C’est devenu une tradition depuis quatre ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, en fin d’année, pour une petite session de rattrapage ! Même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2024.
Lire la suite...Berthet sur tous les fronts…
Avec « La Fortune des Winczlav » chez Dupuis, trilogie prequel des aventures de Largo Winch où Jean Van Hamme himself nous narre l’histoire de la famille adoptive du célèbre héritier du Groupe W, une exposition-vente de ces planches à la galerie Huberty & Breyne de Bruxelles du 25 mars au 24 avril 2021, et la réédition bien venue de l’une de ses œuvres maîtresses scénarisées par son camarade Philippe Foerster (« L’Œil du chasseur », chez Anspach), Philippe Berthet est partout et on ne va pas s’en plaindre !
Ce dessinateur franco-belge au si élégant style réaliste proche de la ligne claire — et aux cadrages et éclairages très étudiés — fait donc son retour aux éditions Dupuis pour une nouvelle série exceptionnelle : une saga familiale qui va lui permettre de mettre tout son talent graphique à la reconstitution historique et à la représentation des grands espaces, tout en abordant une période inédite pour lui (le XIXe siècle)… Cela a nécessité un gros travail de recherches que sa compagne, la dessinatrice et coloriste Dominique David, a effectué, tout en contribuant à certains décors de l’album.Dans ce passionnant premier volume, l’ancêtre de Nerio Winch, un jeune médecin idéaliste qui prend le parti de l’insurrection paysanne contre la tyrannie du prince-évêque, va fuir le Monténégro — avec une Bulgare réduite en esclavage — pour l’Amérique du Nord alors en plein essor : mais la fortune de la branche américaine des Winczlav, dont le nom va être transformé en Winch, n’arrivera pas tout de suite…À noter qu’il s’agit de l’une des dernières opérations éditoriales chez Dupuis de José-Louis Bocquet : responsable littéraire, écrivain et scénariste avec qui Berthet réalisa la série « Le Privé d’Hollywood », toujours dans Spirou.Né le 22 septembre 1956 à Thorigny-sur-Marne (en France), Philippe Berthet (1) s’initie à la bande dessinée à Bruxelles, dès 1974, en suivant les cours d’Eddy Paape à l’Académie de Saint-Gilles et ceux de Claude Renard à l’Institut Saint-Luc.
Ses premières œuvres sont publiées dans Le 9e Rêve : anthologie des meilleurs travaux des membres de l’Atelier R.
Il collaborera d’ailleurs avec la plupart d’entre eux dans le journal Spirou édité par Dupuis, dans les années 1980 : que ce soit Andreas (« Mortes Saisons »), sa compagne Dominique David (« La Dame, le cygne et l’ombre ») ou encore Philippe Foerster avec « L’Œil du chasseur » (et plus tard « Chiens de prairie » chez Delcourt), sans oublier les quatre volumes du « Marchand d’idées » réalisés à quatre mains avec son ami Antonio Cossu chez Glénat.
C’est justement le marquant « L’Œil du chasseur », épuisé depuis longtemps dans le commerce, que vient de rééditer Nicolas Anspach, en l’agrémentant d’un didactique et très intéressant dossier de 16 pages dû à Charles-Louis Detournay, illustré par de nombreux dessins et crayonnés inédits ou peu connus.
En effet, avant de collaborer avec plusieurs scénaristes célèbres (Philippe Tome pour « Sur la route de Selma » dans la collection Aire libre, puis Yann pour les séries « Pin-up », « Les Exploits de Poison Ivy » et « Yoni », Fred Duval pour « Nico », Corbeyran pour un « XIII Mystery », ou encore Régis Hautière, Zidrou, Sylvain Runberg, Raule et Jean-Luc Fromental, le tout chez Dargaud), Philippe Berthet recontacte son ami et ancien colocataire Philippe Foerster, devenu l’un des piliers du mensuel Fluide glacial.Il lui demande de lui écrire une nouvelle histoire, car il connaît sa capacité à réaliser des histoires qui sortent de l’ordinaire, comme nous l’apprend Charles-Louis Detournay dans son excellent dossier où Berthet explique qu’il ressentait une grande envie de travailler avec Foerster :« Je pensais solliciter son côté fantastique, même si en fin de compte, l’album ne lorgne pas vraiment ce genre-là . Mais il est indéniablement empreint d’une atmosphère particulière, presque parfois poétique. »
           Finalement, Foerster lui propose d’illustrer une impitoyable course-poursuite à travers le sud des États-Unis — jusqu’aux bayous de Louisiane — qui s’engage entre le gardien-chef d’un bagne et un jeune fugitif idéaliste qu’une belle jeune femme a fait évader.
Prépublié dans Spirou à la fin de l’année 1987, ce récit noir et glaçant (hommage à la littérature gothique américaine), enluminé par les couleurs aussi osées qu’intelligentes d’Isabelle Beaumenay-Joannet, a marqué toute une génération de lecteurs et reste toujours aussi fort, plus de 30 ans après sa création.
 Gilles RATIER
(1) Sur Philippe Berthet, voir aussi sur BDzoom.com :
Quand Simenon passait « De l’autre côté de la frontière »…,
« Motorcity » par Philippe Berthet et Sylvain Runberg,
« Le Crime qui est le tien » par Philippe Berthet et Zidrou,
« Perico T1 » par Philippe Berthet et Régis Hautière,
« Perico » T2 par Philippe Berthet et Régis Hautière,
« Pin-up » T10 (« Le Dossier Alfred H. ») par Philippe Berthet et Yann,
« Nico » T1…
« La Fortune des Winczlav T1 : Vanko 1848 » par Philippe Berthet et Jean Van Hamme
Éditions Dupuis (15,95 €) – ISBN : 979-1034751761
« L’Œil du chasseur » par Philippe Berthet et Philippe Foerster
Éditions Anspach (16 €) – ISBN : 978-2931105023
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La fortune des Winczlav relève plus de la haute fantaisie que d’autre chose. Heureusement que les Montenégrins ne connaissent pas cet album, sinon ils seraient horrifiés, avec un « prince-évêque » qui les aurait tyrannisé en s’appuyant sur les turcs: du grand n’importe quoi. Un médecin diplômé de la faculté de médecine de Belgrade qui n’existerait avant encore 40 ans. Des révolutionnaires bulgares très précurseurs, avec une Dubrovnik qui s’appelait encore Raguse, ville dalmate dans l’empire austro-hongrois. Vraiment, l’histoire n’est pas le point fort des auteurs. Je suis très déçu et du scénario et du cadre historique hallucinant dans lequel est supposé se passer cette première aventure. Une collection de clichés et d’erreurs.