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« Les Premiers Récits » : quand Philippe Delaby découvrait l’Histoire…

16/02/2023
Par Philippe Tomblaine

Les passionnés d’Histoire et de fantasy connaissent bien sûr le regretté Philippe Delaby (1961-2014) pour son travail exemplaire sur « Murena » et « La Complainte des landes perdues » (tomes 5 à 8). Nul doute qu’ils trouveront un intérêt certain à se repencher sur les « Premiers Récits » du dessinateur belge : soit une vingtaine d’histoires, jadis parues dans Tintin, Hello BéDé ou éditées par Le Lombard. Les voici réunies à présent dans une belle intégrale de 272 pages, publiée depuis quelques semaines par Les Corsaires de la BD.

Premières planches pour « La Dernière Sortie des gladiateurs » (Le Lombard, 1987).

Né à Tournai le 26 janvier 1961, Philippe Delaby découvre la peinture à l’huile aux Beaux-arts avant de suivre des cours d’imprimerie et de typographie. Fasciné par Jacques Martin, Bob De Moor et Edgar P. Jacobs, repéré dans un concours de dessins à Mons en 1978, il rencontre Jean-Luc Vernal qui l’incite à cultiver ses passions. Il se lance ainsi pleinement dans la bande dessinée en 1987, avec une suite de récits historiques scénarisés par Yves Duval ou Muriel Beullens et publiés successivement dans le journal Tintin, puis Hello BéDé, titre qui succède au précédent à partir de septembre 1989. Parmi les histoires courtes, citons ici « La Dernière Sortie des gladiateurs » (Tintin n° 597 du 17 février 1987), « Un marché écossais » (Tintin n° 685 du 25 octobre 1988) et « La Bataille des glaces » (Tintin n° 690 du 29 novembre 1988). Si l’on repère assez vite le goût prononcé des auteurs pour les scènes de bataille, les intrigues politiques et l’époque moderne britannique (du XVI^e au XVIII^e siècle), on admire surtout le talent de Delaby à retranscrire, en à peine quelques planches, des récits souvent très denses en termes de personnages, costumes, décors et dialogues. Notons que quelques pépites et bonus complètent agréablement ce corpus, dont cette proposition en noir et blanc des planches de « La Vallée du chagrin » (un récit uniquement paru dans la version néerlandaise du Journal de Tintin en mai 1989), laquelle permettra de constater que la colorisation n’améliore pas toujours les choses !

Extrait de « Présage » (Le Lombard, 1992).

S’il ne fallait en citer qu’un, nous retiendrions « Présage », récit initialement publié dans les numéros 163 et 164 d’Hello BéDé en novembre 1992 : dans cette sombre histoire d’exaction de l’armée romaine, tout (personnages, cadrages et graphismes) fera en effet déjà songer à « Murena », série qui ne sera toutefois débutée chez Dargaud avec le scénariste Jean Dufaux que trois ans plus tard.

Couvertures pour « Richard Cœur de Lion : L’Épée et la croix » et « Arthur au royaume de l’impossible » (Le Lombard, 1991).

Planche originale pour « Arthur au royaume de l’impossible ».

Tirée à 500 exemplaires (dont 50 n°/signés hors commerce, accompagnés d’un ex-libris en noir et blanc), cette copieuse intégrale rassemble 17 récits courts, ainsi que plusieurs illustrations d’articles, ébauches de projets (notamment la suite de « Cranach de Morganloup », un temps envisagée avec Jean-Luc Vernal après le départ de Didier Convard) et divers albums complets : « Richard Cœur de Lion : l’épée et la croix » et « Arthur au royaume de l’impossible » (Le Lombard, 1991), titres scénarisés par Yves Duval et « Bran : légende née des tourbillons du vent du nord… » (Le Lombard, 1993), sur scénario de J.-L. Vernal. Relativement classique et didactique, l’ensemble ne démérite pas. Si Delaby échouera ensuite à populariser ses séries celtiques et médiévales (« L’Étoile polaire », scénarisée par Luc Dellisse), son savoir-faire sera pleinement récompensé dans les deux décennies suivantes au travers de « Murena ». L’Histoire est œuvre de connaissances, de maîtrise et de patience : se replonger dans ces « Premiers Récits » permet indéniablement d’en prendre conscience…