James Bond, opération comics (deuxième partie)

En juillet 1958, quatre ans avant que Sean Connery n’immortalise James Bond sur le grand écran face au cruel Dr. No, les lecteurs du très britannique Daily Express avaient pu avoir la primeur des missions de 007 grâce à une intense série de strips quotidiens. Adaptant le créateur Ian Fleming, les scénaristes Anthony Hern puis Henry Gammidge, associés au dessinateur John McLusky, avaient donné toute la mesure graphique du désormais célèbre agent, de l’introductif « Casino Royale » jusqu’à « On ne vit que deux fois », aventure japonisante dont la publication s’était achevée le 8 janvier 1966. La direction du Daily Express, qui cherche alors à moderniser la série, va engager Jim Lawrence et Yaroslav Horak. Leur première adaptation entre à son tour dans la grande légende de la bande dessinée mondiale : ce sera « L’Homme au pistolet d’or », lancé à la suite des strips de McLusky dès janvier 1966… Retour cette semaine, pour la deuxième partie de notre dossier déclassifié, sur la trentaine de récits (adaptations ou missions inédites) mis en scène par Lawrence et Horak jusqu’au début des années 1980.

Dans la première partie de ce dossier avait déjà été rapidement évoquée l’entrée en scène du duo Lawrence-Horak sur la série : voyons désormais d’un peu plus près comment ce passage de relais s’est déroulé…

Tableaux synoptiques des strips réalisés par Lawrence et Horak

Né en 1927 en Chine d’un père tchèque et d’une mère russe, Yaroslav Horak ne semblait à priori pas destiné à devenir le dessinateur d’un des symboles fictionnels les plus connus du bloc de l’Ouest. Sa famille ayant émigré en Australie en 1939, il y débute une carrière artistique qui l’amène à œuvrer dans les années 1950 pour les plus grands éditeurs de magazines locaux. Il créé en 1954 « The Mask : The Man of Many Faces » et, de 1967 à 1962, il adapte le très populaire programme télévisuel jeunesse « Captain Fortune » dans le Sun Herald de Sydney. Inspiré par Hal Foster et Alex Raymond, mais peaufinant un style unique en noir et blanc, Horak arrive à Londres en 1962. Il est présenté à Hartley Ramsay, le directeur artistique du Daily Express, qui l’invite à réaliser quelques dessins et strips de James Bond dans une maquette laissée à sa guise. S’associant au scénariste américain Jim Lawrence, Horak présentera peu après un ouvrage de grande taille dont la couverture indique sans détours et avec humour : « James Bond par une nouvelle brillante équipe ! ». Emballé par les premiers strips de « L’Homme au pistolet d’or », Ramsay va présenter leurs auteurs à Lord Beaverbrook, le propriétaire du tabloïd… qui les engage aussitôt.

Horak dans les années 1980 et en 2005, présentant une partie de ses oeuvres (source : 007magazine.co.uk)

Comme l’illustre la totalité des strips de « L’Homme au pistolet d’or », le style de Horak se démarque fortement de celui de son prédécesseur en étant très marqué années 1960 – 1970, à la manière des comic books de Neal Adams sur l’univers de « Batman » : dynamisme, angles de vue inhabituels, forte utilisation des masses noires, gros plans serrés, violence et érotisme de plus en plus appuyés. Travaillant au pinceau sur un grand format latéral (15,25 x 53,35 cm), l’artiste mettra en scène 33 aventures de 007 pour le Daily Express (1966 à 1977), le Sunday Express et le Daily Star (1977 à 1979 et 1983 à 1984). Il ne récupérera malheureusement qu’une très faible partie de ses travaux, souvent conservés par les différentes rédactions comme le voulait alors l’usage.

Dans « L’Homme au pistolet d’or », James Bond, amnésique et officiellement mort pour les services du MI6, tente de retrouver les traces de son passé. Retourné par les Russes, il refait surface à Londres… en tentant (vainement) de tuer M ! Une fois remis sur pied, on lui alloue une mission de la dernière chance : trouver et tuer en Jamaïque Francisco « Pistol » Scaramanga, un remarquable tireur d’élite travaillant pour Cuba, connu pour son Colt 45 canon long à barillet plaqué or, et le fait qu’il ne rate jamais sa cible. Adapté en 209 strips publiés du 10 janvier au 10 septembre 1966, le roman posthume de Fleming (1965) deviendra également un film en 1974, où Christopher Lee (acteur initialement prévu pour devenir le Dr. No) incarne Scaramanga face à Roger Moore.

Lorsque Bond cherche à liquider M avec un pistolet à eau empoisonné au cyanure... (Détail du strip n° 31 de "L'Homme au pistolet d'or" - 1966).)

Les auteurs enchaînent dès le 12 septembre 1966 avec l’adaptation en 53 strips de la nouvelle « The Living Daylights » (« Bons baisers de Berlin » ; publiée pour la première fois en février 1962 dans le London Sun Times) où Bond doit se livrer à un angoissant duel de sniper de part et d’autre du mur de Berlin contre un mystérieux agent du KGB surnommé La Gâchette ; ce afin de protéger un transfuge britannique revenant à l’Ouest avec des informations capitales concernant les prochains essais de fusées et d’armement nucléaire de l’URSS. Voyant un 007 plus mélancolique qu’à l’accoutumée, acceptant à contrecœur une mission sanglante (la fin étant de ce point de vue assez significative…), l’ambiance de la nouvelle est fidèlement reproduite par Lawrence et Horak, qui signent ici l’une de leurs adaptations les plus fidèles au canon bondien. Reflétant parfaitement l’état sinistre de Berlin-Est, la bande rajoute toutefois au récit le mur berlinois, qui n’existait pas dans le récit originel de Fleming, mais contribue naturellement un peu plus à rendre l’impressionnant climat de guerre froide.

La nouvelle "Octopussy", publiée dans le Daily Express en octobre 1965 (dessins par Andrew Robb ).

Poursuivons avec « Octopussy », adaptation en 164 strips de la première nouvelle du recueil « Meilleurs Vœux de la Jamaïque » (Daily Express, 1965). Publiée du 14 novembre 1966 au 27 mai 1967, l’aventure voit 007 enquêter sur le cas du Major Dexter Smythe, qui coule des jours heureux à la Jamaïque autour de ses poissons (et de sa dangereuse pieuvre) grâce à une petite fortune bien mal acquise durant la Seconde Guerre mondiale. Le scénario initial sera partiellement modifié par Jim Lawrence pour impliquer Bond dans une relation amoureuse, souligner ses liens avec un ancien ami (victime de Smythe) et rendre ainsi légitime ses actions.

Strip n° 299 A pour "Octopussy". Dans cette série, la secrétaire de M (Miss Moneypenny) est à son poste tandis que Bill Tanner (chef d'état-major) reste le principal ami de 007 (c'est plutôt Felix Leiter dans les films ; Rory Kinnear incarne toutefois Tanner depuis 2008). La section Q (les célèbres gadgets !) sera aussi de plus en plus évoquée au fil des épisodes...

Pour « The Hildebrand Rarity » (« Le Spécimen rare de Hildebrand »), c’est la dernière des cinq nouvelles du recueil « For Your Eyes Only » (« Bons Baisers de Paris », 1960) qui est adaptée en 173 strips de fin mai à la mi-décembre 1967. Dans la nouvelle initiale, c’est alors qu’il se trouve aux Seychelles que Bond fait la connaissance du milliardaire Milton Krest, un odieux personnage qui frappe son épouse et ne rêve que de capturer un poisson écureuil, espèce rarissime de l’océan Indien. Quand Krest est retrouvé mort sur son luxueux yacht, 007 se retrouve mêlé à une enquête pour meurtre… Jim Lawrence reprend cette trame en y injectant les ingrédients d’un récit d’espionnage modernisé : Krest, qui est à la tête d’entreprises maritimes, est impliqué dans le détournement du prototype d’un drone sous-marin télécommandé et menace désormais l’équilibre des eaux internationales. Ce McGuffin sous-marin ressemble d’assez près à l’ATAC qui apparaît en 1981 dans le film « Rien que pour vos yeux ». Krest fera quant à lui partie du casting meurtrier de « Permis de tuer » en 1989.

Bond, Krest et un sous-marin dans « The Hildebrand Rarity » en 1967.

Si le titre « L’Espion qui m’aimait » parle à son tour à de nombreux cinéphiles, suite au succès du film à très gros budget paru en 1977, voyons que sa trame n’a pas grand chose à voir avec le roman de Fleming initialement paru en avril 1962. Traduit en français par « Motel 007 », il avait pour particularité d’être le récit à la première personne d’une jeune femme ayant croisé James Bond, ce dernier n’apparaissant que dans le dernier tiers du récit. De retour du Canada où il bataillait encore contre l’un des agents survivants du SPECTRE, Bond arrive à temps pour sauver la jeune femme des griffes de deux gangsters (Sluggsy Morant et Sol « Horreur » Horowitz), avant de lui conseiller de l’oublier, existence dangereuse oblige. Recomposée par Lawrence et Horak en deux temps, la trame illustre d’abord la lutte de 007 pour disculper un pilote d’avion de chasse canadien, victime du chantage imposé par un SPECTRE renaissant – à Paris – via l’énigmatique Madame Spectra (sic). Dans un deuxième temps, l’on retrouve le fil du roman de Fleming, rythmé au fil des cases tel un triller dans un motel perdu des Adirondacks (monts du nord-est de l’État de New York). Les fans de la saga auront bien sûr noté les similitudes entre la première partie de cette version de « The Spy Who Loved Me », délivrée par les auteurs à partir du 18 décembre 1967, et le film « Opération Tonnerre », sorti sur les écrans deux ans plus tôt, en décembre 1965. Une manière comme une autre de rappeler la fin abrupte endurée par l’adaptation de « Thunderball », réalisée par Henry Gammidge et John McLusky en février 1962 (voir la première partie de notre dossier) !

Spectra, créée par les auteurs dans la première partie de l'adaptation de "L’Espion qui m’aimait". en 1968

Au fil des adaptations successives, un problème notable se fait jour : l’épuisement de la matière première, autrement dit la fin du corpus écrit par Ian Fleming. En octobre 1968 et après la fin de « L’Espion qui m’aimait », seules demeurent encore disponibles les nouvelles « Quantum of Solace » (« Chaleur humaine » ; texte paru en mai 1959 et racontant seulement une longue conversation menée lors d’un repas), « The Property of a Lady » (« La Sphère d’émeraude », 1963 ; une agente double va vendre aux enchères un prestigieux œuf de Fabergé, cadeau du KGB) et « 007 à New York » (récit de 1963 prétexte à une description de la ville, de ses bars, restaurants et habitants). Autant dire très peu de choses au regard d’une série de strips dont la principale vocation initiale était, depuis la fin des années 1950, de mettre en images les missions de 007 pour un public encore peu desservi en films, séries télévisuelles et produits dérivés. Fort heureusement, le duo Lawrence-Horak avait alors plus que convaincu les héritiers de Fleming et la direction du Daily Express de les laisser poursuivre sur leur lancée, en créant au besoin de toutes pièces des intrigues et personnages totalement inédits. Le pas est franchi au strip n° 816 le 4 octobre 1968 avec le début de « Les Harpies », où Bond infiltre (sous le faux nom de Mark Hazard, employé de Transworld Consortium) la firme Aerotech Security, dirigée par le sombre Phineus Simon Nero, chef d’un gang secret de femmes commandos utilisant des ailes volantes. Plus proche d’un épisode de « Chapeau melon et bottes de cuir » que de « James Bond », l’épisode se suivra néanmoins sans déplaisir durant 221 strips (ils furent publiés jusqu’au 23 juin 1969).

"The Harpies" (1968 - 1969), le premier récit entièrement imaginé par Jim Lawrence et Yaroslav Horak.

« River of Death » (137 strips) suit globalement le même schéma narratif : cette fois-ci, 007 part affronter au Brésil un certain Dr. Cat, tortionnaire retors au service de la Chine communiste, qui a tué plusieurs agents secrets du bloc occidental en utilisant divers animaux rendus extrêmement agressifs par des drogues. Si Bond retrouve l’emploi de son pistolet Beretta, il s’apprête surtout à franchir un nouveau cap…

Exemples de cases crayonnées par Horak.

Dès leur reprise de la série en janvier 1966, Lawrence et Horak s’étaient détachés de l’image de 007 associée au charisme cinématographique de Sean Connery : Bond retournait à ses racines, froides, impitoyables et dangereuses. Il demeurait cependant encore aux auteurs un challenge : faire leurs preuves sur un nouveau récit long, aussi proche que possible du style initial de Fleming. Or, après « L’Homme au pistolet d’or », ne subsistait plus guère qu’une poignée de nouvelles insuffisamment denses. Plusieurs pistes s’offraient néanmoins à eux : diverses idées, suggérées à Fleming par des amis ou des écrivains, pouvaient fournir un canevas intéressant. Surtout, la société Glidrose Productions (du nom de ses fondateurs John Gliddon et Norman Rose), à laquelle Fleming avait vendu les droits de publication de « James Bond » depuis 1952, commençait à prospecter elle-même d’autres romanciers susceptibles d’écrire de nouvelles aventures, afin de conserver les droits sur la série. Le mieux placé est Kingsley Amis (1922-1995), romancier, poète et enseignant anglais, ami de Fleming depuis les années 1960 et qui écrira en 1965 « The James Bond Dossier » (une analyse des romans de Fleming et des clés de leur succès) et « The Book of Bond or, Every Man His Own 007 » (un guide pour les agents en herbe, écrit sous le pseudonyme de Bill Tanner). Le 28 mars 1968, l’éditeur londonien Jonathan Cape fait ainsi paraître la première nouvelle aventure officielle de James Bond, écrite par Amis (cette fois sous le pseudonyme de Robert Markham) : « Colonel Sun ». L’intrigue de 255 pages débute par l’enlèvement de M, fomentée par le colonel chinois Sun Liang-tan et un ancien commandant nazi, Von Richter, afin de piéger Bond et son supérieur. Parti en Grèce vers une petite île égéenne, 007 y découvrira un complot communiste, destiné à provoquer une crise internationale majeure. Le roman – qui se vendra à 500 000 exemplaires dans le monde en dépit de critiques mitigées – est publié sous forme de feuilleton dans le Daily Express entre le 18 mars et le 30 mars 1968. Il attire immanquablement l’attention de Lawrence et Horak qui obtiennent les droits de l’adapter dans le même journal, du 1er décembre 1969 au 20 août 1970. Ces 219 strips seront traduits et publiés dans le monde entier (et notamment dans France-Soir, du 23 octobre 1970 au 24 avril 1971), élargissant encore un peu plus la renommée de la série.

Couvertures pour les premières éditions des ouvrages de Kingsley Amis : "Colonel Sun" (Hamlyn Publishing Group Ltd., 1968 et Jonathan Cape, 1968), "The Book of Bond" (Jonathan Cape, 1965) et "The James Bond Dossier" (Jonathan Cape, 1965).

Les premiers strips de "Colonel Sun", en décembre 1969.

Pour leurs récits suivants, désormais sous-titrés de la mention « An Original Story By », Lawrence et Horak reprennent les codes classiques de la série, en s’amusant à en détourner certains. Si Mme Spectra est de retour dès le premier strip de « Golden Ghost » le 21 août 1970, l’on s’apercevra ainsi bien vite que ce n’est pas dans l’intention directe de nuire une fois de plus aux services du MI5 mais de leur apporter des informations précieuses ! Celles-ci concernent un des anciens membres de l’organisation criminelle, Felix Bruhl, qui détourne effectivement un dirigeable géant lors d’un vol inaugural, afin d’exiger une rançon de tous ses éminents passagers kidnappés. En guise de point d’orgue, une lutte à mort dans les entrailles du dirigeable Golden Ghost, durant laquelle aucun mot n’est prononcé pendant dix strips… Une scène qui inspira peut-être le grand final de « Dangereusement Vôtre » en 1985. Dans « Fear Face » (18 janvier 1971), Bond doit mentir à sa hiérarchie (et même assommer son ami Bill Tanner !) pour sauver la belle agente 0013, accusée de trahison, tout en démantelant les plans fous d’un scientifique féru de robotique. Dans « Double Jeopardy » (21 avril 1971), 007 se rend au Maroc pour affronter Pujar, un membre du SPECTRE qui élabore des sosies chirurgicaux afin de tuer le secrétaire d’État américain et son homologue russe. Dans « Starfire » (30 août 1971), l’intrigue bascule dans la science-fiction avec un certain Luke Quantrill, qui élimine ses ennemis dans une grande boule de feu, grâce à la conception d’avions miniatures télécommandés. En toile de fond, Paris et les agents du SPECTRE ne sont pas loin ; Bond finira cette aventure avec un bras en écharpe et sans compagnie féminine, ce qui reste peu commun, avouons-le…

Un exemple de l'érotisme dévoilé dans la série à partir de "Trouble Spot" (décembre 1971).

Au fil des années et afin de suivre les changements des mœurs, Jim Lawrence va accentuer certains aspects de la série, hors de portée d’une censure excessive : la violence et le cynisme montent en gamme, ainsi que l’érotisme latent. Femmes en sous-vêtements – ou dénudées – côtoieront en conséquence des méchants aux physiques disgracieux de plus en plus sadiques et machiavéliques, tandis que les ingrédients (armes, véhicules et gadgets, animaux exotiques) et ambiances (nuits, bases secrètes, mers, jungles ou châteaux) propices aux scènes d’action romanesques deviendront monnaie courante. Citons ainsi l’anguleux et brutal commissaire russe Sharkface (l’un des méchants préférés d’Horak) et la belle blonde (évidemment montrée nue sous et hors de la douche…) dans « Trouble Spot » (28 décembre 1971), récit où Bond doit par ailleurs s’infiltrer dans un camp naturiste ! Dans « Isle of Condors » (12 juin 1972), c’est une autre jeune femme blonde qui surgit, à cheval et entièrement nue telle Lady Godiva, dès le début du récit : en Italie, James devra enquêter – avec l’aide de la détective privée noire Crystal Kelly – sur Uccelli, lequel donne ses ennemis en pâture à des oiseaux de proie tout en entraînant des espionnes féminines. Très respectueuse de la féminité, cette aventure rythmée apporte un vent de nouveautés en faisant de Crystal Kelly la première James Bond girl noire dans l’histoire de la série, avant même l’apparition du personnage de Rosie Carver en 1973 dans le film « Vivre et laisser mourir ». Les anglophiles pourront écouter le podcast mis en ligne sur le site Anchor.fm pour en savoir un peu plus sur ces deux aventures très bien narrées.

"Isle of Condors" (strips introductifs - 1972) : une cavalière nue (Thyrza Holt) prétend avoir été emprisonnée et droguée par un couple, les Gallew.

Dans « The League of Vampires » (25 octobre 1972), Bond affronte une secte d’émules de Dracula. Magnat du pétrole et de l’armement, le richissime Xerxhanos (Big X) Xerophanos ne semble pas étranger à ce culte faussement surnaturel qui sert de couverture à ses ambitions technologiques : de fait, 007 devra bientôt éviter l’explosion d’une ogive nucléaire… Avec « Die With My Boots On » (1er mars 1973), Bond se bat contre la mafia new-yorkaise, qui tente de mettre la main sur le Nopane, la dernière drogue à la mode. Fait notable dans cette histoire relativement courte (84 strips), Bond joue – enfin, dirons les fans de la section Q – grandement de ses gadgets pour s’en sortir : jumelles à vision nocturne, montre-bracelet laser et pistolets intégrés à ses chaussures. En montrant 007 à New York, il est assez probable que les auteurs aient relu au préalable l’une des ultimes nouvelles de Fleming ; il s’amusent à intégrer au récit l’argot local et quelques expressions familières, n’hésitant pas non plus à faire de Bond le liquidateur de tout un clan de mafieux. Poursuivons avec « The Girl Machine », qui voit cette fois 007 partir vers l’Émirat fictif de Hajar ; il devra y affronter le vil cheik Harun, qui a usurpé son bienveillant oncle Nasreddin, jeune mais véritable souverain de l’État. Remplie de défis et de rebondissements, cette aventure se complète d’une intrigue géopolitique dans la mesure où le rétablissement de Nasreddin au pouvoir a aussi pour but de permettre aux Britanniques de conserver leurs intérêts économiques dans cette partie du monde arabique.

Couverture pour "The Girl Machine" (Titan Books, 2nde série - T16, 2009)

En 1973, Horak quitte Londres pour aller vivre en Espagne et recommencer à dessiner Bond depuis l’étranger ; il déménagera ensuite en Hollande, avant de finalement se réinstaller… en Australie. L’auteur, travailleur et précautionneux, gardera toujours une moyenne de six semaines entre la réalisation et la publication de ses strips.

Le 4 décembre 1973, la série se poursuit avec le titre énigmatique « Beware of Butterflies » (littéralement « Méfiez-vous des papillons ») : envoyés à Paris, Bond et sa collègue du MI6 Suzi Kew, doivent éradiquer le réseau d’espionnage nommé Butterfly. Dirigé par le chercheur asiatique dénommé Attila (un passionné de lépidoptères qui n’évite pas la caricature stéréotypée et semi-raciste digne de Dr. No), le réseau en partie décapité va chercher à se venger de 007 en l’utilisant à ses fins. Dans « The Nevsky Nude » (13 mai 1974), c’est le SMERSH qui effectue une réapparition surprise en tentant d’enlever le secrétaire d’État à la Défense, Lord Melrose. Cette histoire est l’une des rares dans lesquelles la mission de Bond se déroule uniquement sur le sol britannique. En guise d’exotisme local, les lecteurs auront droit aux campagnes du Sussex, aux souterrains d’un vieux château et, surtout, aux mystères entourant rien moins que le fantôme du Roi Arthur ! Le récit suivant, « The Phoenix Project » (23 septembre 1974) ramène Bond en Turquie, dans une opération démarrée avec le sabotage d’une nouvelle technologie de défense, capable de rendre son porteur invulnérable aux armes légères, aux grenades et au feu. L’aventure peine à convaincre en ne transformant pas la recette coutumière (un mixte entre ingrédients traditionnels de la saga et nouveautés), entravée par une opportunité scénaristique manquée (l’armure au cœur de l’intrigue est rarement montrée), l’absence de Bond girl et une répétition de séquence évidente (un énième programme de lavage de cerveau).

"The Phoenix Project" (1974) fait la couverture du T11 de la 2nde série d'anthologie Titan Books en février 2007.

Suzi Kew, vue en 1973 dans « Beware of Butterflies », revient le 19 février 1975 dans « The Black Ruby Caper » (« La Sombre Virée de Ruby ») pour aider Bond à combattre Mister Ruby, qui a monté l’opération Black Storm : souhaitant intégrer le SMERSH, Ruby veut éliminer le président de la République africaine de Bowanda en mettant une bombe à l’intérieur d’une statue. La sensuelle Damara Carver devient la deuxième James Bond girl noire de la série, tandis que les ambiances se teintent aussi de couleurs sombres (nuits, frondaisons et complexes de stockages). « Till Death Do Us Apart » (« Jusqu’à ce que la mort nous sépare ») débute le 7 juillet 1975 en illustrant l’amour apparemment tissé dans un château autrichien entre la belle Arda Petrich et son amant, Stefan Radomir. Les choses deviennent un peu moins romantiques lorsque l’on apprend que l’une est la fille d’un éminent agent du MI6, chef de section d’Europe de l’Est, et l’autre un agent secret bulgare qui ne cherche qu’à ravir les secrets du père. Bond devra déjouer les plans du KGB et ramener Arda saine et sauve en Grande-Bretagne. Conduisant notamment un étrange véhicule amphibie conçu par la branche Q, 007 redevient un solide agent de terrain, devant mettre en avant toutes ses qualités (pilotage, furtivité, combat, évasion, bluff). Notons également ici le travail effectué par Horak en termes de caractérisation des personnages, de séquences d’action percutantes, d’atmosphères et de cadrages lors des scènes de dialogue. Bond est désormais dépeint comme un agent las du monde, qui fait le travail en serrant les dents, un peu à l’identique du portrait de Timothy Dalton dans la séquence d’ouverture de « Tuer n’est pas jouer » (1987).

Les histoires d'amour finissent mal... (Strips introductifs pour "Till Death Do Us Apart", 1975).

Le 15 octobre 1975 voit débuter « The Torch-Time Affair », un récit plutôt court (77 strips) mettant de nouveau en scène l’intrépide Suzi Kew, qui aide cette fois Bond à retrouver un agent du SMERSH à Acapulco, l’organisation cherchant à déstabiliser le monde latino-américain. Avec son introduction nerveuse voyant Bond surgir en rotor dorsal pour sauver une femme livrée aux vautours à Bombay, « Hot-Shot » (16 janvier 1976, 118 strips) se hisse d’emblée parmi les meilleurs récits du duo Lawrence – Horak. Ce d’autant plus qu’une grosse surprise attend les fans : alors que 007 enquête sur une dramatique série d’attentats terroristes touchant plusieurs avions de ligne, il découvre que le méchant (qui se cache sous la fausse identité d’Huliraya) n’est autre que… le Dr. No ! Plus menaçant que jamais, ce dernier a équipé un pétrolier d’un canon baptisé Hotshot, un véritable faisceau de la mort solaire qui est responsable de l’abattage de tous les avions. Ne cherchez pas le réalisme, mais place au grand spectacle… Dans « Nightbird » (6 février 1976), la science-fiction se réinvite dans l’univers de Fleming par le biais d’un aéronef en forme d’oiseau géant, duquel surgissent d’agressifs aliens munis de pistolets à gaz soporifiques et adeptes du kidnapping de personnalités. Dans une intrigue à la mise en scène rendue plus cinématographique que jamais, 007 aura ainsi fort à faire pour stopper Ferdinand Polgar, un ancien producteur de films affreusement défiguré par de l’acide. Enfin, avec « Ape of Diamonds » (5 novembre 1976), les auteurs font un savoureux clin d’œil à quelques classiques : « Double assassinat dans le rue Morgue » de Poe (1841) et « King Kong » (1933) dont le remake réalisé par John Guillermin sort sur les écrans britanniques en décembre 1976. Bond est envoyé au Caire pour faire toute la lumière sur plusieurs attaques sinistres commises par un gorille géant. Lawrence se tourne à nouveau vers les animaux (gorille mais aussi éléphant) accomplissant de basses besognes, dans la veine de « River of Death » en 1969. Sexe et violence y sont de mises, Bond utilisant son Walther 7,65 mm. Problème de cette histoire plutôt efficace au demeurant : sa fin précipitée et incomplète, où Horak (dont le nom n’est plus mentionné) a donné la main (à partir du strip n° 3384) à un autre dessinateur, Neville Colvin. Chargé de quelques bandes supplémentaires (strips 3384 à 3437) destinées à achever l’histoire de manière plus complète, Colvin peine réellement à égaler Horak : visages moins précis, décors minimalistes et gestuelles improbables (voir en particulier le strip n° 3413) laissent craindre le pire pour la suite…

"Ape of Diamonds" (1976) : un autre King Kong ?

Tableau synoptique des strips dessinés à partir de 1977 par Horak, North et McLusky.

Heureusement, Horak est de retour le 30 janvier 1977 avec « When The Wizard Awakes » (« Quand le sorcier se réveille »), un récit très court (54 strips) qui démarre une quatrième sérialisation de la série. Fidèle jusqu’ici au Daily Express, la série passe dans sa version dominicale, le Sunday Express. Diffusée jusqu’au 22 mai 1977 à raison de deux strips par semaine, l’épisode conjugue traîtres hongrois, anciens agents du SPECTRE et système de ciblage de missiles recherché par les Russes. Peu satisfaits par le ralentissement du rythme de leur série, Lawrence et Horak cherchent d’autres pistes dans les quotidiens scandinaves : les quatre histoires suivantes ne seront donc pas passées dans les journaux britanniques, mais bel et bien dans plusieurs quotidiens européens, dont quelques journaux français comme Le Populaire du Centre. Ces épisodes ne déméritent cependant pas, en retrouvant l’essentiel de l’esprit 007 : femmes fatales et sous-marin en forme de dragon de mer dans « Sea Dragon » (1977), retour de Suki Kew et lutte contre Matteo Mortellito, inventeur d’un missile humain à haute technologie, dans « Death Wing » (1977), archéologue britannique perdu en Mongolie dans « The Xanadu Connection » (1978) et lutte pour déjouer un complot fomenté par un renégat de la marine soviétique dans « Shark Bait » (1978). Dans cette dernière aventure, Bond se transforme aussi en un véritable Indiana Jones, le temps d’une trentaine de strips se déroulant sous les climats arides de l’Outback australien.

"The Xanadu Connection" (1978) : course-poursuite nocturne en Allemagne de l'Est...

Le 2 février 1981, après une coupure de trois ans, la série est de nouveau récupérée par le groupe de presse britannique Northern & Shell, détenteur d’Express Newspapers (journaux Daily Express, Sunday Express, Daily Star et Daily Star Sunday). La série redémarre une nouvelle fois sa numérotation en entamant un cinquième cycle dans le Daily Star. Horak ne désirant plus poursuivre un travail devenu aléatoire, Jim Lawrence se tourne d’abord vers Harry North, un dessinateur connu pour ses travaux parus dans Look et Mad de 1971 aux années 2000. Délivré en 174 strips du 2 février au 19 août 1981, « Doomcrack » voit 007 (qui adopte un visage semi-parodique, intermédiaire entre Sean Connery et Roger Moore… avant de parler à Q pour la première fois de toute la série) affronter de nouveau le SPECTRE qui menace de faire exploser à la fois la Tour Eiffel et la Statue de la Liberté avec une arme sonique (le Doomcrack). Le face à face avec Madame Spectra vaut son pesant d’or, sachant qu’un intérêt amoureux va rentrer en ligne de compte ! Las, North débarqué va céder la place de manière improbable à… John McLusky, le vétéran de la série, qui n’avait plus dessiné 007 depuis 1966. Cinq inégales aventures suivront, entre le 20 août 1981 et le 15 juillet 1983, avec un 007 retouvant clairement le visage de Sean Connery version années 1970 : « The Paradise Plot » (strips n° 175 à 378 ; Bond et Suzi Kew contre Father Star, le chef d’un culte hippie amateur de dangereux gadgets technologiques), « Deathmask » (n° 379 à 552 ; le mégalomane Ivor Nyborg vise à propager un virus mortel depuis son avion robotique), « Flittermouse » (n° 553 – 624 : le retour de l’ignoble Dr. Cat), « Polestar » (n° 625 à 719 ; où Robert Ayr, président de Polestar Petroleum, complote avec un scientifique en fuite) et « The Scent of Danger » (n° 720 à 821 ; les grandes retrouvailles finales avec Madame Spectra). La série subira de nouveaux aléas en voyant sa diffusion brusquement interrompue dans le Daily Star au strip n° 673. Dans l’ensemble plutôt faiblement mis en scène par McLusky, auteur alors en deçà de son trait originel – toujours très daté années 1950 -, manquant de charme et de souplesse (sans parler du design plus que dépassé des décors et véhicule !), ces épisodes peineront à convaincre des lecteurs en attente de beaucoup plus de modernité graphique.

Des variantes graphiques peu convaincantes : "Doomcrack" (Alex North, 1981) et "The Scent of Danger" (McLusky, 1983).

Achevons cette très vaste rétrospective avec de courts épisodes isolés, inédits ou publiés hors des journaux britanniques : « War Cloud » (1978), « Snake Goddess » (1983 – 1984) et « Double Eagle » (1984), tous réalisés par Lawrence et Horak. « War Cloud » est un épisode débuté mais inachevé qui aurait dû suivre la publication de « Shark Bait » en 1978. Les quelques strips existants montrent Bond poursuivre une montgolfière utilisée par des agents du KGB. Un détail qui n’est pas sans rappeler l’actualité du moment, soulignant la fuite d’habitants de la RDA au-dessus du rideau de fer. Dans « Snake Goddess », c’est Miss Moneypenny qui est attaquée par un serpent géant, Bond devant ensuite défaire les plans – et créatures – hydrauliques de Vidyala. Enfin, dans « Double Eagle », des oiseaux de proie transformés en missiles incendiaires visent le mur de Berlin, dans un but assez incertain. Probablement dessinés assez rapidement, ces ultimes aventures ne jouissent pas de la meilleure qualité graphique, Horak nous ayant habitués à mieux. Demeure toutefois le plaisir de retrouver le physique de James Bond sous ses crayons et stylos. Car, avec le recul, force est de redire que la période Lawrence – Horak fut en parfaite concordance à la fois avec l’actualité internationale tendue entre l’Ouest et l’Est, mais aussi avec la tonalité des films et séries d’espionnage des années 1970 et 1980. Bond devient encore plus sombre, plus cynique et plus spectaculaire, flirtant parfois avec le fantastique (voir les titres originaux tels « The Golden Ghost » en 1971 ou « The League of Vampires » en 1972). Notons aussi qu’en parallèle des grands événements politiques survenus depuis la fin des années 1960 (les émeutes raciales et assassinats politiques en Amérique, le terrorisme d’extrême-gauche en Europe, la guerre du Vietnam, les troubles en Irlande du Nord), la version bondienne selon Lawrence et Horak aura grandi avec beaucoup plus de maturité et de tempérament que son homologue cinématographique, amplement plus grand public, notamment durant la période Roger Moore (de « Vivre et laisser mourir » en 1973 à « Dangereusement Vôtre » en 1985). Inutile de préciser que la longévité de la présence du personnage, côté presse comme côté écran, permettait à la série de conserver un lectorat particulièrement stable, dans un contexte de publication des comics pourtant assez morose.

"War Cloud " (1978), récit inachevé de Lawrence et Horak.

Les fans anglo-saxons purent retrouver assez vite par la suite tout ou partie des aventures de James Bond au fil des quatre anthologies successivement éditées par Titan Books entre 1987 et 2017 (les plus complètes étant les deuxième et troisième séries, débutées en 2004 et 2009 ; voir les détails et visuels dans la première partie de notre dossier). En France, ce fut tout l’inverse avec – presque – aucune traduction ni réédition disponible jusqu’à ce jour : l’une des très rares exceptions à le règle concerne d’abord les éditions Glénat qui, en octobre 1988, reprirent 207 strips encrés par Yaroslav Horak, dans un bel album grand format à l’italienne supposé être, d’après son titre complet (« James Bond 007 : L’Homme au pistolet d’or – Tuer n’est pas jouer T1 : 1966 »), le premier d’une intégrale « Stars & Strips »… qui ne vit cependant jamais le jour. Imprimé à seulement 4 080 exemplaires, cet album reste aujourd’hui très recherché.

Un seul livre en 1988 pour 007 selon Lawrence et Horak.

Du 1er novembre 1989 au 1er mars 1990, ce fut au tour du petit format mensuel Atemi (appartenant au groupe Mon journal), de livrer en traduction française quelques récits jusqu’alors inédits de Lawrence et Horak : « Jusqu’à la mort » (« Till Death Do Us Apart » dans Atemi n° 266 en nov. 1989), « Attention au piège » (suite de « Till Death Do Us Apart », dans Atemi n° 267 en déc. 1989), « L’Inconnue de la plage » (fin de « Till Death Do Us Apart » et début de « The Torch-Time Affair » dans Atemi n° 268 de janvier 1990), « Le Temps de la torche » (suite de « The Torch-Time Affair » dans Atemi n° 269 en février 1990). Dans l’ultime numéro d’Atemi (n° 270 de mars 1990), « Un Coup fumant » (publiée comme la suite de « The Torch-Time Affair » mais étant en réalité le début de « Hot-Shot », où réapparaît le Dr. No) fut donc interrompu sans que les lecteurs puissent prendre connaissance de la fin (et donc revoir Dr. No…), le titre de l’épisode prenant dès lors une tournure assez ironique !

Dans Atemi en 1989, les strips originaux étaient traduits et remontés en "planches", comme ici avec les strips n° 2949 et 2950 de "Till Death Do Us Apart" (1975).

« Le Monde ne suffit pas », du moins aux amateurs de James Bond ! Vous retrouverez donc la suite – et fin – de notre grand dossier rétrospectif dès la semaine prochaine, avec une ultime partie qui sera cette fois-ci consacrée aux divers autres albums et reprises concernant le plus célèbre agent britannique.

Philippe TOMBLAINE

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2 réponses à James Bond, opération comics (deuxième partie)

  1. GAUMER dit :

    Merci Philippe, bel article ! Vivement la troisième partie.

    Petites précisions, le volume de la collection « Stars & Strips » est coédité par Gilou. Frank Reichert en assure la traduction et José-Louis Bocquet le dossier d’introduction.

    Bien amicalement,
    PG

    • Tomblaine Philippe dit :

      Merci pour ces précisions.

      Dans son dossier d’introduction consacré à la vie de Fleming, Bocquet rappelle par ailleurs l’anecdote du repas où l’auteur avait été invité (au printemps 1960) par Kennedy. Un signal fort pour cette décennie « 007″ qui allait débuter sur grand écran…

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