« Rose T1 : Double Vie » par Valérie Vernay, Émilie Alibert et Denis Lapière

La discrétion d’une jeune fille cache parfois de lourds secrets. Pour la très effacée Rose, ce sont même des mystères inexplicables qu’elle n’ose confier à personne et qu’elle garde au plus profond d’elle-même. Seulement le meurtre de son père, la rencontre avec d’infortunés fantômes et la découverte d’une vieille malédiction réveillent chez la timide Rose des talents d’enquêtrice. Elle en aura bien besoin pour dénouer tous les fils de ses ténébreuses investigations.

Dans une petite ville de ce qui ressemble fort à la côte basque, Rose est une jeune femme de 21 ans très discrète. Ses collègues du musée où elle travaille s’inquiètent même de ses moments d’absence lors desquels elle ne bouge pas et semble être ailleurs. Ils ont raison sur ce point : Rose est bien ailleurs, car elle possède depuis sa plus tendre enfance le don de se dédoubler. Son esprit quitte véritablement son corps et peut se déplacer fort loin de celui-ci. Elle peut ainsi écouter les conversations de ses collègues ou s’immiscer au cœur du dîner d’une famille dans la salle à manger de leur villa. La sonnerie de son téléphone portable la ramène à sa réalité corporelle pour une mauvaise nouvelle : son père est mort.

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Elle se rend à l’enterrement dans un état second. L’inspecteur Etchebarne lui apprend que son détective de père a été assassiné : son corps a été retrouvé échoué près d’une plage. Pour découvrir le ou les assassins, l’inspecteur a besoin de dossiers que le détective archivait dans le bureau de sa vieille maison de ville. Rose lui confie ce qu’il attend et monte se reposer à l’étage. Là, elle se désincarne, déambule dans la villa et découvre la présence de trois vrais fantômes, avec qui elle peut communiquer.

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Wanda Vontise, Bob Delonde et Achille Texiu étaient trois locataires de son père, morts la même nuit à cause d’une fuite de gaz. Ils ont beaucoup de choses à apprendre à Rose qui, en retour, va aux archives découvrir les raisons de leur présence incongrue 20 ans après leur disparition. Il semble qu’elle soit liée à la domiciliation dans cette demeure, au début du XVIIe siècle, de Maria de Ximildegui : une sorcière dont l’âme serait restée prisonnière des murs.

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Détective malgré elle et trouvant enfin une utilité à ce don qu’elle a longtemps qualifié de maladie, Rose découvre peu à peu des éléments étranges et disparates qui pourtant sont liés entre eux : les corps des personnes assassinées sur lesquelles enquêtait son père renvoient à des détails d’un tableau exposé dans le musée où elle travaille ; son père a tué un homme dans la cave de sa villa en lui rappelant un épisode vieux de 20 ans, sa naissance est nimbée d’un mystère que personne n’ose lui révéler.

Ce premier volume d’une trilogie annoncée installe une intrigue prenante et dense qui navigue sans à-coups, avec une grande fluidité d’un genre à l’autre ; du polar contemporain au fantastique inspiré du « Passe-muraille » de Marcel Aymé et du surnaturel médiéval de sorcières brûlées vives à la fine comédie de mœurs familiale. Ce scénario fin, riche sans jamais être redondant est l’œuvre d’un duo complémentaire. Denis Lapière s’est adjoint la directrice d’écriture de la série télévisée « Plus Belle la vie », Émilie Alibert, pour écrire ce polar fantastique initiatique dans lequel une jeune fille se découvre elle-même à l’issue d’une enquête construite patiemment, rythmée par des rebondissements vraiment inattendus.

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Le beau trait simple, comme évident, de Valérie Vernay, contribue à donner une épaisseur certaine à tous les personnages. Elle les installe dans leur cadre de vie, donne chair à leurs sentiments, leurs doutes ou leur solitude. Par ses couleurs pastel, elle installe une ambiance à la Simenon dans une petite ville de province : une station balnéaire hors saison, vide de touristes et emplie de secrets plus ou moins avouables. Nous avions déjà souligné la qualité de son travail dans nos chroniques sur ses précédentes bandes dessinées : les deux volumes de « La Mémoire de l’eau » sur un scénario de Mathieu Reynès et son adaptation avec Mathieu Gabella de « La Guerre des boutons ».

Entre activités paranormales, polar métaphysique et doutes juvéniles, la trilogie « Rose », prépubliée dans le magazine Spirou, s’adresse à un très vaste lectorat : dès le début du collège.

Couverture Rose T2, sortie septembre 2017

 

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Rose T1 : Double Vie » par Valérie Vernay, Émilie Alibert et Denis Lapière

Éditions Dupuis (12,00 €) – ISBN : 978-2-8001-5966-9

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2 réponses à « Rose T1 : Double Vie » par Valérie Vernay, Émilie Alibert et Denis Lapière

  1. Fabrice dit :

    « La guerre des boutons » , ne serait-ce pas plutôt avec Mathieu Gabella ?

    • Laurent Lessous dit :

      Bonjour Fabrice,

      Tout à fait, nous avons confondu les deux Mathieu. Mathieu Reynès pour le scénario de « La Mémoire de l’eau » et Mathieu Gabella pour l’adaptation du roman de Louis Pergaud « La Guerre des boutons ».

      Merci de votre lecture attentive,

      Laurent

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