« Jules B, l’histoire d’un juste » par Armelle Modéré

Difficile d’expliquer certaines époques de notre histoire récente à de jeunes enfants. Les ambiguïtés de la période de l’Occupation, de 1940 à 1944, sont particulièrement malaisées à évoquer avec de jeunes lecteurs. « Jules B, l’histoire d’un juste » fait partie de ces bandes dessinées qui peuvent aider à aborder des sujets sensibles comme ceux de la délation, de la Résistance ou de la Shoah, auprès d’un lectorat encore candide.

Rien ne va plus pour Jules Badey, cordonnier d’un village de Bourgogne occupé pendant la Seconde Guerre mondiale. Les soldats allemands réquisitionnent clous et cuir, ce qui l’empêche d’exercer son métier. Sa femme est partie du domicile conjugal pour un homme plus riche, le Baron, qui demeure dans un manoir à la sortie du bourg. Il noie régulièrement sa détresse dans un verre de vin et flirte avec un alcoolisme quotidien.

                                                            Jules B. page 8

C’est en rentrant chez lui, après une soirée arrosée au Café de la place, qu’il trouve une voiture accidentée. Si le conducteur et sa passagère sont mortellement blessés, trois enfants cachés dans le coffre sont vivants, effrayés, mais bien vivants. Jules les recueille dans une maison bien trop grande pour lui seul, puis va demander l’avis et l’aide de ses proches voisins. À son grand désappointement, ceux-ci sont terrorisés. Ils pensent que Jules a aidé trois enfants juifs et que si les occupants l’apprennent ils risquent tous de gros ennuis.

                                                Jules B. page 22

Jules est décontenancé ; cet homme sans histoire, sans opinion sur la guerre et sur les Juifs, voit sa vie basculer soudainement, sans qu’il l’ait voulu. Homme sans famille proche, il se prend d’affection pour les trois enfants, dont l’aînée le sermonne pour son penchant pour la dive bouteille. Il prend conscience du danger qui pèse sur eux et, pour les sauver, il quitte le village pour la capitale en quête de leur famille. C’est le début d’un long périple, d’une rédemption au cours de laquelle ils croisent des policiers qui organisent une grande rafle de personnes juives.

                                                            Jules B. page 31

Dessinatrice remarquée d’ouvrages pour la jeunesse, nous avons évoqué dans un article précédent son travail sur la série « Lili Pirouli », Armelle Modéré emprunte quelques éléments de la vie de son grand-père pour bâtir ce récit simple sur un Juste parmi les Nations, c’est-à-dire sur une personne qui a mis sa vie en danger pour sauver des Juifs. On a calculé que les justes ont sauvé des centaines de milliers de personnes entre 1939 et 1945.

Le graphisme rond et les douces couleurs pastel de l’auteure, tout comme le schéma narratif simple et linéaire, rendent compréhensible ce récit historique pour les plus jeunes. L’utilisation d’animaux anthropomorphes permet une mise à distance salutaire d’avec des événements traumatisants, Jules a ainsi l’apparence d’un cochon costaud qui sauve trois petits chatons aux grands yeux éplorés, et non pas trois orphelins traumatisés.

                                                            Jules B. page 57

Les thèmes développés par Armelle Modéré comme la résistance, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, la peur diffusée dans une dictature, la solidarité ou l’empathie intéresseront un vaste lectorat de jeunes lecteurs. Les interrogations nées de leur appropriation personnelle de ce récit émouvant devront être écoutées par des adultes qui apporteront des réponses adaptées sur les aspects de l’histoire qui les ont interpellés.

                                      Les Malheurs de Jean-Jean page 6

« Les Malheurs de Jean-Jean » est une autre bande dessinée singulière qui sera lue avec profit par leurs parents aux tendres écoliers de maternelle et des premières années du primaire.

Élodie Shanta traite avec sensibilité et justesse des thèmes du harcèlement à l’école et de l’amitié à partir de l’histoire de Jean-Jean, un petit chien qui ne veut plus aller en cours parce que Brutos l’embête, qu’il n’a pas beaucoup de copains et que les filles se moquent de lui. Heureusement, il trouve par lui-même, des solutions à tous ses problèmes.

                                            Les Malheurs de Jean-Jean page 8

Un dernier mot encore sur une série qui nous amuse par son inventivité et son humour bon enfant : « C’est pas toujours pratique d’être une créature fantastique. » Après la licorne, la sirène et le loup-garou, c’est au tour du dragon de voir son quotidien être analysé avec une ironie bienveillante par Sibylline et Marie Voyelle.

Loin de la déportation et des affres de la guerre telles que celles vécues par Jules B, nous voyagerons la semaine prochaine avec de surprenants animaux sur les cinq continents grâce à la craie des étoiles.

Laurent LESSOUS (l@bd)

« Jules B, l’histoire d’un juste » par Armelle Modéré

Éditions Des ronds dans l’O (16 €) – ISBN : 978-2-9172-3795-3

« Les Malheurs de Jean-Jean » par Élodie Shanta

Éditions Des ronds dans l’O (10 €) – ISBN : 978-2-917237-99-1

« C’est pas toujours pratique d’être une créature fantastique T4 : Le Dragon » par Sibylline et Marie Voyelle.

Éditions Des ronds dans l’O (11 €) – ISBN : 978-2-37418-007-6

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