peyo : I.M.P.S., qui est chargée de la gestion des droits dérivés et dont la fille (Véronique) est à la tête, et Cartoon Création, qui gère toute la production graphique et l’édition (Peyo ayant quitté les éditions Dupuis en 1989). C’est cette dernière, dirigée par Thierry Culliford (donc, le frère de Véronique), qui va lancer le mensuel Schtroumpf (où vont être publiés bon nombre d’inédits) en novembre 1989, et ça, tout le monde ne le sait pas !!! (5)
Ce que tout le monde sait encore moins c’est que parmi les nombreuses nouvelles histoires des « Schtroumpfs » proposées dans ce magazine, certaines étaient scénarisées par de grands noms du 9e art tel Tome (le scénariste du « Petit Spirou »). Le complice habituel de Janry avait eu la commande de deux mini-épisodes (au départ, des synopsis pour les dessins animés), dont un seul fut publié au n° 6 de 1990, dans une version remaniée par le studio Peyo : « Le Petit Train des Schtroumpfs », un récit de huit planches (reprises dans l’album « L’Étrange Réveil du Schtroumpf paresseux », en 1991) plus particulièrement dessiné par Alain Maury.
En fait, Peyo songeait depuis de nombreuses années à créer un journal à l’enseigne de ses petits personnages ; mais devant le scepticisme de son épouse et collaboratrice préférée (la coloriste Nine), il laisse son fils, beaucoup plus enthousiaste, s’occuper de tout ! Après un essai de maquette peu satisfaisant réalisé par une équipe parisienne spécialisée dans la presse enfantine, Thierry Culliford s’adresse alors au vieux camarade de son père : l’ancien rédacteur en chef de Spirou Yvan Delporte. Mais le projet traîne et, finalement, c’est Jean-Claude de la Royère, scénariste occasionnel de son ami Frédéric Jannin avec lequel Thierry réalisa « Germain et nous », qui définira la ligne directrice et esthétique du magazine ciblé pour les plus jeunes lecteurs conditionnés par les dessins américains d’Hanna-Barbera.
Comme Peyo, qui a déjà pris un terrible coup de vieux, souffre de plus en plus des désagréments que lui provoque son diabète, le studio (alors composé de Daniel Desorgher, José Grandmont, Philippe Delzenne, Jean-Luc Van de Walle et Maurice Hendrickx) est obligé de se renouveler et embauche, en plus, deux nouvelles recrues en vue de la création du journal : Alain Maury et Bernard Swysen. Ils seront rejoints, par la suite, par Éric Closter et Frank Brichau ; car si Peyo a manifestement voulu se faire plaisir en réalisant un rêve de gosse, il n’a plus l’énergie nécessaire pour soutenir seul le projet… Pourtant, après de longs mois de gestation, le n° 1 de Schtroumpf sort enfin en kiosque, le 18 octobre 1989, tiré à 100 000 exemplaires.
Hélas, le contexte n’est guère souriant pour la bande dessinée et la presse enfantine en général : si 75 000 exemplaires finissent par s’écouler grâce à l’effet de nouveauté, les ventes chutent rapidement à 10 000 exemplaires, voire encore moins en ce qui concerne le 34e et dernier numéro paru pendant l’été 1992 ! En plus, Cartoon Création avait tenté de rentabiliser le matériel publié dans la revue en constituant quatre petits livres pour enfants, un recueil de jeux et deux nouveaux albums réalisés avec ces histoires de huit pages mises bout à bout, ceci sous sa propre marque, de 1990 à 1991. Subissant directement des problèmes de distribution et de gestion des stocks qu’elle ne maîtrise pas, Cartoon Création est intégrée par la holding Schtroumpf, en 1992, et cesse son activité d’éditeur : confiant les nouvelles aventures de nos petits personnages bleus aux éditions du Lombard (6).
Pourtant, le mensuel Schtroumpf ne manquait pas d’attraits avec ses pages de jeux dus à Dédé, Tome, Janry, Éric Adam…, ses planches éducatives et petites histoires amusantes mises en images par Francis Carin, Malik, René Follet, Christian Lamquet, Arno, Jean-François Charles, Carine De Brabanter, André Geerts, Marc Wasterlain, Dupuy & Berberian, Pascal Lemaître, Gilles Bachelet, Spock, Jean-Marie Winants, Tony Wolf… (et traduites, quand besoin était, par Sergio Salma), ses savants bricolages à découper, ses contes du Grand Schtroumpf racontés par Yvan Delporte et illustrés par Michel Matagne et Michel Leloup (des anciens du studio Belvision), ou avec des petits trésors ignorés, à tort, par les exégètes du 9ème art ! En effet, outre les historiettes des « Schtroumpfs », on pouvait y trouver, par exemple, la reprise de deux autres héros de Peyo par le studio : « Pierrot et la lampe » (7) et « Poussy ».
Il y avait aussi, en alternance, des bandes dessinées inédites de deux ou quatre planches : « Le Journal de Stéfi » par Grazia Nidazio (à partir du n°2), « La Bande des Quatre Vents » par Alec Séverin et Yvan Delporte (à partir du n°3), « Titus & Linus » par Set (à partir du n°5), « Le Coin de Coin-Coin » par Watch et Pévé (à partir du n°8), et même, à partir du n°29 de 1992, sous l’impulsion du nouveau rédacteur en chef (Thierry Joor, ancien libraire devenu aujourd’hui directeur littéraire aux éditions Delcourt), « Petits Contes noirs » de Frank Le Gall et « Garance » de Claire Wendling et Christophe Gibelin.
Fin 1992, les éditions de Tournon tenteront une nouvelle formule plus light avec uniquement quelques « Schtroumpferies » qui dureront 15 numéros : sans plus de succès ! Même son de cloche et même punition pour les deux autres résurrections du journal : 11 numéros de 1998 à 1999 puis, de 2005 à 2008 sous le nom du bimestriel Schtroumpf Mag qui connut 22 numéros publiés par Cyber Press Publishing avant que ces derniers soient rachetés par le groupe Panini.
Gilles RATIER
(1) Signalons que les éditions Dupuis poursuivent du même coup la remarquable intégrale de « Spirou et Fantasio » par André Franquin, dont le tome consacré à ses premiers démêlés avec Zorglub vient de paraître simultanément : ce dernier contenant toujours de nombreux documents peu connus ou inédits et un dossier passionnant dû à la plume d’Alain De Kuyssche.
(2) En fait, Peyo avait depuis longtemps l’idée d’utiliser de drôles de petits lutins puisque, animateur débutant au studio C.B.A. en 1945, il travailla principalement à un projet de court métrage intitulé « Le Cadeau à la fée », qui resta inachevé, mais où apparaissent des petits personnages aux faux airs de « Schtroumpfs ». Pour en savoir plus, lire l’excellent ouvrage « Morris, Franquin, Peyo et le dessin animé » de Philippe Capart et Erwin Dejasse, paru en 2005 aux éditions de l’An 2.
(3) Cet ouvrage, comme les précédents, contient également une vingtaine de pages, sur la série, concoctées par le même Alain De Kuyssche qui a agrémenté son travail d’historien avec des récits et images adéquats et souvent seulement connus des spécialistes. Un plus non négligeable pour vous engager à acheter ce recueil indispensable qui contient aussi d’autres épisodes où Peyo est manifestement en pleine possession de son art : « La Flèche noire » et « Le Sire de Montrésor ». Pour en savoir plus sur Peyo, lire aussi le précédent « Coin du patrimoine » qui lui a été consacré : http://bdzoom.com/spip.php?article3545.
(4) Voir le « Coin du patrimoine » où Maurice Rosy raconte cette étonnante expérience (http://bdzoom.com/5866/patrimoine/le-coin-du-patrimoine-bd-maurice-rosy/).
(5) Pour en savoir plus sur ce sujet et sur l’œuvre de Peyo, nous ne pouvons que vous conseiller de lire la très intéressante monographie réalisée par Hugues Dayez aux éditions Niffle en 2003 : « Peyo l’enchanteur ».
(6) Une décision salutaire puisque « Les Schtroumpfs » viennent de connaître leur 27e album (toujours publié sous l’égide du Lombard qui l’a tiré à pas moins de 120 000 exemplaires) : « Schtroumpfs Les Bains », dessiné par Pascal Garray et scénarisé par Alain Jost et Thierry Culliford.
(7) Un recueil de ces histoires en quatre pages, souvent dessinées par Éric Closter, fut également édité par Cartoon Création en 1991. À noter que les trois premiers épisodes de « Pierrot et la lampe » avait été créés par Peyo, certainement vers 1962, pour le magazine publicitaire Bonux Boy avant d’être repris dans Spirou en 1965 et 1966.
enfin un article clair, chronologique et complet sur les schtroumpfs!
un grand bravo au rédacteur et au metteur en page : ça c’est du bon boulot!
Oui,oui, un des plus grands auteurs de la BD…
Je recommande chaudement le livre Peyo et moi, remarquable, qui m’a aidé à mieux connaître un artiste qui a bercé mon enfance….en passant, merci à Franquin qui a trouvé le nom des schtroumpfs..un autre génie aussi.
je trouve ce site extra schtroumpf !!!
je lis encore les schtroumpfs a l’age de 12 ans et ca me passionne je suis par contre extrement triste qu’il n’yest pas d’autrew ouvrages ce serait schtropumpf d’arreter la bon baaaaa je vous laisse y schtroumpfer 2 fois et surtout bravi a tous ses genies comme peyo !!!