Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
Lire la suite...« Bram Stoker Dracula », réédité et heureux de l’être…
En 1897, l’écrivain irlandais Bram Stoker révolutionnait le roman gothique en revitalisant la figure maléfique du vampire. Inspirant des générations d’auteurs, trouvant un écho mondial au travers d’adaptations cinématographiques cultes, le comte Dracula interrogeait le désir de vie éternelle autant que les limites entre le bien et le mal, humanité et monstruosité. George Bess, auteur d’une adaptation somptueuse en 2019, récidive ce mois-ci avec une version complétée par la mise en images inédite de la nouvelle « L’Invité de Dracula ». Pour les mordus des encrages puissants…
208 pages en noir et blanc pour la version classique, publiée en 2019, contre 224 pour la présente réédition (versions classique ou prestige dites définitives). Entre les deux, se sont donc glissées quelques pages d’études et de croquis, ainsi que l’adaptation d’une nouvelle datant de 1914. Avec « L’invité de Dracula, » Bram Stoker écrivait une sorte de préquelle à son célère roman, racontant la première rencontre (près du bois de Boulogne !) entre le clerc de notaire Jonathan Harker et le surnaturel, sorte de prélude à sa visite au château du comte Dracula. Nul doute que le plaisir évident pris par George Bess à retranscrire le plus fidèlement possible le « Dracula » originel aura beaucoup joué dans la qualité de l’album : précision des cadrages, souci permanent du détail et de la composition grande fidélité vis-à-vis du texte et des dialogues de Stoker, vision éminemment torturée et gothique du mythe vampirique qui, ne l’oublions pas, a souvent tendance à transformer le bourreau en héros, l’émanation du mal et sulfureux rapport digne d’Éros et Thanatos.
Dracula rivalise probablement avec Sherlock Holmes pour le nombre record d’adaptations cinématographiques ou télévisuelles : plus de 300 ! Réduire le mythe à un seul et unique visuel est ainsi d’autant plus difficile qu’une kyrielle d’affiches, couvertures, publicités ou illustrations diverses auront popularisé une vision archétypale : air et costume aristocratique sombre, cape, teint pâle, cheveux blancs – ou, à l’inverse, noir de jais -, nez aquilin, sourcils épais, mains velues, canines pointues, charisme hypnotique, odeur d’outre-tombe, rapidité des déplacements, absence d’ombre ou de reflet, capacité métamorphique, attirance pour le sang, pouvoir de commander des créatures inférieures… Rappelons également que « Dracula » est un roman épistolaire, la vision d’ensemble dépendant par conséquent de diverses lettres, carnets et témoignages (parfois émus ou admiratifs) placés bout à bout. De fait, Dracula (ou ses ersatz) sera toujours vu un peu différemment au fil des adaptations. Dans le film « Nosferatu, fantôme de la nuit » de Werner Herzog (1979), remake du « Nosferatu le vampire » de Murnau (1922), le personnage, prisonnier du temps, avoue ainsi à Harker regretter de ne pas pouvoir mourir.
En couverture, donc, auteurs (dont Pia, l’épouse de Bess) et éditeur ont opté pour une vision alternative : « Dracula » laisse la place à son aspect le plus cauchemardesque, tête de mort aux dents carnassières hors-normes, surgissant au sein d’une nuit macabre en dépit d’un climat aussi suranné que romantique (« Dracula » étant aussi, faut-il le rappeler, une histoire d’amour). « Fleurs du mal », à la façon de Baudelaire qui signe aussi dans son fameux recueil un poème intitulé « Vampire », et « Vampire », cette fois selon John William Polidori ou Lord Byron, « Dracula » apparaît d’abord sous cette même forme spectrale dans l’œuvre dessinée (planches 20 et 23) ; comme autant de visions cruellement prémonitoires des affres et souffrances qui parsèmeront ensuite l’odyssée du héros…
Nul doute que la fête d’Halloween, fin octobre, donne l’occasion à Glénat de rééditer l’album en version augmentée, à la suite du tout aussi remarqué « Frankenstein » réalisé par George Bess en 2021. Précisons que Glénat semble par ailleurs vouloir se démarquer dans le genre horrifique, avec les publications successives et très rapprochées du « Manoir Sheridan » (T2 en août 2022), « Lord Gravestone » (T2 en septembre 2022), « La Bibliothèque des vampires » et « Dracula» version Disney (septembre 2022 ; voir Mickey chez Dracula !). Un corpus auquel nous ne manquerons pas d’adjoindre « Les Vampires de Benarès » : trilogie signée par Bess en 2011-2012… chez Glénat. L’éditeur grenoblois (également associé aux excellents « Prince de la nuit » d’Yves Swolfs et « Requiem, chevalier vampire » de Pat Mills et Olivier Ledroit) n’aurait-il pas, de fait, déjà vampirisé le meilleur de la production contemporaine en la matière ?
Philippe TOMBLAINE
« Bram Stoker Dracula : édition définitive » par George Bess
Éditions Glénat (27,50 €) – EAN : 978-2-344045718
Version prestige définitive (39 €) – EAN : 978-2-344054611
Parution 19 octobre 2022