« Hägar Dünor T3 : 1976-1977 » par Dik Browne

BDzoom.com avait déjà proposé une chronique du premier tome de cette intégrale des strips de « Hägar Dünor », début 2016, lors de sa parution, mais le tome 2 avait échappé à notre sagacité. Voilà donc la boucle bouclée avec ce troisième et dernier volume, qui offre, avec cette période 1976-1977, l’intégralité des bandes quotidiennes publiées aux États-Unis, entre 1973 et 1977. Trinquons avec Hägar, le Viking le plus débonnaire de l’histoire de la bande dessinée.

« Hägar Dünor » (« Hägar the Horrible » en américain) fait partie de ces bandes dessinées populaires qui ont « bercé » les jeunes années d’un grand nombre d’anciens lecteurs, tout du moins ceux qui lisaient Le Journal de Mickey dans les années 1970. C’est en effet dans cette revue, après Le Parisien (comme l’explique Cecil Mc Kinley, dans son article consacré à la période 1973-1974 : «  il y apparaîtra durant 18 ans, à raison de 4 000 strips publiés ») que Hägar a paru, sous la forme des bandes du dimanche, et ce durant 14 ans.

Ensuite, publié de manière un peu anarchique, mais régulière, dans des albums et même en format poche, à partir de matériel allemand ou anglais (voir la postface très documentée de Tristan Lapoussière sur ce tome), on peut dire que Hägar a entretenu une relation toute particulière avec le lectorat français. Certains pourraient d’ailleurs avoir eu du mal à déterminer si ces bandes étaient d’origine étrangère ou française, tant le personnage et sa famille ont influencé nos rétines, et sont présents dans nos esprits depuis.

Nous sommes au temps des âges sombres, c’est à dire entre la chute de Rome et avant le haut Moyen Âge, et les Vikings règnent en maîtres sur l’Europe. Hägar est un chef combattif, qui vit dans une toute petite masure (on voit rarement le reste du village), entouré, entre autre, de sa famille : Hildegarde, sa robuste mais tendre femme, Homlet son jeune fils, romantique mais un peu chétif, Ingrid, sa grande et belle fille, et d’autres personnages récurrents, dont Eddie, son compagnon troubadour, sorte d’idiot du village à l’entonnoir retourné sur la tête. Ah oui, n’oublions pas aussi Pilaf, son chien, qui est un bon chien d’arrêt, mais peut-être un peu trop !

Comme l’explique Chris Browne, son second fils, dans la préface assez émouvante dédiée à son père (1), ce dernier a toujours entretenu des relations d’amour très fortes avec sa famille, constituée de sa femme Joan, de ses deux fils : Chris et Robert « Chance », et de leur fille Sally. D’ailleurs, la famille de Hägar est une photographie assez inspirée de leur propre famille. Citant un crédo hippie de 1969, Chris nous explique quel était le ton de l’ambiance au sein de celle-ci, très soudée : « L’amour te fera tenir quand tu n’as pas d’argent, mieux que l’argent ne peut te faire tenir quand tu n’as pas d’amour. »

Ce ton là, on le retrouve dans l’humanité qui se dégage des bandes quotidiennes de notre Viking bienveillant, même s’il essaie de nous faire croire qu’il est un sauvage. Il est plus souvent occupé à boire du vin frelaté à l’auberge avec des copains, à rentrer (ivre) à peu près debout à la maison, ou a essayer de régler quelques soucis techniques ou philosophiques avec d’autres personnages (le chevalier en armure, quelques Saxons, des Anglais, des moines, ou un mage). Il faut dire qu’en une bande de 3, 2, voire 1 case parfois, il est difficile de réaliser des mises en scène très complexes. C’est tout l’art de Dik Browne – comme a pu le faire aussi, avec tellement de talent, un certain Charles M.Schultz pour ses « Peanuts » – que de nous faire rire ou sourire en si peu d’images et de mots. La thématique était cependant bien trouvée, et plutôt incongrue.

Si ce thème de l’âge sombre et des Vikings n’est qu’un prétexte, dont use Dik Browe pour nous régaler des ses gags, on ne s’offusquera donc pas de trouver quelques anachronismes ou libertés facétieuses, toutes là pour alimenter le potentiel comique des bandes. C’est ainsi que page 21, Hägar et Eddie jouent au ping-pong. Page 32, celui-ci se fait servir des chopes allemandes dans une taverne plutôt moderne. Page 61, il amène à Hildegarde le bossu de Notre-Dame en trophée. Page 65, c’est avec le carrosse en citrouille de Cendrillon qu’il revient de virée. Page 66, Eddie et lui versent de l’huile à partir d’un château fort. Page 72, le mage lui propose un chien mécanique.

Page 81, Eddie est surpris à vouloir sortir d’un gâteau surprise, à la façon de Lucky Luke dans « Dalton City ». Pour finir, sans vouloir tous les citer : page 123, où la petite famille part en maillot de grande époque pour une sortie (sous la pluie) sur la plage.

Urban comics, avec sa collection Urban strips, s‘est engagé dans un travail éditorial de rééditions patrimoniales bienvenu, et de qualité. (2) C’est donc avec grand plaisir que l’on savoure à nouveau ces bandes quotidiennes dans leur intégralité, et dans l’ordre chronologique, dans un bel album relié au format à l’italienne et à la couverture cartonnée. Un signet en tissu est même inclus, pour pouvoir faire des pauses dans ces purs moments de lecture-bonheur. Délicieux.

Franck GUIGUE

(1) Chris Browne a repris les bandes à la retraite de son père en 1988, lui qui l’assistait déjà depuis ses 21 ans, dés 1973, alors que ce dernier venait de commencer à perdre partiellement la vue.

(2) Voir la collection Urban strips sur le site officiel d’Urban Comics.
http://www.urban-comics.com/shop/

« Hägar Dunor T3 : 1976-1977 » par Dik Brown
Éditions Urban Comics (22,50 €) – ISBN 9791026810681

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Une réponse à « Hägar Dünor T3 : 1976-1977 » par Dik Browne

  1. Franck dit :

    Pour être tout à fait clair, et après un échange constructif, Tristan Lapoussière nous confirme que, s’il s’agit bien de tous les strips quotidiens 1973-1977, les suivants ne font donc pas partie de cette « intégrale », Urban comics ayant choisi de s’arrêter là. La suite sera donc à lire en anglais, chez Titan Books (« Hagar the Horrible: The Epic Chronicles – Dailies).

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