« La Jeunesse de Mickey » par Tébo

Mickey a traversé l’Atlantique pour connaître une nouvelle jeunesse sous la plume alerte et impertinente du facétieux Tébo. Le cocréateur, avec Zep, de « Captain Biceps » s’approprie, avec une fougue revigorante, le personnage de Disney, le temps de cinq courtes histoires où il revisite l’histoire mouvementée des États-Unis. Voici une bande dessinée qui respecte les codes de la firme de Burbank pour mieux les revivifier, pour le plus grand plaisir d’un vaste lectorat.

La vieillesse est un naufrage, y compris pour les souris. Mickey a traversé vaillamment le siècle, mais, désormais, ses poils ont bien blanchi, sa vue est basse et sa mémoire défaillante. Il reconnaît à grand-peine le jeune Norbert quand celui-ci lui rend une visite de politesse. Et pour le petit souriceau, écouter son arrière-grand-oncle radoter n’est pas une sinécure. Pourtant, à partir de rien, des photos jaunies retrouvées par hasard, « Pépé Mickey » capte vite l’attention de son arrière-petit-neveu qui oublie alors son attrait pour les jeux vidéo.

La Jeunesse de Mickey page de garde
La Jeunesse de Mickey page 3

Il en a à raconter l’ancêtre : de sa participation à la ruée vers l’or, lors de laquelle il affronte, déjà !, Pat Hibulaire, et rencontre son ami Dingo à la conquête de l’espace avec un Donald maladroit, en passant par son action pour la paix durant la Première Guerre mondiale, son activité à la limite de la loi durant la Prohibition (du chocolat chaud) et son voyage au fin fond du bayou pour délivrer la jolie Minnie des griffes esclavagistes du toujours méchant Pat Hibulaire.

Pépé Mickey

Pépé Mickey donne mille détails de ses vieilles aventures en enjolivant, sans doute, certains passages, mais Norbert sait faire la part des choses et se tisse, petit à petit, une tendre complicité entre les deux souris. Norbert découvre, ainsi, les inventions surprenantes de son aïeul : casque sèche-pluie, lunettes à rayon X et machine à voyager dans le temps. En épilogue de l’album, comme son pépé a disparu en lui demandant de le rejoindre, Norbert utilise une machine temporelle pour le retrouver dans les méandres du temps… la suite, peut-être dans le tome 2 de « La Jeunesse de Mickey ».

En accord avec la compagnie Disney, les éditions Glénat ont confié quelques personnages créés par Walt Disney à des auteurs francophones. Libres à eux d’inventer des histoires nouvelles sans contrainte, ou presque. La multinationale états-unienne refuse ainsi toute idée de reproduction à ses héros — de fait, Norbert est passé de l’état de petit-fils à celui de petit-neveu de Mickey —, ou un vocabulaire trop cru — Mickey peut botter l’arrière-train de Pat Hibulaire, mais ne peut pas employer l’expression : « Coup de pied aux fesses » !

La Jeunesse de Mickey page 5
Mickey jeune

Après Trondheim et Kéramidas, auteurs de « Mickey’s Craziest Adventures », de Cosey avec « Mystérieuse Mélodie », et avant le « Café Zombo » de Loisel, Tébo a relevé le défi de faire cohabiter des personnages mondialement connus avec son propre univers d’auteur. Défi relevé haut la main. Raconter la jeunesse de Mickey, c’est pour lui l’occasion de visiter un siècle d’histoire des États-Unis. Il le représente, donc, lors des moments charnières du pays : la conquête de l’Ouest, puis les problèmes du racisme et de l’esclavage évoqués subtilement à partir de l’antagonisme chat/souris, la guerre des tranchées, la Prohibition des années 1920 et, enfin, la dernière frontière, la conquête de l’espace.

Le fil rouge entre chaque récit est constitué du dialogue entre Pépé Mickey et le jeune Norbert. Les réparties sont savoureuses, drôles, entre deux récits d’actions mouvementées. Les deux héros prennent de l’épaisseur au fil de leurs rencontres, de quoi s’attacher davantage à eux.

Le trait rond, mais dynamique, toujours en mouvement de l’auteur caennais s’accorde au style des premières aventures de la souris la plus connue au monde, née il y a près de 90 ans : le 18 novembre 1928, pour être exact. À l’époque, Mickey se bagarrait souvent, râlait, et n’était pas toujours gentil ! Exactement comme dans les cinq histoires inventées par Tébo. Son Mickey est reconnaissable au premier regard, son caractère bien trempé lui fait surmonter tous les obstacles qu’il rencontre : des méchants très costauds à des araignées géantes affamées.

La Jeunesse de Mickey page 43

Le scénariste de la remarquable trilogie « Alice aux pays des singes » se lâche, pour cet album, dans de superbes doubles pages astucieuses, emplies de détails et de mouvements décomposés, comme celle que nous vous présentons du train qui tombe d’une falaise. Du bel ouvrage pour un très bel album édité sur un papier de qualité avec dos toilé.

La Jeunesse de Mickey pages 14 15

Devant le succès, critique et public, des quatre albums publiés cette année, il se murmure que les studios Disney renouvelleraient l’expérience pour quelques albums de plus. Et pourquoi pas la suite de « La Jeunesse de Mickey » que nous évoquions plus haut ? Ce ne serait que faire justice au talent irrévérencieux de Tébo.  

Loin de Mickey Mouse et de l’humour à la Tébo, la semaine prochaine, nous vous entretiendrons d’une petite orpheline qui a grandi dans les méandres du métro parisien et qui part à la recherche de ses origines.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« La Jeunesse de Mickey » par Tébo

Éditions Glénat (17,00 €) – ISBN : 978-2-344-01428-8

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2 réponses à « La Jeunesse de Mickey » par Tébo

  1. Thark B. dit :

    Qui aurait cru qu’en 2016, on dirait encore que certains auteurs de Bd font « des p’tits mickeys » !? arf arf…

    En tout cas, c’est quand même bluffant : déjà 4 albums « Mickey made in Frogs » ^^, 4 parti-pris différents et originaux, 4 réussites ! Le syndrome du « faire-du-neuf-avec-du-vieux » a un peu trop envahi l’édition BD à mon goût…, mais là, coup de chapeau à ces revivals qui regorgent de jus et de créativité tout en étant dignes des grands noms qui ont construit le meilleur de Disney !
    Mickey, t’es un vieux croûton, oui, mais dans ces nouvelles aventures débridées, eh ben tébo ! euh… T’es beau… :)
    (… même si, comme Loisel, je préfère l’univers de Donald & Picsou ^^)…

  2. Laurent Lessous dit :

    Ce très bel album vient de recevoir le Fauve Jeunesse au dernier festival d’Angoulême, récompense méritée.

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