« Michel et Thierry » par Arthur Piroton et Charles Jadoul

Les éditions Hibou, dirigées avec passion par le Belge Marc Impatient, nous proposent, depuis déjà de nombreuses années, quelques classiques oubliés car jamais ou rarement compilés en album. Ainsi, après des inédits de « Dan Cooper » d’Albert Weinberg, les histoires vraies d’Yves Duval, les longues aventures de « Teddy Ted » de Gérald Forton et Roger Lécureux, des incunables de Dino Attanasio (« Modeste et Pompon », « Johnny Goodbye », « Ambroise et Gino » et, tout récemment, un champêtre « On a volé Valentine » scénarisé par Lucien Meys et paru, à l’origine, dans le magazine Line des éditions du Lombard, en 1954), l’intégrale des « Bobo » et des « Krostons » de Paul Deliège (en attendant la reprise de son délirant « Trou du souffleur ») et des « Lieutenant Burton » ou « Jack Diamond » (et bientôt « Harald le Viking ») de Liliane et Fred Funcken, voici celle des « Michel et Thierry » par Arthur Piroton et Charles Jadoul(1) : en commençant par trois épisodes jamais réédités en albums : « Michel et Thierry et le boutefeu », « La Clinique du docteur Leeuwenberg » et « Les Saint-Bernard du toit du monde », parus dans le journal Spirou, entre 1964 et 1966.

             Quatre-vingt-huit pages en couleurs ou en bichromie d’époque accompagnées d’un solide dossier sur le dessinateur de la série, Arthur Piroton (né à Vien, dans la commune d’Anthisnes en Belgique, le 4 juin 1931 et décédé à Anthisme, le 22 janvier 1996)(2) ; dossier concocté par l’érudit Louis Cance, le maître d’œuvre de l’indispensable revue Hop !.

            À leur lecture (ou relecture pour les plus anciens), on ne peut que constater que ces aventures, situées dans le milieu de l’aéromodélisme, n’ont rien perdu de leur charme d’antan. Par ailleurs, la série « Michel et Thierry » témoigne parfaitement de la réelle importance que donnaient les éditions Dupuis à l’idée de s’instruire en s’amusant. D’ailleurs, pendant des années, elles ont confié l’animation d’articles techniques et la réalisation de nombreux récits complets ou de longues sagas d’aventures documentés àla World’s Presse dirigée par Georges Troisfontaines.            Ce rusé et bouillant publicitaire n’a jamais eu de cesse de s’immiscer dans la politique éditoriale de Spirouet de flatter particulièrement leur volonté éducative : ceci afin de mieux rentabiliser son fonds d’auteurs et d’écouler sa production didactique dont « Les Belles histoires de l’Oncle Paul » n’étaient que la partie émergée de l’iceberg. Troisfontaines avait très vite compris que si créer une série rapportait peu, il était infiniment plus rémunérateur de prendre un pourcentage sur une quinzaine d’auteurs qu’il ne lui restait plus qu’à « manager », le plus efficacement possible.

Illustration d'Arthur Piroton pour un roman paru dans le n°1906 de Bonnes Soirées, en 1957.

C’est d’ailleurs ainsi qu’Arthur Piroton, qui fut pendant près de quarante ans l’un des piliers des éditions Dupuis, débute !

Ceci après avoir suivi, sur les conseils d’Hergé, les cours de dessin par correspondance de l’école ABC, publié sa première bande dessinée dans le quotidien belge La Cité (« Le Crime de Tolumont », en 1950), effectué son service militaire et réalisé deux histoires pour Pat, journal catholique de la Fédération Nationale des Patronages qui s’alimentait, habituellement, avec les bandes dessinées qui paraissaient dans l’hebdomadaire français Cœurs Vaillant : La Piste du loup » et « L’Atlantide », en 1955.

Curieusement, ces dernières sont signés Raoul de Villens : un pseudonyme ou le nom du scénariste ?

« Le Crime de Tolumont », en 1950.

Illustration parue dans le n°33 de Risque-Tout, en 1956.

Dès l’année suivante, il se présente donc aux éditions Dupuis qui s’apprêtent à lancer un nouveau magazine qui va s’adresser à un public un peu plus âgé que celui de Spirou : Risque-Tout (en langue française) ou Sprint (pour les Néerlandais) : « Il y avait un souci de vulgarisation dans le rédactionnel, surtout du côté scientifique : je me souviens d’articles que j’ai illustrés ayant pour titre « Nous vivrons dans un thermos » ou « Les Futures stations orbitales »… Nous dessinateurs, faisions les illustrations suivant les goûts et les possibilités que nous avions de les réaliser ».(3)

Illustration d'Arthur Piroton pour un roman paru dans le n°1911 de Bonnes Soirées, en 1957.

C’est Troisfontaines qui, ayant la nostalgie du grand format des journaux d’avant-guerre, a réussi à leur imposer ce journal qui va se composer, du moins dans sa première formule, de huit pages couleur de bandes dessinées de 29 x 40 centimètres et d’un supplément scientifique ou d’actualités qui représente la surface de deux pages d’un quotidien (40,5 x 58,5 cm), recto-verso.

Les Dupuis prêtent leurs meilleurs dessinateurs qui réalisent, pour l’occasion, des aventures très courtes (de seulement quatre pages)

Illustration pour Spirou.

avec leurs principaux héros, mais confient la rédaction du journal à un certain Maurice Rosy, choisi parmi la nouvelle équipe de base qu’ils emploient, désormais, pour faire fonctionner Spirou; ceci afin de renforcer l’importance de cette dernière cornaquée par le nouveau rédacteur en chef de l’hebdomadaire de Marcinelle (Yvan Delporte, dont Rosy est un ami proche) et de décharger la World’s Presse de sa prépondérance éditoriale.

Illustration d'Arthur Piroton pour un roman paru dans le n°1913 de Bonnes Soirées, en 1958.

            Toutefois, comme le rédactionnel nécessite le concours de nombreux illustrateurs, un bureau de dessin, composé de nouvelles recrues (dont Arthur Piroton), est créé à Bruxelles, dans les locaux de la World’s.

Si, manifestement, Risque-Tout est un échec (l’aventure ne dure qu’à peine un an, le temps de cinquante numéros), l’atelier, toujours sous la houlette de Maurice Rosy, est maintenu.

Il va servir, surtout, à alimenter les illustrations des articles, nouvelles et romans parus dans les autres hebdomadaires des Dupuis (Bonnes Soirées et Le Moustique) et effectuer les divers travaux de lettrage, coloriage, remontage et mise en page de Spirou ou de leurs nouvelles collections, notamment Les Gags de poche et Les Merveilles de la vie.

Illustration d'Arthur Piroton pour un roman de Charles Jadoul alias Cary Page, paru dans le n°1924 de Bonnes Soirées, en 1958.

            Pendant six années, jusqu’au 16 avril 1962, Arthur Piroton (et bien d’autres jeunes dessinateurs débutants comme Jean Roba, Paul Deliège, Eddy Ryssack, Serge Gennaux, Louis Salvérius, Willy Lambil, Marcel Denis, Marcel Remacle, Charles Degotte, Jamic…, puis, un peu plus tard, Raoul Cauvin, Guy Bollen ou Turk et Bob de Groot) va s’initier aux nouvelles techniques et compositions graphiques, aspirant toujours à entrer officiellement à Spirou : « Le directeur artistique qui était alors Maurice Rosy était très dur sur le plan métier, mais je crois que ceux qui ont travaillé avec lui ont véritablement appris. Il obligeait les gens à se remettre en question. Il faisait les choses en douceur, c’est-à-dire qu’il procédait par étapes pour rectifier les erreurs que l’on pouvait commettre. Ce n’était pas toujours encourageant : j’ai passé quelques mauvais moments… Mais d’un autre côté, lorsqu’il jugeait un dessin bon, il le défendait devant n’importe qui ».(3)

            En fait, pendant cette période, s’il multiplie les illustrations d’articles, de nouvelles et de romans à suivre ou complets pour Risque-Tout et Bonnes Soirées, Piroton ne va publier dans Spirou que des dessins pour des rubriques didactiques diverses (« Sur la piste du pétrole », « Des tunnels de plus en plus longs », « Les Nids d’hirondelles » et « Les Nouvelles du monde entier », entre 1956 et 1957) et pour un roman de Xavier Snoeck (« Demain L’Aile rouge », de 1957 à 1958).

On le retrouve aussi sur l’illustration des premiers mini-récits, lorsque ces derniers oscillaient encore entre mini-livre et bande dessinée, encartés au milieu de l’hebdomadaire.

Il y excelle en mettant en images (entre février 1960 et février 1961) des textes très documentés écrits, pour la plupart, par Cary Page, Claude Joël ou Claude Joëlle, lesquels ne sont autres que des pseudonymes de Charles Jadoul ; dont un mini-roman intitulé « Espionnage et télécommande » exploitant, déjà, le thème de l’aéromodélisme.            Par ailleurs, à partir de juin 1958, il commence à réaliser de nombreuses « Belles histoires de l’Oncle Paul » scénarisées par Octave Joly, passage obligatoire pour tout jeune auteur.

À noter que les premières, non signées, ont été dessinées avec un autre membre du studio Dupuis (Jamic, de son vrai nom Jacques Michel), lequel en a réalisé l’encrage ; d’où la difficulté à reconnaître l’habituel style anguleux et minutieux, très inspiré du dessinateur américain Alex Raymond, de Piroton : « Quand je suis rentré chez Dupuis avec un autre illustrateur, on nous a fait copier les dessins dAlex Raymond et Maurice Rosy nous a poussés dans cette voie-làDisons que dans mon travail, je me sens plus à laise dans un style proche de celui des réalistes américains ; cependant, je me suis également inspiré, à un moment, de Jijé ».(4)

            Féru de petite aviation, notre dessinateur crayonne aussi, pour s’amuser, des modèles réduits d’avions au dos d’une première planche d’essai pour une éventuelle série où le héros aurait fait le tour du monde en voilier. : « J’avais donc dessiné une planche que la rédaction avait trouvée satisfaisante et, en cherchant de la documentation pour la suite de l’histoire, je suis tombé sur les photos du premier championnat du monde de télécommande qui avait eu lieu près de Bruxelles (trois ou quatre Belges étaient, d’ailleurs, sortis du lot). En regardant ces photos, j’ai trouvé les perspectives superbes. J’ai retourné ma planche (celle où étaient dessinés les bateaux) et j’ai fait un crayonné. Le dessin est venu tellement facilement, qu’en une matinée, j’avais réalisé une demi-planche. Je suis retourné voir Rosy et je lui ai dit que j’avais créé autre chose ! Il a regardé, il a retourné la planche et m’a dit que ma dernière création était la meilleure. Il la trouvait plus facile, moins laborieuse. Il me fallait un scénario. Nous sommes allés voir Delporte qui a tout de suite été d’accord pour publier mes dessins et qui a demandé à Jadoul de faire le scénario ».(3) « Cest donc parti comme ça. Et, comme à Spirou, on ma proposé Jadoul comme scénariste, tous deux, on a passé une après-midi à chercher des noms de héros avant de trouver Michel et Thierry ».(4)

Donc, sur des scénarios de Charles Jadoul, Arthur Piroton va dessiner dans Spirou, de 1962 à 1968, onze aventures de Michel et Thierry dont la plupart sont alimentées par les passions communes de ce jeune homme et de cet adolescent : l’aéromodélisme, l’aviation et la balistique. Le Français Michel Camargue – environ trente ans, sérieux, apparemment célibataire sans attaches autres qu’un frère qu’il aide à exploiter une plantation d’abricotiers – et le jeune Belge Thierry Welter – environ treize ans (mais qui va vieillir de plusieurs années dans les derniers épisodes) – se rencontrent lors des sélections du « Grand raid » : une course d’avions modèles réduits téléguidés. D’adversaires, ils deviennent amis pour participer à cette compétition… « Le sujet était original mais il a été très vite épuiséDès le deuxième épisode (« Une tuyère pour Euridice »), il ny était plus question daéromodélisme : on parlait dun club de jeunes qui fabriquaient des fusées miniatures et, à cause de lui, laudience de la série a baissé de plus en plus. Et jamais on na pu raccrocher, jamais plus ! Cétait fini ! En plus de ça, javais fini par mennuyer de la dessiner ».(4)

La première page d'« Une tuyère pour Euridice ».

  Pourtant, l’aéromodélisme, à partir des années 1960, est en plein développement avec l’invention des transistors puis des puces électroniques ; elle s’était même, avec les drones, transformée en armes de pointe : les sujets n’auraient donc pas manqué pour alimenter nombre d’enquêtes policières, d’espionnage ou de stratégie internationale.

D’autant plus qu’Arthur Piroton profite aussi de sa propre expérience car il est, lui-même, maquettiste d’avions et lauréat de divers concours internationaux. D’ailleurs, un petit terrain d’aviation, créé par un groupe de passionnés en aéromodélisme (le CRPAL, c’est-à-dire le Club Royal Petite Aviation Liégeoise), existe depuis plusieurs années à Anthisnes, sa ville natale où, aujourd’hui, la rue où il a vécu pendant de nombreuses années porte son nom.

Notre dessinateur y était un membre très actif et, pour lui rendre hommage, un stage « Arthur Piroton » s’y déroule régulièrement, depuis plusieurs années ! Notons également que, tout en dessinant les aventures de Michel et Thierry, Piroton écrira des articles sur l’aéromodélisme… « Jadoul ne connaissait pas la petite aviation et donc, j’intervenais plus au niveau documentationJ’avais même commencé le scénario du dernier « Michel et Thierry » (« La Fayette nous voici »). Jadoul l’a achevé ».(4)

            Cependant, malgré son rythme soutenu de parution dans Spirou (au moins deux aventures par an), la série « Michel et Thierry », habile et plaisant cocktail d’intrigues policières et de découvertes des techniques du modélisme, n’a eu droit qu’à un seul album, broché et en couleurs, aux éditions Dupuis : « Le Grand Raid », en 1963.

Et seule une partie des épisodes suivants (« Une tuyère pour Euridice », « La Pluie était sèche », « Un royaume pour un puffin » et « Mylène et ses carats ») a été publiée, seize ans plus tard (en 1979), par les éditions belges Bédéscope, sous forme d’albums brochés, en noir et blanc… : « Il est important que les personnages reflètent ce qu’ils sont. Jadoul voulait leur faire faire du parachutisme et j’avais refusé. Un pilote n’est pas un bon parachutiste. La mentalité est autre. Je sentais que la série m’échappait, je n’y croyais plus et le lecteur s’en rendait compte ».(3)

                       Si l’on sait que ce semi-échec a quand même permis à Arthur Piroton de rebondir, dans Spirou, d’abord en collaborant avec Paul Deliège, de 1968 à 1969, sur le premier album des « Krostons » (voir : « Les Krostons » de Paul Deliège) puis, surtout, en illustrant à partir de 1969, sa série la plus connue qu’il dessinera jusqu’à la fin de sa vie (« Jess Long » ou les enquêtes d’un agent du F.B.I. créées avec Maurice Tillieux comme scénariste) et qui représente vingt et un albums aux éditions Dupuis(5), on peut quand même se demander qui était ce Charles Jadoul que lui imposa la rédaction de l’hebdomadaire des éditions Dupuis.

Planche originale de « Jess Long ».

            Comme nous l’avons déjà signalé, les bandes réalistes très documentées ont longtemps occupé une place de choix dans Spirou, ses éditeurs étant persuadés que cela pouvait rassurer les parents des jeunes lecteurs : adultes méfiants qui, à l’époque, étaient généralement peu enclins à cautionner le monde des « illustrés »…

La série « Michel et Thierry » devait donc s’inscrire dans cette continuité…

Or, si la World’s Presse avait en son sein plusieurs scénaristes tout à fait capables de s’acquitter avec talent de cette tâche (ne serait-ce que Jean-Michel Charlier, alors guère en odeur de sainteté chez les Dupuis qui n’arrivaient pas à lui pardonner la création du journal concurrent Pilote), il n’en était pas vraiment de même pour la nouvelle équipe rédactionnelle en place : Delporte et Rosy préférant s’adonner, clairement, à l’humour fantaisiste et aux aventures débridées.            C’est là qu’intervient Charles Jadoul, journaliste et écrivain belge né le 15 mai 1930 à Deurne (près d’Anvers). Employé par les éditions Dupuis à partir de 1953, il y écrit des contes et nouvelles pour Spirou (déjà sous le pseudonyme de Cary Page) ou des romans pour l’hebdomadaire féminin Bonnes Soirées. Puis, il devient secrétaire de la rédaction du journal Spirou, en 1957.

            Il se rapproche alors du nouveau rédacteur en chef Yvan Delporte (et du même coup de Maurice Rosy) qui va le charger d’écrire des nouvelles documentées pour les premiers mini-récits pédagogiques (dont le tout premier, « Polo et les satellites », au n°1135 du 14 janvier 1960)(6), des jeux (reprise de la rubrique « Le Coin des dégourdis » illustré par Eddy Paape, puis par Duncan, Anjo et Jean-Luc Béghin, de 1959 à 1965, ou encore « Les Jeux de Cary Page » en 1966 et 1967 ou « Les Jeux de Patate et Tatou » de 1967 à 1975, tous mis en images par Eddy Ryssack et Guy Bollen.

Il ne faut pas oublier, non plus, « Salut les cryptophiles » en 1966 et 1967 et « Le Coin des cerveaux » en 1971 et 1972), ainsi que de nombreux autres articles journalistiques ou techniques où il utilise plusieurs pseudonymes pour donner l’illusion de l’existence d’un nombre important de collaborateurs.

Outre Cary Page, Claude Joël ou Claude Joëlle, il utilisera aussi, par exemple,  l’alias L’émir Corad pour une autre rubrique de jeux arithmétiques : « Trioker », en 1970 !

            Puisque Jadoul sait écrire et que le romanesque aventureux semble être sa tasse de thé, les responsables éditoriaux vont également lui demander de se convertir en scénariste pour qu’il essaye de combler le manque de création au niveau des nouvelles séries dessinées. C’est ainsi qu’il va être préposé à écrire les scénarios de « Michel et Thierry », de 1962 à 1968.            S’il s’essaie, quelques fois, à l’humour, partageant ainsi les marottes de Delporte et de Rosy, sur divers récits complets (le mini-récit « Umberto Solferino » mis en images par Louis Salvérius et Serge Gennaux en 1963, « Matiti Jo » dessiné par Herbert de 1963 à 1964, « Alcibiade » (qui ressemble beaucoup à Yvan Delporte !!!) illustré par Eddy Ryssack et Jacques Devos en 1964, deux gags de « Lucien Lapoisse » avec Derib en 1966, « Le Petit Faiseur de bulles » avec Verli en 1968, « The Octopus » avec Carlos Roque en 1970 ou le mini-récit « Robbie » avec Eddy Ryssack en 1970), il multiplie surtout les histoires réalistes :

-          deux longues aventures de « Diégo », jeune espagnol humaniste qui assiste à la conquête de l’empire inca par les conquistadors au début du XVIe siècle, dessinées (entre 1962 et 1964) par Herbert Geldhof qui signait de son seul prénom,-          six du « Docteur Gladstone » qui démêle des intrigues en Afrique noire, toujours accompagné de son assistant George ; les deux premières, publiées en 1964, bénéficiant du dessin de Jijé assisté par Herbert mais, ce dernier, en reprend seul la destinée graphique, de 1965 à 1971,

Deux planches originales du « Docteur Gladstone » par Herbert, seul aux commandes graphiques...

-          cinq courts récits complets moyenâgeux et un, plus consistant, de quarante-quatre pages d’« Arnaud de Casteloup » dessiné par Derib, en 1966 (voir : Les débuts de Derib),

-           et, enfin, les trente planches de « Vodka, moujiks et roubles », une enquête de Martin Lebart (publiée du n°1544 du 16 novembre 1967 au n°1558 du 22 février 1968), où il introduit un brin d’humour dans cette histoire réaliste réalisée, une nouvelle fois, en compagnie de son complice Arthur Piroton.

Et ceci avant même la publication du dernier épisode de « Michel et Thierry » : « Personnellement, jespérais que cet épisode soit le premier et quil en ait dautres. Mais cétait à lépoque Paul Deliège ma proposé « Les Krostons » que jai acceptés car ils me changeaient de mes personnages habituels. Et puis, certaines choses en Martin Lebart me gênaient. Jaurais préféré un côté un peu plus aventurier. Il était généalogiste et se contentait de faire des enquêtes gentilles dans lesquelles il ny avait pratiquement pas daction »(4)

            Si on retrouve encore la signature de Charles Jadoul sur divers articles, jusqu’en 1978, il quitte officiellement la rédaction de Spirou en 1968 pour se consacrer au journalisme et à l’écriture : le cœur n’y était plus ! Non seulement ses amis Delporte et Rosy sont en passe de faire de même (plus ou moins forcés par l’éditeur, surtout en ce qui concerne Delporte) mais, en plus, aucune de ses séries n’arrivera à décoller(7), pas même « Michel et Thierry » qui reste, quand même, sa plus belle carte de visite ! Il est décédé le 29 décembre 1996, à Bruxelles, dans l’indifférence générale du monde la bande dessinée…

Gilles RATIER

 (1)   Pour une bibliographie précise des épisodes de « Michel et Thierry » parus dans Spirou, voir le n°106 de Hop ! ou http://bdoubliees.com/journalspirou/series4/michelth.htm.

 (2)   Pour en savoir plus sur ce dessinateur très discret, outre les interviews cités ci-dessous, on peut aussi consulter, à bon escient, les articles publiés dans les revues Marsupilami n°2, Le Collectionneur de Bandes Dessinées n°80, Saucysson Magazine n°6, DBD (NF) n°43 et, bien sûr, Hop ! n°70 et n°106. Cependant, le travail le plus complet sur Arthur Piroton reste le site de Vincent Rixhon (http://www.vrixhon.net/) qui lui a aussi consacré un ouvrage intitulé « Liège dansla B.D. de Jess Long ».

 (3)   Extraits d’une interview d’Arthur Piroton réalisée par Jean Léturgie, en juin 1980, pour le n°30 de Circus daté de septembre 1980.

 (4)   Extraits d’une interview d’Arthur Piroton réalisée par François-Xavier Burdeyron pour son ouvrage « L’Âge d’or du journal Spirou » publié, en 1988, aux éditions Bédésup.

 (5)   Par la suite, toujours dans Spirou, Arthur Piroton renouera aussi avec les « Belles histoires de l’Oncle Paul », notamment pour des histoires d’aviation pendant la Première guerre mondiale (sur scénarios d’Octave Joly, entre 1972 et 1978), dessinera l’occupation allemande des îles anglo-normandes dans « Îles en détresse » (textes de Jean-Claude Pasquiez  - de son vrai nom Claude Bolle -, en 1977) et réalisera, à la demande du rédacteur en chef de l’époque (Alain De Kuyssche), une nouvelle mouture de « Michel et Thierry », en 1979, sur un scénario de Mittéï et avec la collaboration de Francis Carin en tant qu’assistant : « Les Casseurs de Bois », lesquels vivront trois aventures jusqu’en 1981. Enfin, avec la complicité de Raoul Cauvin, il avait commencé à élaborer « Les Maîtres du barreau », de courts récits raillant le milieu des avocats ; mais un seul récit sera publié au n°3020 du 28 février 1996, après son décès survenu suite à une pénible maladie, le 22 janvier 1996, à l’âge de seulement soixante-quatre ans.

Parodie de « Jess Long » dans un dernier récit de cinq planches scénarisées par Jean-Louis Janssens et publié dans le n°2979 (du 17 mai 1995) de Spirou : « L'ombre du lapin ».

(6)   À ces heures, Charles Jadoul était aussi illustrateur, comme le prouve le treizième mini-récit  paru dans le n° 1148 du 14 avril 1960 : « À l’est du soleil, à l’ouest de la lune ». (7)   Les aventures médiévales d’« Arnaud de Casteloup » seront, bien plus tard (en 1976 et en 1980), publiées en deux albums en noir et blanc chez Albin Michel et chez Bédescope, puis compilées en un seul, en couleurs, chez Récréabull (en 1987) ; et seul le premier épisode de « Diego » (« Le Pays des quatre vents ») a été repris dans un album, en noir et blanc, aux éditions L’Âge d’or, en 2005 : un tirage de mille exemplaires dont trois cent en édition avec poster, le tout sous couverture de René Follet.

Quant au « Docteur Gladstone », on ne retrouve, sous cette forme, que ses deux premières aventures, dessinées principalement par Jijé, dans les tomes 16 et 17 des intégrales « Tout Jijé » de chez Dupuis : un désert éditorial qui montre bien le peu d’intérêt que montraient alors les éditeurs envers l’œuvre de Charles Jadoul…

PS : Un grand merci à Jean-Yves Brouard et à Michel Vandenbergh pour nous avoir fourni, avec leur gentillesse et serviabilité habituelle, de nombreux scans de documents souvent introuvables !

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9 réponses à « Michel et Thierry » par Arthur Piroton et Charles Jadoul

  1. alain de kuyssche dit :

    A propos de Raoul de Villens : Piroton et Mittéi fréquentaient de jeunes hobereaux de la région de Liège. Dans « Les Casseurs de Bois », un des personnages s’appelle Odon de Téchy, qui existe vraiment et a prêté ses traits à ce protagoniste de la série. En marge du scoutisme, les jeunes de la région d’Anthisnes créaient des clubs, souvant sponsorisés par les parents des « nobliaux » locaux. C’est dans ce contexte qu’est né le pseudo de Raoul de Villens.

  2. alain de kuyssche dit :

    Charles Jadoul : son départ de Spirou fut lié à celui de Delporte. Le courant passait mal avec le successeur. Charles Jadoul connut des drames dans sa vie, et notamment la perte d’une de ses filles, victime d’un accident de parachutisme – la fascination de Jadoul pour le parachutisme explique pourquoi il voulait transformer la sétie « Michel et Thierry ». Ce drame affecta beaucoup Jadoul (on peut le comprendre…) et il rencontra de sérieux problèmes d’alcool. Il continua néanmoins à écrire des reportages pour Télémoustique, entre 1978 et 1982, et d’autres magazines tournés vers l’aviation. Il effectua de nombreux voyages lointains, qui inspirèrent ses reportages. Il avait aussi un frère qui était mi-aventurier, mi-journaliste.

  3. Article très complet et très enrichissant.
    Merci.

  4. Renaud dit :

    Toujours le meilleur site de BD !
    Continuez comme cela !

  5. Pierre dit :

    Compliments à Monsieur Ratier pour ses dossiers très étayés et sa connaissance approfondie de la BD franco-belge .Passionnant, documenté, et toujours agrémenté d’un maximum de planches,couvertures,renvois, etc…..

  6. Richard Sauvé dit :

    Charles Jadoul est injustement oublié, c’est vrai. Il ne figure même pas dans le dictionnaire de la bande dessinée de Gaumer et Moliterni auquel je me référais souvent avant l’arrivée d’internet.

    Je conserve un bon souvenir des aventures de Michel et Thierry. Merci encore, monsieur Ratier, pour cette autre excellente recherche.

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