« Olympus Mons T2 : Opération Mainbrace » par Stefano Raffaele et Christophe Bec

D’où provient le curieux objet retrouvé en 2026 par l’équipe Océan Pathfinder au fond de la mer de Barents ? Quelle étrange découverte ont effectué les premiers cosmonautes envoyés sur Mars, sur les flancs du gigantesque mont Olympe ? Avec de tels mystères pour tenir en haleine leurs lecteurs, Christophe Bec et Stefano Raffaele, auteurs de la série SF « Prométhée », renouent avec le techno-thriller de haute volée. Paru début septembre, le tome 2 fait le lien avec des faits réels tout en interrogeant – par la fiction – l’avenir du monde…

Les 14 premières couvertures de Prométhée (2016)

Parus de novembre 2008 à juin 2017, les quinze tomes de « Prométhée » décrivaient une invasion extraterrestre de la Terre, survenue après le déclenchement d’un compte à rebours de 13 jours. Développant de nombreux axes narratifs à travers plusieurs époques et des dizaines de protagonistes, la scénariste Christophe Bec (également dessinateur des 4 premiers opus ; voir l’article en deux parties consacré au tome 1 en 2008) fera référence à la plupart des thèses complotistes et théories scientifiques ou pseudo-scientifiques évoquant les ovnis, les mystères de l’Histoire, les religions antiques, les expériences gouvernementales secrètes, les phénomènes paranormaux ou la cryptozoologie. À partir du tome 4, Stefano Raffaele prend en charge la partie graphique, tandis que Digikore Studios réalise la mise en couleurs numérique. Ce rythme de production effréné (2 albums par an entre 2012 et 2017) su conserver la complexité narrative inhérente à la série, mais conduisit parfois à des baisses de rythme dans l’intensité de l’action. La trame feuilletonesque et sérielle tant appréciée par Christophe Bec fait néanmoins des merveilles, comme le prouvent également ses autres créations récentes (« Deepwater Prison » depuis 2014 chez Soleil, sur un dessin de Raffaele ; « Eternum » chez Casterman depuis 2015 (dessin par Jaouen) ; « Le Fulgur » chez Soleil depuis 2017 (dessin par Dejan Nenadov) ou son adaptation du célèbre roman « Le Monde Perdu » (voir notre article consacré) d’Arthur Conan Doyle (3 tomes entre 2013 et 2017 ; dessin par Mauro Salvatori et Fabrizio Faina).

Couverture du tome 1 (Soleil - 2017) et vue du Mont Olympe (sonde Viking 2), aussi large que la France !

Christophe Colomb fait partie de l'aventure (tome 1 - planche 1)

Avec « Olympus Mons » (dont le tome 1, « Anomalie un », est paru en janvier 2017) les auteurs conservent les même grandes lignes directrices : une intrigue développée autour de plusieurs groupes de personnages (une équipe de télévision sur le mont Ararat, l’expédition martienne, les politiques et militaires russes, les membres d’Ocean Pathfinfer, le médium Aaron Godwin, etc.), la pluralité des lignes temporelles (de Christophe Colomb à nos jours en passant par Staline ou l’Opération Mainbrace en 1952) et un savant mélange entre (science) fiction et semi-réalité. Inévitablement, les visions et faits délivrés tissent un inquiétant réseau annonçant un prochain et probable cataclysme pour le genre humain. Plongés dans l’inexorable suspense de cette Apocalypse programmée, les lecteurs les plus curieux s’interrogeront tant sur le dessin de couverture que sur quelques uns des faits évoqués.

Un laboratoire secret dans l'URSS des années 1930 (tome 2, planche 3 - Soleil 2017)

En couverture, et de nouveau dans le droit fil du précédent « Prométhée », le titre de la série joue sur les rapports entre mythes antiques et cosmogonie contemporaine. En guise de Mont Olympe, nous aurons donc droit au fantasme de l’exploration et de la colonisation martienne (revisité en 2015 par Ridley Scott dans le film « Seul sur Mars ») ; en lieu et place du lieu de villégiature des Dieux, caché aux communs des mortels par omniprésent nuage, nous aurons droit au non moins impressionnant volcan de Mars, culminant à quelques 21 229 mètres. Comme semble le révéler la couverture orangée du tome 1, un vaisseau d’origine extraterrestre et de taille cyclopéenne aurait fort bien pu s’y crasher voici déjà plusieurs décennies, ouvrant la voie à toutes les interrogations sur son origine. Entre science et ignorance, le jeu est lancé. Reflet inversé, le visuel du tome 2 déploie une palette chromatique aux teintes froides et bleutées pour nous plonger dans la noirceur des bas-fonds de la mer de Barents, entre Norvège et Russie occidentale. Convoquant sous-marins, plongeurs, robots et présence extraterrestre selon un mode digne d’« Abyss » (James Cameron, 1989), Bec renoue là encore avec des trames et motifs visuels connus (relire ses séries « Sanctuaire » et « Carthago », ainsi que « Deepwater Prison », précédemment évoquée). Précisons que ces deux visuels ont été dessinés par Pierre Loyvet, un cover artist qui fut également crédité des couvertures de « Prométhée » depuis le tome 12, et plus récemment des premiers plats de « la Grande Guerre des Mondes » (2 tomes parus depuis 2016 chez le même éditeur).

Recherches pour la couverture du tome 1 par Pierre Loyvet

Seuls sur Mars... (Soleil 2017)

Jaquette exclusive Canal BD pour le tome 1

L’« Opération » évoquée dans le titre du tome 2 fait référence au gigantesque exercice naval réalisé par l’Otan du 14 au 25 septembre 1952 dans l’Atlantique Nord, entre Groenland, Norvège et URSS. Impliquant 80 000 hommes, 200 navires et 1 000 avions en provenance de 9 pays alliés, ce déploiement de force ne manqua pas d’attiser les rumeurs et les ufologues : plusieurs rapports déclassifiés évoqueront les nombreux ovnis observés au-dessus de la zone d’opération, entre Allemagne de l’Ouest, Danemark et Suède. Ces observations, faites par des membres d’équipages des porte-avions, mais aussi par l’armée de l’air britannique (puis reprises partiellement dans les journaux de l’époque) éveilleront tant l’intérêt des services concernés que la suspicion des sceptiques, lesquels, des décennies durant, poseront LA question : quels étaient les buts réels de l’Opération Mainbrace ? Attendons les tomes suivants d’« Olympus Mons » (le prochain opus paraîtra vraisemblablement fin janvier 2018) pour obtenir, sinon des réponses définitives, du moins une excellente mise en tension scénaristique et graphique, dans la veine des séries télévisuelles actuelles.

Rough par Pierre Loyvet pour la couverture du tome 2

Forces navales (extrait de la planche 29 du tome 2 - Soleil 2017)

Une du Yorkshire Evening Press en septembre 1952

Philippe TOMBLAINE
« Olympus Mons T2 : Opération Mainbrace » par Stefano Raffaele et Christophe Bec
Éditions Soleil (14,50 €) – ISBN : 978-2-302-06374-7

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