Rahan retrouve Les Cahiers de la bande dessinée

En 1986, j’ai eu le grand privilège, avec la complicité de Jean Léturgie, de consacrer à André Chéret un numéro de la formule historique des Cahiers de la bande dessinée. Plus de trente ans après, la nouvelle formule des CBD, conduite par Vincent Bernière, consacre un numéro hors série à son héros le plus fameux : « Rahan ». Un éclairage plus que mérité sur un grand dessinateur injustement méprisé par les fans de la BD franco-belge.

S’il est vrai qu’André Chéret n’a jamais trouvé sa place dans les journaux phares de la BD franco-belge des années d’après-guerre : échec de « Domino » dans Tintin ou non livraison de scénarios pour « Michel Brazier » dans Spirou, il a trouvé son lectorat dans le populaire Vaillant, grand frère de Pif gadget.  C’est dans cet hebdomadaire qui lui doit beaucoup qu’il a campé en 1969 dès le premier numéro le personnage de « Rahan », le fils des âges farouches avec le scénariste maison Roger Lécureux. Fascinant dessinateur qui en ces temps lointains assurait avec une belle régularité les épisodes de vingt pages  de « Bob Mallard », l’aviateur (scénario de Jean Sanitas) né dans Vaillant et de « Rahan ». On peut regretter que ce hors série soit très discret sur les débuts du dessinateur qui a travaillé dans l’ombre pendant près de 15 ans avant de connaître le succès.

De la génération des Giraud, Mézières, Godard, Gotlib… il a souffert de la politique éditoriale d’un journal pour qui l’album n’était pas une nécessité économique. Aujourd’hui encore, malgré une forte notoriété « Rahan » demeure une série qui ne survit que grâce aux intégrales. Idem pour les originaux dont le prix de vente reste modeste, comparé à ceux qu’atteignent certains de ses confrères, souvent moins spectaculaires que les siens. Rahan  est un héros populaire, créé par deux auteurs venus du peuple, ayant vécu dans un journal lui aussi populaire. Et après tout n’est-ce pas la plus belle des consécrations ?

Revenons à ce hors série des CBD qui étudie sous toutes les coutures le fils des âges farouches. Rodolphe Massé revient sur le journal Vaillant et ses origines communistes, puis sur la genèse du personnage et sa longue carrière dans Pif Gadget. Nicolas Tellop se lance sur les traces des origines du personnage avant de s’interroger sur sa relation avec les femmes. Maël Rannou imagine les dix commandements du fils de Craô, tandis que Vincent Bernière propose une liste non exhaustive des inventions de Rahan. Le même tente de comparer Rahan et Naoh (le héros de « La Guerre du feu ») campé pour la BD quelques années plus tôt par le grand René Pellos.

Terminons avec quelques articles qui auraient fait sourire Roger Lécureux, celui d’Aurélien Lemant qui imagine Rahan victime du racisme anti blond, Nicolas Tellop qui psychanalyse Rahan fruit d’un traumatisme majeur avant d’imaginer une uchronie radiophonique avec Christophe Blain, ou encore Daniel Dupuis qui voit Rahan en défenseur des droits de l’homme (des cavernes). Reprise d’un entretien de Guy Lehideux avec Roger Lécureux réalisé en 1994 pour Hop !, extraits de notre rencontre avec André Chéret hélas amputée de la partie évoquant ses premiers pas dans la BD.

Un travail sérieux autour d’un héros incontournable dont l’intellectualisme ambiant surprendra le lecteur originel, mais néanmoins indispensable pour tout amateur du personnage. Un ouvrage sérieux dédié à l’œuvre colossale d’André Chéret reste à écrire. (1)

Henri FILIPPINI

(1) En attendant, vous pouvez toujours consulter le « Coin du patrimoine » que lui a consacré notre ami Gilles Ratier : André Chéret.

Les Cahiers de la BD, hors série Rahan, 132 pages couleurs, 14,90 €, en kiosque et librairies, ISBN : 978 10 96119 30 1

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5 réponses à Rahan retrouve Les Cahiers de la bande dessinée

  1. Crissant Clavier dit :

    André Chéret n ‘est pas un grand, il est un génie de la BD.

    Un instinctif pur jus, pas du tout théoricien « c’est comme ça que je dessine  » se borne-t-il à dire.Un manque d’éloquence qui a pu jouer contre lui au moment d’asseoir sa crédibilité quand d’autres excellent à ce jeu ,au point parfois de n’exister que par cela et de monopoliser l’attention.

    Inutile d’énumérer ses qualités de narrateur,immenses, ses trouvailles graphiques et narratives minimum toutes les trois pages,qui dit mieux (!) ,son coup de pinceau redoutable d’efficacité et d’une beauté rare,son rendu des matières ,le lettreur, la capacité à rendre fluides ,évidentes et très dynamiques , souvent sur une simple case histoires courtes oblige,des choses complexes.Là ou d’autres ,et pas des manches,s’ échineraient sur plusieurs cases pour faire la même chose,en moins efficace.

    etc….etc…etc…..

    Un génie.

    • BARRE dit :

      Tout à fait.
      Je me souviens d’une aventure où Rahan nage, et la case est construite de telle sorte que le lecteur épouse la vision du personnage, avec le dessin d’une partie du visage et le bras de Rahan en train de nager.
      Époustouflant !

  2. caramel dit :

    Pour les cahiers c’était quel n° SVP

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