« Ratafia T8 : Les Têtes de Vô » par Johan Pilet et Nicolas Pothier

Les équipées pirates de la série « Ratafia », album après album, sont à la langue française ce que ce sont les tempêtes en pleine mer, un vrai délire, sinon un vrai carnage : rien n’y résiste ! Pas même ce pauvre Romuald qui a du mal à se faire à l’idée que les cales du bateau sont à présent remplies de livres, et non plus d’or ! Alors, il déprime sévère, c’est le syndrome du manchot…

Tout a commencé dans l’épisode précédent (il y a quatre ans, déjà…), où tout faisait référence au monde du livre, de l’édition, des librairies ou des bibliothèques de façon évidemment désopilante, « un monde en pleine mutation – comme le disait Brigh Barber dans sa chronique sur BDZoom.com - que Nicolas Pothier, scénariste facétieux et dialoguiste pétillant, nous montre au travers le prisme d’un humour virevoltant. Pour les amoureux de la langue, cet album s’inscrit dans la lignée des « Achille Talon » de Greg ou des « Clopinettes » de Gotlib et Mandryka. Jeux de mots, allitérations soulignent les interrogations de la librairie indépendante, la politique des grandes chaînes de distribution… »

Le capitaine a en effet compris que pour développer sa santé mentale, il faut lire « au moins 5 livres et illustrés par semaine » !  De fait, l’équipage de la Kouklamou nage dans le bonheur et les bouquins, à la manière de ce bon vieux Picsou dans sa piscine de pièces d’or. Alors, Romuald, qui est sain de corps et d’esprit, c’est-à-dire pour un pirate qu’il entend rester l’œil rivé sur l’horizon pour trouver des bateaux à aborder ou des îles pour enterrer ses trésors, craque… Il reste là, assis sur la rambarde, les bras ballants et, de temps en temps, se jette à l’eau comme le font les manchots !

Sa dépression « atteint des sommets », « il touche le fond », rien ne va plus sauf les jeux… de mots ! Heureusement, une barque accoste, c’est un notaire qui apporte une très belle nouvelle, un héritage à partager avec d’autres marins, des « copains de Phâques » (lire fac !).  Parmi eux : Archibald Paddock, mais également ce bon vieux Porto – très balaise lui aussi ! -, ou Akable qui taquina si longtemps, si obstinément la baleine… Mais pour toucher sa part, il y a un rendez-vous et l’obligation de tous où s’y retrouver ! Problème : le satané pseudo maltais déteste par-dessus tout les voyages et n’a jamais quitté son île de Phâques, l’île « des grosses têtes », avec ses fameux moai (contrairement aux vrais, ceux-là regardent la mer, pourquoi pas ?).

Commencée en 2005 avec Fréderik Salsedo (qui dessine la série jusqu’au tome 5), le premier tome (« Mon nom est Capitaine ») mettait en scène un vieil homme qui  gagne au jeu un bateau de pirates, son équipage et quelques cartes au trésor. Mais ce Capitaine surprend ses marins par sa nonchalance, son goût pour la lecture et les arts en général. Il est poursuivi par le perdant, le capitaine Charles, qui ne comprend évidemment pas la stratégie maritime de Capitaine. La série continue sur cette base développant peu à peu son humour complètement foldingue avec dans le tome 3, « L’Impossibilité d’une île », une planche clin d’œil au « Dictateur » de Chaplin et des guides réellement bleus !

Avec le tome 5, « Le Nénuphar instantané », nouveau cycle et destination le Japon pour l’équipage du Kouklamou et son vaillant capitaine bien décidé à se lancer dans la fantasque quête du nénuphar magique, censée le mener par la suite à bien des trésors. Le capitaine y voit l’occasion de réaliser un magnifique carnet de voyage, mais parvenir en Nipponie n’est pas si simple, autant dire que de trépidantes et loufoques mésaventures les attendent. Ce nouveau cycle japonisant permet au passage de multiples jeux avec le manga et ses codes.

Dans « Fitzcarraldies », le tome 6, l’équipe du Kouklamou met les voiles sur les eaux calmes du fleuve Mamazone. Cecilio de Bovero, le plus grand ténor d’Amérique du Sud, trouble la tranquillité du voyage. Le capitaine s’est pris d’affection pour lui et a l’intention de l’aider à construire un opéra en pleine jungle (cet album renvoie bien évidemment au film « Fitzcarraldo »).

« Ratafia » est incontestablement un nouvel « Astérix » avec un scénario volontairement décalé, pour ne pas dire déjanté, lisible au premier degré, mais ne révélant ses subtilités humoristiques qu’à des lecteurs avides de second degré en tous genres, d’anachronismes savoureux, de jeux de mots totalement irrésistibles, esprit ludique tout azimut, que le scénariste a tenté de développer également dans sa série « Walhalla » qui ne connut que deux albums, malheureusement (voir chronique ici-même).

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).

http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Ratafia T8 : Les Têtes de Vô » par Johan Pilet et Nicolas Pothier

Éditions Vents d’Ouest (11, 50 €) – ISBN : 978-2-3440-0571-2

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2 réponses à « Ratafia T8 : Les Têtes de Vô » par Johan Pilet et Nicolas Pothier

  1. Marcel dit :

    « « Ratafia » est incontestablement un nouvel « Astérix » avec un scénario volontairement décalé »

    Je suis bien d’accord. J’aime cette série très drôle depuis le début, que les nombreux changements d’éditeur ont malheureusement un peu desservie, et c’est bien dommage.
    Glénat profite de cette nouveauté pour ressortir les anciens tomes, espérons que cela la remette un peu sur le devant de la scène, elle le mérite vraiment.

  2. Brigh dit :

    Glénat uniformise en effet l’aspect visuel de cette série et offre de nombreux bonus dans ces nouvelles éditions.
    Mon petit doigt me glisse à l’oreille que le 3ème tome de « Walhalla » serait prévu pour septembre.

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