Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Spécial « Captain America »
L’évènement super-héroïque de cet été 2011, c’est bien sûr la sortie en France du film « Captain America », accompagné de nombreuses publications. Pour faire le tri au milieu de tout ce tohu-bohu, je vous propose aujourd’hui un choix resserré sur les deux albums qui sortent du lot par leur qualité et leur intérêt.
Nous en avons l’habitude, chaque sortie de film adapté de comics voit son lot de parutions d’albums en tous genres envahir les librairies et les kiosques afin de couvrir l’évènement. « Captain America » ne déroge pas à la règle, avec des ouvrages d’intérêts très divers. Nous n’en garderons que deux où l’on retrouve Kirby, Cassaday et Lee… Et si vous voulez en savoir plus sur ce super-héros historique, je vous rappelle que notre ami Jean Depelley lui a récemment consacré un très bon article en deux parties sur notre site : http://bdzoom.com/spip.php?article5143 et http://bdzoom.com/spip.php?article5164.
« Captain America : L’Intégrale 1964-1966 »
En tout premier lieu, mon choix va évidemment vers cette Intégrale qui nous permet de lire les fameux épisodes de « Captain America » du Silver Age, sous l’égide de Stan Lee et Jack Kirby. Un classique ! Vous le savez, Captain America fut l’un des premiers grands super-héros créés chez Marvel (alors Timely Comics) durant le Golden Age. On aurait pu espérer que Panini Comics ait assez de courage pour profiter de cet évènement afin de publier les épisodes historiques de Simon et Kirby des années 40, mais bon… dois-je réellement râler et espérer sempiternellement, voire naïvement ? N’empêche… ça, ça aurait été vraiment chouette ! D’autant plus que Captain America fit un retour assez contrasté, un peu difficile. Pas évident de ramener à la vie un vétéran de la guerre à l’époque de la Guerre froide, certes, mais aussi de la pop culture ! Et on sent bien ce décalage, en parcourant cet ouvrage : après les quatre premiers épisodes où – à part Zemo – Captain America combat plus des gangs de malfrats bien armés que de réels super-vilains, le cinquième épisode nous propose de nous replonger dans les années 40 et de découvrir les origines de Cap. Durant presque toute l’année 65, les lecteurs lurent des aventures de Cap réalisées dans les sixties mais se déroulant pendant la seconde guerre mondiale. Captain America n’ayant pas de super-pouvoirs à proprement parler, il était difficile de lui donner des adversaires trop puissants, et donc de l’inscrire dans le contexte de l’époque aussi facilement qu’un Namor… Malgré tout, fin 65, Lee replongea Cap dans le présent, sûrement à cause d’une partie du jeune lectorat qui était moins excitée par les panzers que par Johnny Storm. Comme souvent, Jack Kirby a commencé cette série en assurant les premiers épisodes avant de ne fournir que des ébauches que d’autres dessinateurs finaliseraient ensuite, sans s’interdire de revenir après pour quelques épisodes supplémentaires. Ici, ce seront George Tuska ou Dick Ayers qui complèteront parfois les dessins du maître. On notera aussi l’apparition de John Romita Sr sur la série… Alors que Captain America trouve sa place dans les Vengeurs, ses débuts en solo sont donc contrastés, avec des épisodes plus ou moins réussis sur le fond comme sur la forme (Kirby est parfois encré avec plus ou moins de bonheur). Mais ne boudons surtout pas notre plaisir et relisons ces aventures courtes toutes parues dans « Tales of Suspense » où Captain America partageait la vedette avec Iron Man. On y lira les origines de Cap mais aussi de Crâne Rouge, et verrons comment notre héros aborde tout doucement sa nouvelle vie… Bref, il était normal que Cap ait droit lui aussi à son Intégrale, et nous attendons tous les fameux épisodes signés Steranko…
« Captain America : La Sentinelle de la liberté »
Cet album me donne une nouvelle fois l’occasion de rappeler combien le 11 septembre 2001 a bouleversé le monde des comics, de « DMZ » à « Ex Machina » en passant par « Civil War ». Un an après la catastrophe, en septembre 2002, Marvel décida de relancer Captain America en inaugurant le vol.5 de la série. Un nouveau départ qui débute dans les décombres du World Trade Center, sur un ton aussi patriotique que désespéré. Les premiers numéros seront hantés par ce nouveau contexte mondial et cette blessure américaine, et les histoires n’auront de cesse de soulever les questions de la guerre, du pouvoir, du terrorisme, de la valeur de la vie… avec une grande gravité. Les six premiers épisodes sont joliment dessinés par John Cassaday (avec Dave Stewart aux couleurs, parfait comme d’habitude), apportant une sombre volupté à l’Å“uvre. Pour la suite, nous aurions aimé que Jae Lee dessine l’ensemble de la seconde histoire, mais il faut bien admettre que le style de Trevor Hairsine est moins lisse qu’il n’y paraît, nous offrant parfois des images esthétiquement très intéressantes. Mais le feu d’artifice vient enfin avec l’immense Jae Lee qui déboule dans la série avec toute la noirceur et la finesse qui n’appartient qu’à lui. Il insuffle au personnage une dimension dramatique énorme, et transforme l’environnement des héros en un théâtre de ténèbres d’une rare puissance. Un sublime dessinateur, un merveilleux artiste qui transcende tout ce qu’il touche par ses visions hallucinées, noires, d’une très grande délicatesse de trait, mais dont on ne parle pas assez, je trouve. Même si Cassaday séduit, si Hairsine surprend, l’arrivée de Lee en cours d’album équivaut à une déflagration rétinienne, à la plongée soudaine dans un univers graphique se démarquant puissamment de tout ce qu’on a l’habitude de voir… Même lorsqu’il avait repris le personnage de Hulk, Jae Lee nous avait transporté ailleurs, bien ailleurs, là où peu de dessinateurs avaient réussi à déceler la faille intime du monstre, du moins pas ainsi… Pas de manière aussi bouleversante. Ici, Jae Lee immerge Cap dans les méandres de ses cauchemars, nous y invitant par la même occasion. En synthèse, un album aux multiples qualités graphiques et proposant une période intéressante de « Captain America », très agréable à lire…
Cecil McKINLEY
« Captain America : L’Intégrale 1964-1966 » par Jack Kirby et Stan Lee Éditions Panini Comics (28,00€)
« Captain America : La Sentinelle de la liberté » par John Cassaday, Jae Lee, Trevor Hairsine et John Ney Rieber Éditions Panini Comics (28,00€)