« Louisiana, la couleur du sang » : une histoire de femmes !

Avec la publication de « Louisiana », le vieux lecteur de BD éprouvera le même choc qu’il a eu en découvrant « Les Passagers du vent » de François Bourgeon, voici 40 ans. La sensation de savourer une œuvre forte, humaine, originale, aux protagonistes qui vous remuent les tripes. Et comme leur grand aîné pour raconter leur histoire, le couple d’auteurs offre lui aussi les premiers rôles aux femmes…

La Nouvelle-Orléans, 1961. Tout juste centenaire, Louise Soral, descendante d’une famille de planteurs sudistes, dicte pour ses petits-enfants l’histoire de sa famille à sa bonne à la peau noire. En 1805, Augustin Maubusson et sa femme Laurette, ses arrières grands parents, exploitent la plantation sucrière du Chêne rouge. Deux enfants, Joséphine et Antoine, naissent de leur union faite de violence et d’incompréhension. Après le suicide de son père, Antoine se révèle incapable de gérer le domaine. Laurette et Joséphine trouvent un peu de réconfort à La Nouvelle-Orléans auprès de Marie Laveau : belle jeune femme tenancière d’une maison close, adepte du culte vaudou sur laquelle les années n’ont pas de prise. Sa mère devenue folle, après avoir empoisonné Antoine, Joséphine dirige le domaine d’une main de fer, aidée par son fils Jean. Celui-ci est marié malgré lui avec Émelie Villebois, une créole qui donne naissance à Louise en 1861. Malgré l’opposition de sa mère, Jean décide d’élever à ses côtés son fils Lazarre conçu avec l’esclave noire Caliste : l’amour de sa vie, tuée victime de la haine que porte Joséphine aux esclaves… Il nous faudra attendre le troisième et dernier album pour suivre le destin de Louise, alors que la guerre de Sécession fait rage.Certains trouveront un zeste manichéen le scénario qui met en scène des femmes courageuses et fortes victimes d’hommes violents, immoraux, racistes, incapables de dignité. Cette peinture de la Louisiane raciste et misogyne est, au contraire, le résultat de recherches minutieuses. Cette société reflète la vie au quotidien au sein des riches familles de planteurs du sud des États-Unis.Née en 1986, Léa Chrétien étudie l’illustration en Belgique à l’ÉSA Saint-Luc de Liège. C’est un séjour dans le sud des États-Unis qui l’incite à se lancer dans l’écriture de cette histoire de femmes vivant le quotidien des plantations de Louisiane. Elle a pour complice son compagnon dans la vie : Gontran Toussaint. Ce dernier, né en 1989, étudie le dessin lui aussi à Saint-Luc. Il commence dans la profession avec la publication du diptyque « Reporters » écrit par Renaud Garreta et Laurent Granier, publié en 2016 et 2017 aux éditions Dargaud. Ces deux ouvrages aux dessins influencés par Giraud et Hermann qu’il admire lui suffisent pour trouver son propre univers graphique : précis, efficace… Des mises en pages audacieuses, des décors riches, et des personnages impressionnants de vérité emportent le lecteur loin de son quotidien. Léa Chrétien réalise la mise en couleurs qui évoque avec justesse la moiteur, mais aussi la violence latente qui nourrit l’histoire.Lorsque l’on entend certains dire qu’un dessin soigné est inutile pour faire une grande bande dessinée, le travail d’artisan de ce duo d’auteurs est un flagrant démenti. Il est réconfortant que des créateurs, 40 ans après François Bourgeon, perpétuent ce même plaisir d’offrir une œuvre de cette qualité à leurs lecteurs. Comme « Les Passagers du vent » et quelques autres séries incontournables, « Louisiana » risque d’être toujours présente dans les librairies, alors que bien d’autres coups éditoriaux seront depuis longtemps oubliés.

 Henri FILIPPINI

 Voir aussi la chronique, tout aussi élogieuse, du tome 1 : « Louisiana » : une flamboyante saga qui dénonce l’esclavage et les violences dont les femmes sont victimes….

 « Louisiana, la couleur du sang » T2 par Gontran Toussaint et Léa Chrétien

Éditions Dargaud (14,50 €) — EAN : 9 782 2050 8468 9 

Galerie

Une réponse à « Louisiana, la couleur du sang » : une histoire de femmes !

  1. BARRE dit :

    Je suis bien d’accord avec la conclusion de votre article, M. Filippini. Le temps va faire son oeuvre et beaucoup d’ouvrages présentés comme gééééniauuux vont passer aux oubliettes! Trop de petits donneurs de leçons dans la bd! Espérons que ce « Louisiana » fasse son chemin, il paraît appétissant. Et la couverture alléchante! Merci pour votre état d’esprit!

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