Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...Léa Mazé, Prix Jeunesse ACBD 2018 se confie à BDzoom.com…
Léa Mazé a reçu le prix jeunesse ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée) à l’automne dernier pour le premier volume de la série « Les Croques ». L’occasion pour nous de mieux vous faire connaître cette jeune autrice qui nous surprend à chaque nouvel album.
Depuis son tout premier album, nous sommes fans sur BDzoom.com de Léa Mazé.
Vous vous en êtes rendu compte à la lecture de nos chroniques sur « Nora », « Elma une vie d’ours » et « Les Croques T1 : Tuer le temps », ce dernier fort justement récompensé du dernier prix jeunesse ACBD.
Léa a fort sympathiquement répondu à nos questions, nous la remercions encore de sa disponibilité.
Bonjour à tous et merci de me lire ! J’ai 28 ans, je suis bretonne, et je suis autrice et illustratrice depuis 2013. Je dessine depuis toute petite, et je me suis assez vite mise à faire des petites BD. Le fait d’en faire mon métier est rapidement devenu un rêve, j’ai donc travaillé dans cette direction, et je me suis orientée vers des études artistiques après mon bac (cinéma d’animation, puis BD et illustration). Depuis ma sortie de l’école, j’ai publié trois albums BD et un album illustré, ce qui est déjà bien au delà de ce dont je rêvais quand j’avais 10 ans, alors je suis comblée !
Nous avons beaucoup aimé « Nora », votre première bande dessinée publiée. La genèse de cet album remonte à la fin de vos études. Comment le projet a-t-il mûri ?
Merci beaucoup ! Oui en effet, « Nora » est née pendant mes études. C’est parti d’un exercice d’école, où l’on devait initier un projet BD. C’est l’idée « d’oublier de naître » qui m’est venue en premier, et le reste de l’histoire s’est brodé autour de ce concept étrange.
Pour écrire, je me suis beaucoup inspirée de mes propres souvenirs d’enfance, notamment dans les questions que je posais et les réponses que me donnaient mes parents. L’année suivante, j’ai voulu réaliser tout l’album en projet de diplôme, dans l’objectif de le proposer à des éditeurs en sortant de l’école. J’ai eu le grand bonheur de recevoir une réponse positive des éditions de la Gouttière ! Pour la petite histoire, j’ai décidé de redessiner toutes les pages pour l’édition, car je n’étais pas satisfaites des dessins de la première version… je crois que la Gouttière m’a prise un peu pour une folle sur le moment !
On retrouve dans « Nora » des thèmes récurrents de ta (courte) carrière : l’enfance, la mort, le deuil… As-tu conscience de développer un univers particulier marqué par ces thématiques ?
Haha, oui en effet, ce n’est pas forcément voulu, mais cela revient souvent sur le tapis. La mort est une thématique qui m’intéresse, m’intrigue, et me tourmente beaucoup… ce qui en fait une très bonne source d’inspiration ! Sans que je puisse vraiment l’expliquer, j’y trouve beaucoup de beauté et de poésie, et cela permet de traiter tout un tas de sentiments et d’émotions. Quant à l’enfance, c’est un thème très riche, sur lequel il y a tellement à dire ! J’ai le sentiment que l’enfance est faite de découvertes permanentes, d’incompréhensions, de questions… dans mes récits, j’aime bien essayer d’adopter ce regard, pour voir sous un nouvel angle des thématiques qui me travaillent.
Vous publiez en 2017 « La porte des pluies », autre album sur le deuil d’une enfant, comment s’est passé le travail avec le scénariste, Jérémy Semet ?
Jérémy m’a contactée parce qu’il avait lu et aimé « Nora ». Lorsque j’ai lu son texte, ça a tout de suite été le coup de cœur, notamment grâce à sa manière d’aborder le deuil, très lumineuse et pleine de douceur. Les éditions de la Marmite à Mots étaient déjà intéressées par le projet, alors tout cela s’est fait assez vite. La collaboration avec Jérémy a été très agréable car nos univers respectifs sont proches. Graphiquement, cet album a marqué un tournant pour moi, car l’éditrice m’a encouragée à faire les illustrations en couleur traditionnelle (ce qui me faisait une peur bleue jusqu’ici). J’y ai pris tellement de plaisir que j’ai eu envie de continuer sur cette voie par la suite !
Avec « Elma, une vie d’ours » vous entamez une collaboration avec une scénariste réputée dans le monde de la BD jeunesse, Ingrid Chabbert, nouvelle collaboration, nouvelle méthode de travail ? Une occasion d’aborder d’autres thèmes en BD ?
Oui en effet ! Contrairement à « La Porte des Pluies », qui est un album illustré, il s’agissait là d’un projet BD. Quand Ingrid m’a contactée et m’a présenté quelques lignes sur le projet, j’ai été vraiment séduite par les deux personnages et les possibilités graphiques que m’offrait leur voyage dans la nature. Comme j’aime écrire mes scénarios, j’ai demandé à Ingrid de pouvoir être libre de faire des aménagements, notamment sur la narration, la mise en scène et le rythme, car c’est ce qu’il m’intéresse le plus en bande dessinée. Elle écrivait donc un scénario découpé en pages et en cases, et j’adaptais ensuite cela « à ma manière », avec son accord bien sûr.
Cette collaboration a en effet amené de nouvelles thématiques, et m’a aussi permis d’explorer de nouvelles facettes de mon dessin, en testant de nouvelles techniques, de nouvelles mises en pages, etc. C’est comme ça que j’en suis venue à faire cet album en couleur traditionnelle sur du papier coloré et à prendre un peu plus de liberté sur la mise en page. J’ai appris beaucoup en faisant ces planches, et j’y ai pris un plaisir fou !
Vous venez de recevoir le prestigieux Prix Jeunesse de l’ACBD pour le premier volume du triptyque « Les Croques ». Vous aviez besoin d’un retour au travail en solitaire, comme autrice complète, d’une bande dessinée ?
En réalité, j’ai commencé à écrire « les Croques » en 2016, à savoir avant la « Porte des Pluies » et « Elma ». Après « Nora », et après l’abandon d’un projet en collaboration, j’avais très peur d’être en panne d’inspiration, ou pire, que « Nora » soit un coup de chance et que je ne sois pas capable d’écrire de nouveau.
Alors j’ai travaillé à trouver de nouvelles pistes de scénarios. Au final, j’ai eu plusieurs idées de projets et parmi elles, c’est « Les Croques » que j’ai eu envie de poursuivre tout de suite.
Le fait de recevoir le prix ACBD pour cet album « solo » est un très grand honneur, et m’a énormément touchée, puisqu’il salue notamment le travail que j’ai pu faire sur le scénario. Cela m’encourage vraiment à continuer d’écrire mes propres scénarios, et pourquoi pas, un jour, pour les autres !
Pouvez-vous nous présenter en quelques mots la trame narrative de cette nouvelle série ?
« Les Croques » est un polar jeunesse, divisé en trois épisodes. Il conte l’aventure de jumeaux, Céline et Colin, enfants d’entrepreneurs de pompes funèbres, dont le quotidien est assez morose : punis au collège, traités de « croque-morts » par leurs camarades, grondés à la maison… Ils ont aussi le chic pour se mettre dans des situations délicates, et ils iront même jusqu’à se faire renvoyer du collège pendant quelques jours. C’est pendant cette expulsion, en discutant avec le graveur funéraire, qu’ils vont se lancer sur la piste de marques étranges présentes sur certaines tombes du cimetière. Que signifient ces marques ? À quoi correspondent-elles ? Les jumeaux vont mener l’enquête, et découvrir que leur cimetière est bien moins ennuyeux qu’il n’y paraît…
Pouvez-vous nous indiquer deux ou trois choses sur les tomes suivants sans spoiler la fin de la série ?
Haha, beaucoup m’ont demandé ce que racontait la suite ! Évidemment, le but est de suivre toujours Céline et Colin et de découvrir avec eux les secrets de leur cimetière. Mais je ne peux pas vraiment en dire davantage sans spoiler, puisque j’ai écrit cette trilogie en m’amusant beaucoup avec les effets de surprise. L’idée était vraiment de jouer avec le lecteur, glisser des indices et des pistes au long du récit, le surprendre, lui permettre d’élaborer ses propres hypothèses. D’ailleurs, j’invite le lecteur à relire l’album, quelques indices se sont peut-être glissés à droite à gauche…
Un mot enfin sur la suite de votre carrière dans le monde de la bande dessinée, comment l’envisagez-vous ? Uniquement dans le paysage de la BD jeunesse ou avec des œuvres davantage destinées à un public adulte ?
Ce que je peux dire, c’est que ce début de carrière me ravit et m’encourage évidemment à continuer ! L’idée de m’essayer à l’écriture pour un public adulte m’intéresse, en effet. Après « Elma » et « Les Croques », j’aimerais me consacrer à un projet adulte qui mûrit tranquillement dans mes cartons depuis quelques années et qu’il me tarde de commencer.
J’espère pouvoir le démarrer dès l’année prochaine, et pouvoir tester de nouvelles choses graphiquement, en couleur traditionnelle toujours.
En dehors de ce nouveau projet, je serai ravie de faire de nouvelles collaborations, et de garder un pied dans la jeunesse, car c’est un registre et un public que j’aime énormément. Et enfin, comme je le disais plus haut, j’aimerais un jour essayer d’écrire pour d’autres, afin de tester une nouvelle forme de travail à deux. Bref, en tout cas, ce n’est pas l’envie de faire de nouveaux livres qui manque !
Propos recueillis par Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les Croques T1 : Tuer le temps » par Léa Mazé
Les Éditions de la Gouttière (13,70 €) – ISBN : 979-10-92111-79-8
« Elma une vie d’ours T1 : Le Grand voyage » par Léa Mazé et Ingrid Chabbert
Éditions Dargaud (10,95 €) – ISBN : 978-2205-077933
« Nora » par Léa Mazé
Les éditions de la Gouttière (16 €) – ISBN : 979-10-92111-22-4