« Atar-Gull » et « La Vénus de Dahomey » T1

Bien qu’il soit oublié en couverture (on se demande pourquoi ?!), Eugène Sue est l’auteur d’ » Atar-Gull « . Le père des  » Mystères de Paris  » confirme ainsi le titre d’un site qui lui est consacré :  » Eugène Sue, l’oublié « . On le retrouve cependant, mentionné en page de garde et ce n’est que justice car « Atar-Gull  » est une histoire incroyable, effroyable, qui fit évidemment scandale lors de sa parution en 1831. Pourtant, comme il l’expliquait lui-même à Fenimore Cooper :  » Ma férocité n’a pas eu de bornes, parce qu’un crime était la conséquence, la déduction logique d’un autre crime « . C’est cette histoire, puissante et mémorable qu’ont choisi d’adapter Brüno et Fabien Nury…

Commençons par un résumé de cette œuvre méconnue et pourtant exceptionnelle :  » Atar Gull est le nom d’un indigène de la tribu anthropophage des Petits Namaquas. Fait prisonnier par la tribu adverse, il est livré à un négociant qui le revend parmi d’autres marchandises, à M. Benoit, capitaine de la Catherine. En route vers la Jamaïque, le brick de M.Benoît est attaqué par un navire pirate. M. Brulart, ex-gentilhomme, à la tête de cette goélette pirate, s’empare de la cargaison, parmi laquelle se trouve Atar-Gull. Ce noir gigantesque est effrayant, mais son air de soumission tranquille rassure et dissimule l’ébullition de son âme. Il est racheté en Jamaïque par M. Will, un riche exploitant. Une haine puissante anime Atar-Gull, tout d’abord à l’égard de Brulart, mais aussi à l’égard de son maître. Sa serviabilité lui permet d’intégrer très vite l’harmonie familiale de M. Will qu’il détruit impitoyablement, sans qu’aucun soupçon ne se pose sur lui. M. Will décide de rentrer en Europe, ayant tout perdu en Jamaïque… « .

Ne racontons pas la fin puisqu’on retrouve bien évidemment tous ces faits et gestes, terribles et barbares, implacables et vengeurs, dans la bande dessinée. Le regard sombre, fixe et impitoyable qu’a donné Brüno à l’esclave correspond bien à ce personnage que la vie condamne à des extrémités sans cesse repoussées pour faire la paix avec lui-même sans rien laisser paraître de ces pensées qu’en tant qu’humain de seconde zone, il n’est pas censé éprouver.

Cette très belle réalisation au dessin stylisé et séduisant d’un Brüno à la bibliographie d’une qualité toujours sans faille, est évidemment très différent du dessin de Stefano Casini qui illustre  » La Vénus de Dahomey « . Plus classique, l’album (premier d’un diptyque) n’en met pas moins en scène une femme de la trempe d’Atar Gull, sans peur mais non sans reproches envers la société des Blancs qui, de guerrière farouche, va en faire un animal de foire coloniale. Guerrières et guerriers du Dahomey firent en effet les beaux jours du Jardin d’acclimatation dans les années 1890. Auparavant, au Dahomey (l’actuel Bénin), dans la première moitié du 19ème siècle, le souverain Ghézo, avait en effet créé des compagnies féminines de cavalerie et d’infanterie baptisées « les Amazones vierges du Dahomey » qui combattront lors de nombreuses guerres tribales ou troupes coloniales.

Le sujet de ce qu’il est convenu d’appeler depuis ses « zoos humains » est touchant et il vient compléter d’autres albums sur le même thème : voir, par exemple, « Les Sauvages » de Lucie Lomova, article où je citais d’autres titres sur le sujet mais pas cette autre Vénus : « La Vénus noire » (cf. notice L@BD), de Renaud Pennelle et Abdellatif Kechiche.

Alors, bon voyage…

Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et sur Facebook !

 » Atar-Gull  » par Fabien Nury et Brüno
Éditions Dargaud (16, 95 €)

 » La Vénus de Dahomey  » T1 par Stefano Casini et Laurent Galandon
Éditions Dargaud (13,90 €)

Galerie

Une réponse à « Atar-Gull » et « La Vénus de Dahomey » T1

  1. Anonyme dit :

    Pour en savoir plus sur les zoos humains

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