N’hésitez pas à revenir régulièrement sur cet article, puisque nous l’alimenterons, jour après jour, avec tout que nous envoient nos amis dessinateurs, scénaristes, coloristes, libraires, organisateurs de festivals et éditeurs pour vous souhaiter de joyeuses fêtes : et ceci jusqu’à la fin du mois de janvier 2024 !
Lire la suite...« Fatale T3 : À l’ouest de l’enfer » par Sean Phillips et Ed Brubaker
Après deux premiers volumes où nous étions partis sur les traces de la mystérieuse Josephine des années 50 à aujourd’hui, ce troisième opus de « Fatale » se fait kaléidoscopique pour nous donner l’opportunité de mieux comprendre le concept du personnage principal de cette série décidément passionnante et inattendue…
« Fatale »… Dans les dix premiers épisodes, Brubaker avait posé le postulat de départ et commencé à en tirer les ramifications étranges et inattendues qui sont la particularité même de cette série dont les frontières sont étonnamment poreuses avec le polar, le fantastique et l’horreur… Nous étions remontés jusqu’au milieu du XXe siècle, présent et passé s’entrechoquant dans les vérités révélées de l’histoire de Josephine, femme fatale par excellence… Les épisodes 11 à 14 que propose ce troisième tome rompent la lancée narrative originelle pour enrichir le propos d’éléments nouveaux offrant une belle ouverture à la série : quatre histoires, quatre époques, quatre portraits de la femme fatale qui devient alors plus un concept qu’une héroïne clairement identifiée. Jo, l’incarnation de la fascination qu’exerce les femmes sur les hommes, facette incarnée d’une réalité si difficile à cerner, troublante… magique ? Très certainement, et c’est sans doute cette part de mystère presque irréel que Brubaker a extrapolé et exploré dans cette série. Un Brubaker qui trouve en son vieux complice Sean Phillips l’allié idéal pour s’embarquer dans cette belle aventure, le dessinateur prenant apparemment un grand plaisir à illustrer cette série. Il faut dire que question ambiance polar noire et étrange, « Fatale » se pose bien là et donne à Phillips l’opportunité de faire ce qu’il aime.
Texas, 1936. France, 1286. Colorado, 1883. Roumanie, 1943. Mathilda, Bonnie, et Josephine à deux moments de sa vie passée… Des époques différentes, toutes traversées par des femmes d’exception dont les racines semblent liées à des forces invisibles. Ces quatre pièces du puzzle donnent une nouvelle dimension à la série, consolidant sa cohérence au sein d’éléments faussement disparates. Tout sauf des interludes superflus ou faciles, ces histoires courtes sont pour Brubaker et Phillips l’occasion de nous offrir des récits passionnants où tout leur talent s’exprime, avec acuité et justesse. L’émotion est toujours là, sous-jacente, comme un contrepoids aux événements fantastiques qui surgissent de la réalité. Car la femme fatale, sous ses apparences d’assurance et de dureté, n’est pas sans failles ni sans blessures ; c’est bien ce que nous signifie à nouveau Brubaker. Et de leur côté, les hommes sont si friables, avec leur nécessité vitale et primaire d’exister en tant que « vrais mâles »… Au-delà de l’hommage aux pulps, au-delà du comic de polar fantastique, il y a une dimension psychologique latente, dans « Fatale », sur les relations entre les hommes et les femmes. C’est une œuvre que l’on peut lire sur deux ou trois strates différentes, ce qui n’est pas la moindre de ses qualités… Vivement le prochain tome !
Cecil McKINLEY
« Fatale T3 : À l’ouest de l’enfer » par Sean Phillips et Ed Brubaker
Delcourt (14,95€) – ISBN : 978-2-7560-6034-7
Je n’irai pas jusqu’a dire « passionnant » pour cette serie car on se demande vraiment ou il va et s’il a la moindre idee de la facon dont ca peut se terminer, quand on fait trop monter la mayonnaise. C’est le principal defaut des auteurs americains modernes, voir la decevante fin de Y THE LAST MAN, de ECHO, et je ne parle meme pas de warren ellis qui est le specialiste du petard mouille. Sur cette serie de Brubaker, on sent venir la deception des le second tome, helas.
Mais c’est bien souvent l’intérêt de ces superbes séries US, en tout cas pour les auteurs qui viennent d’être cités, que de s’attacher avant tout à des situations, des personnages, des ambiances, et non pas a une intrigue générale souvent délayée en série (voir les classiques du polar en BD franco-belge…).
L’originalité de Y le dernier homme réside dans le ton et la multiplicité des courtes histoires présentées dans ce monde en ruine, clin d’oeil à nos contemporains.
Encore une fois, Brubaker et Philipps font un travail remarquable autour de cet univers mêlant polar et fantastique.
Bonjour Alexis,
Merci pour votre commentaire, vous avez répondu ce que j’allais écrire en substance à JC Lebourdais.
On ne peut pas faire une globalité des auteurs modernes tout comme des auteurs passés. Il y a toujours eu des génies et des faiseurs, et les « fins qui ne correspondent pas à la demande des lecteurs » existent depuis toujours, tout comme les surdoués de la « fin qui tue ». Mais au-delà de ça… Soyons sérieux… Arrêtons avec cette religion de la « bonne fin » qui serait la quintessence de la qualité d’une œuvre! Certes, une belle fin c’est toujours chouette, réjouissant, et oui, il faut regretter que des fins soient bâclées par des scénaristes sans génie. Mais une œuvre ne peut se réduire à ça!
L’intérêt et la qualité des auteurs et des séries cités par Mr Lebourdais résident justement dans ce refus d’une construction faite pour enfanter une fin spectaculaire, donnant autre chose à lire, prenant des chemins différents. Ce qu’il y a d’intéressant dans « Y », ce sont bien tous les personnages et toutes les situations que nous découvrons tout au long de l’œuvre et qui sont comme autant de révélateurs de notre société actuelle, pas la fin! Ce qu’il y a d’intéressant dans « Echo » ce sont bien toutes ces séquences où nous comprenons la psyché et le ressenti d’une héroîne particulièrement humaine, pas la fin! Ce qu’il y a de génial chez Ellis, c’est que par rapport à beaucoup de ses congénères Ellis est un pétard, un vrai, et non un faiseur d’argent-suspense! Qu’il pète ou non, qu’il soit mouillé ou non, peu importe! C’est le pétard en lui-même qui compte, et tout ce qu’il dit justement AVANT le dénouement de l’histoire… Et il faut comprendre que lorsque le pétard s’avère mouillé, c’est encore du fait d’un auteur tel qu’Ellis, c’est volontaire, pour nous dire des choses, nous faire réagir. Mais réagir sur l’humain, sur notre vie, notre responsabilité, et non sur notre attente d’une fin réussie dans une fiction achetée dans le commerce…
Bon, bah voilà, j’l'ai dit…
Bien à vous, cher Alexis.
Cecil McKinley
Tout à fait d’accord avec Alexis et Cecil. Le but d’un bon comics et d’une bonne série ne sont pas un final époustouflant, après lequel tout s’arréterait. Pour info et de mémoire (entendu chez les comic-shops de l’époque), plusieurs fans ont arrété d’acheter et de lire des comics après le Watchmen 12 de Moore et Gibbons (mais il faut dire que l’attente avait été longue!).
Ce qui fait l’intérêt du scénario d’un comics (ou d’une série de comics), c’est la qualité de l’écriture, l’intelligence des dialogues, la subtilité avec laquelle les enchaînements sont proposés. Il est difficile d’innover dans ce domaine où des dizaines de milliers de comics ont été produits, parfois avec des mécanismes assez éculés et répétitifs.
Il faut donc remercier les éditeurs d’avoir osé faire travailler des scénaristes britanniques comme Moore et Gaiman, bien sûr, mais aussi Grant Morrison, Pete Milligan, Warren Ellis, Garth Ennis, et j’en oublie sans doute (mais ces noms me viennent spontanément à l’esprit, tant leur oeuvre avait été marquante, même quand elle avait été mise en image par un dessinateur moyen). Je ne cite pas d’auteurs américains récents, parce que j’ai arreté de lire les comics après 2001 Mais il y en a eu certainement depuis!.
Donc pour finir, lire un comics ou une série, ce n’est pas attendre bêtement la dernière page: ce n’est pas comme un voyage un avion , où l’on attend le moment où il va enfin poser ses ailes et arrêter ses moteurs. C’est un voyage où le scénariste vous tient par la main, vous entraine dans les méandres de son imaginaire, de sa technicité et du jeu qu’il entretient avec les personnages et les lecteurs, et vous laisse apprécier chaque minute. Enjoy… if you can!°)
Yes, we can!
Monsieur Lebourdais (qui doit être un sacré bourdeux!°) a l’air assez aigri de nature, sans doute très exigeant, mais rarement satisfait de ce qu’il fait. Il s’était vanté de façon assez infantile sur ce site d’avoir une collection imposante, mais il montre ici qu’il ne sait même pas lire et apprécier ce qu’il collectionne!
J’en profite pour parler d’une série qui me semble passer un peu inaperçue en ce moment (je ne crois pas que Cecil en ai parlé dans ses chroniques, mais j’ai pu passer à côté) : The Massive, par Brian Wood, qui me semble très représentative de cette discussion.
Série dont l’histoire semble à peu près sans queue ni tête, et où l’on voit mal comment Wood pourrait trouver une fin convenable, mais dans laquelle chaque personnage, chaque histoire parallèle trouve un véritable écho dans notre monde contemporain.
Dans un monde dévasté par une série de catastrophes naturelles liées aux changements climatiques, l’histoire de ce bateau et de son équipage perdu en mer est l’occasion de magnifiques scènes, très évocatrices et magnifiquement illustrées par Garry Brown.
Encore une fois, Wood montre son désir d’écrire une fiction qui s’attache à nous faire réfléchir sur notre rapport au monde, même si les grincheux pourront trouver qu’il y va fort sur le nombre de références placées.
Mon seul regret sera que Panini édite cette série, j’aurai tellement préféré que Delcourt ou Urban s’en charge..
Bonjour Alexis,
Merci de votre commentaire.
Vous avez raison, je n’ai pas parlé de cette série sur BDZoom, et pourtant j’aurais sûrement dû le faire… Mais difficile de ne rien louper dans la profusion de titres qui sortent, et Panini ne joue pas le jeu avec les journalistes… D’où ce manquement… Mais cette série étant en cours aux États-Unis, Panini devrait continuer à l’éditer, et je pense que j’achèterai le prochain album pour en causer… C’est bien parce que c’est Brian Wood, hein..! (J’adore aussi ce scénariste.)
Bien à vous,
Cecil