« Les Racines du chaos » par Bartolomé Nicolau Seguí et Felipe Hernández Cava

Œuvre magistrale, thriller politique, mêlant manipulation psychologique aux soubresauts pesants de l’histoire européenne de la Guerre froide, le diptyque « Les Racines du chaos » est désormais disponible dans une intégrale regroupant les deux tomes déjà parus.

En mars 1953, en pleine guerre froide le maréchal Tito, président de la Yougoslavie communiste, effectue une visite diplomatique controversée à Londres. Alexander Ostojic, un citoyen ordinaire, chimiste à Scotland Yard, a néanmoins l’intention de jeter une bombe sur lui.

Quelques mois plus tôt, sa mère, sénile et internée dans une institution, était renversée, tuée sur le coup, par une voiture dans une rue de la capitale britannique. C’est à partir de ce moment-là qu’Alexander s’est retrouvé pris dans un engrenage machiavélique entre les services spéciaux britanniques et les royalistes serbes. Il se rend compte que sa mère, née en Serbie, lui avait caché une partie de sa tumultueuse vie et les actions de son père lors de la Seconde Guerre mondiale.

Il mène sa propre enquête pour comprendre son histoire, qu’il découvre inextricablement liée à celle de la Yougoslavie, un pays qui a connu une terrible guerre civile entre 1941 et 1945.

À Majorque, où il s’est réfugié, il réalise qu’il est le jouet d’une machination internationale.

Après la mort de sa maitresse, Vanessa, dont il se demande si elle n’était pas, elle aussi, une espionne, il est pris en main par des organisations paramilitaire, d’abord par un groupe de monarchistes serbes, d’anciens Tchetniks, puis par des membres de l’IRA en Irlande puis en Angleterre.

S’il réussit à se défaire de l’emprise des services secrets britanniques – le MI 5 – à Londres, au moment de la mort de Staline, il doit passer le reste de sa vie caché en Amérique Latine.

Ce thriller historique superbement maîtrisé est aussi un récit d’initiation. Un trentenaire, célibataire ordinaire, se trouve subitement confronté à un passé que sa mère lui a toujours caché. Au milieu des affrontements entre services secrets britanniques, partisans de la monarchie serbe et espions communistes, il enquête sur une histoire familiale qui se confond avec celle de la Yougoslavie, un pays miné dès l’origine par des conflits ethniques et religieux.

 

Le dessin réaliste et stylisé de Bartolomé Seguí rappelle un peu ceux de Loustal ou de Prado. Il compose des planches élégantes aux ambiances voilées par le brouillard anglais. Son trait épais, mais vif, teinte d’une certaine mélancolie les 96 pages d’une bande dessinée, au classicisme assumé, bercée par les narratifs abondants mais toujours clairs d’un personnage central qui se découvre en même temps qu’il met à jour des enjeux historiques et géopolitiques inhérents au début de la guerre froide.

 

Rigueur de la reconstitution historique, scénario ciselé, graphisme au charme désuet, tout est réuni pour faire des « Racines du chaos » une BD incontournable sur les jeux d’espionnage des années 1950. Cette intégrale réunit les deux tomes du diptyque : « Lux » et « Umbra » dont nous avons signalé la grande qualité sur notre site, lors de leurs parutions. 

 

 Laurent LESSOUS (l@bd)

« Les Racines du chaos » par Bartolomé Nicolau Seguí et Felipe Hernández Cava

Éditions Dargaud (19,99 €) – ISBN : 978-2205-07376-8

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