Eduardo Teixeira Coelho : le maître portugais (seconde et ultime partie) !

Lorsque ses premiers dessins apparaissent en France dans les pages du grand magazine Vaillant, au milieu des années 1950, Eduardo Teixeira Coelho compte déjà une longue carrière derrière lui dans son Portugal quasi natal. Voici la suite — et la fin — de l’évocation de ce grand créateur de l’après-guerre qui, comme beaucoup d’autres, finira sa vie dans la misère… Pour lire la première partie, cliquez ici : Eduardo Teixeira Coelho : le maître portugais (première partie) !.

« Le Furet » Pif gadget n° 1557 (avril 1975).

« Le Furet » Pif gadget n° 1572 (21/07/1975).

Après l’arrêt de « Robin des Bois », Coelho est invité à camper « Le Furet » : nouvelle série une fois de plus imaginée par Jean Ollivier.

En l’an de grâce 1160, sous le règne du roi Charles VII, Le Furet est un ancien de la Cour des Miracles.

Grâce à son agilité, il vient en aide au roi lorsqu’il s’agit de combattre les injustices.

Malgré un scénario original et un personnage sympathique, la série ne parvient pas à convaincre les lecteurs de Pif gadget : 13 épisodes complets de 12 pages sont publiés en 1975 et 1976.

Elle commence dans le n° 1557 (04/1975) avec « La Cour des Miracles » et prend fin dans le n° 1624 (08/1976) avec « Les Loups-garous ».

L’ensemble de ces pages aux images spectaculaires n’a été compilé que dans trois albums discrètement proposés par les éditions du Taupinambour, en 2014, à un tirage insignifiant.

« Le Furet » Pif gadget n° 1624 (juillet 1976).

Après cette brève tentative, le duo Coelho/Ollivier revient au temps des Vikings avec « Erik le rouge », série qui sera elle aussi de courte durée. Viking à la tignasse rousse injustement banni du Royaume de Norvège, Erik parcourt l’océan à la découverte de mondes inconnus. Cette saga nordique mêlant dieux et humains ne compte que neuf épisodes publiés en 1976 et 1977 entre les n° 1636 (11/1976) et 1682 de Pif gadget.

« Erik le rouge » Pif Gadget n° 1636 (25/10/1976).

C’est après avoir dessiné « Gerfried » dans le magazine allemand Yps que Coelho revient dans Pif gadget, en 1979, avec la création d’« Ayak », une nouvelle fois avec le concours au scénario de Jean Ollivier.

« Ayak » Pif gadget n° 543 (20/08/1979).

Ayak est un grand loup solitaire qui évolue au cœur de la forêt canadienne, dans la région des Rocheuses. Jusqu’au jour où sa route croise celle de la blonde Ann : petite fille du chercheur d’or irlandais Tom Ryan, au temps de la ruée vers l’or du Yukon. Entre l’enfant et le loup blanc naît une solide amitié permettant à ces deux solitaires de survivre dans une région hostile.

« Ayak » Pif gadget n° 690 (15/06/1982).

« Ayak le loup blanc » qui commence dans le n° 1781 (08/1979) de Pif gadget, se poursuit jusqu’au n° 2026 (05/1984), totalisant 56 épisodes de dix pages. « Ayak » est la dernière participation de Coelho au successeur de Vaillant.

« Ayak » Pif gadget n° 788 (01/05/1984).

 Trois albums seulement ont été proposés par les éditions GP/Rouge et or, en 1980 et 1981. Le loup blanc revient en avril 2005, le temps d’un unique épisode publié dans le nouveau Pif gadget : « La Loi des terres sauvages », écrit par Jean Ollivier est dessiné par Coelho peu avant son décès. Ce sont 12 pages au trait un peu malhabile, mais ô combien émouvantes !

« Ayak » Pif gadget nouvelle série n° 10 (28/04/2005).

« Aymerigot le routier  », trois pages scénaristes par Jean Olivier, Vaillant n° 650 (27/10/1957).

Contrairement à d’autres collaborateurs de Vaillant, Eduardo Coelho participe peu à l’animation du journal, probablement à cause de son éloignement de la rédaction.

On lui doit une dizaine de récits complets entre 1957 et 1964, quelques illustrations de contes et nouvelles, ainsi que trois récits de la série « Jean Richard raconte… » en 1975 et 1976.

Signalons aussi « La Forteresse imprenable » une histoire en 12 pages écrite par Georges Rieu : étonnant manifeste contre la guerre du Vietnam publié dans le n° 1206 de Vaillant le journal de Pif (14/07/1968).

« La Forteresse imprenable » Pif n° 1206 (14/07/1968).

Coelho est aussi le dessinateur de « Thorwald Erikson » (une histoire en 12 pages écrite par Jean Ollivier pour L’Almanach 1970 de l’Humanité), puis des « Enfants de la Commune » (20 pages scénarisées par Roger Lécureux dans l’édition de 1971) et, enfin, du « Tapis de Boukhara » : une aventure de Nasdine Hodja de neuf pages (encore un scénario de Roger Lécureux) dans celle de 1972.

« Thorvald Erikson » Almanach de l’Humanité (1970).

Pour le quotidien L’Humanité, il illustre un strip de 128 bandes — avec les textes placés sous les images — proposées du 25 avril au 10 octobre 1968 : « Les Orgues du diable », adapté du roman de Robin Carvel par Jean Sanitas.

« Les Orgues du diable » L’Humanité (1968).

Il aborde à nouveau la bande dessinée pour jeunes enfants avec la création de Pipolin, dont les facéties sont publiées par le mensuel des éditions Vaillant portant son nom.

Lancé en octobre 1957, Pipolin est un magazine de 16 pages en couleurs dont Coelho est l’auteur de la plupart des couvertures.

Chaque mois, il dessine les aventures de ce joyeux nain à la barbe blanche qui évolue dans une riante campagne auprès d’adorables bambins et d’une sympathique bande d’animaux.

Il participe à l’ensemble des 72 numéros de ce charmant journal qui cesse sa parution en octobre 1963.

Bien que rarement crédités, certains scénarios sont écrits par Gilda : l’épouse du dessinateur.

« Pipolin » Pipolin n° 7 (avril 1958).

Notons que, dans ce périodique pour les enfants, il est aussi l’auteur de quelques illustrations.

« Pipolin » Pipolin n° 41 (février 1961).

Pendant et après Vaillant…

Lorsqu’il effectue ses premières recherches dans le but de travailler en France, Eduardo Coelho se rend aux éditions de Fleurus où travaillent plusieurs dessinateurs espagnols, exilés eux aussi.

C’est ainsi qu’il réalise la couverture du n° 7 de Cœurs vaillants du 16 février 1958 dédiée à « Blason d’argent » : le héros alors mis en images par l’Espagnol Francisco Hidalgo (voir Le photographe Francisco Hidalgo était aussi dessinateur de bandes dessinées…).

La même année, il livre « L’Apparition verte » : une histoire complète en trois pages parues dans le n° 10 d’Âmes vaillantes du 9 mars 1958.

Ce sont ses seules contributions à la presse catholique.

Depuis le début des années 1960, Roger Lécureux et Pierre Castex, mais aussi Jean Ollivier, collaborent aux petits formats des éditions Aventures et voyages animées par Bernadette Ratier. Ce sont bien entendu les aventures d’un Viking que Jean Ollivier imagine pour son ami portugais.

« Biorn le Viking » Brik n° 59 (02/1963).

Injustement contraint de quitter son village danois, Biorn prend la mer à la recherche de régions moins hostiles pour les siens. Au fil d’aventures mouvementées, Biorn lutte contre des populations sauvages, mais aussi contre la colère des dieux.

« Biorn le Viking » Brik n° 72 (03/1964).

Biorn est le héros de 17 épisodes de 20 pages publiés par le mensuel Brik, du n° 56 qui présente « La Loi du Nord » (novembre 1962) au n° 72 (mars 1964) avec « Witokino le sauvage ».

« Biorn le Viking » Pirates n° 21 (02/1966).

Le héros revient en 1966 dans le trimestriel Pirates pour 16 nouveaux épisodes de 20, puis de 40, pages proposées du n° 21 avec « L’Île des sacrifices » (février 1966) au n° 30 (mai 1968) avec « Erik le rouge ». L’ensemble de ces histoires est réédité dans Pirates de 1979 à 1981.

« Biorn le Viking » Pirates n° 29 (02/1968).

Les éditions Jeunesse et vacances créées par Lucienne Fonvielle, ancienne collaboratrice de Bernadette Ratier, font appel en 1964 au duo Ollivier/Coelho pour imaginer de nouvelles aventures de Cartouche, par ailleurs héros d’un film à succès de Philippe de Broca (1962).

Ce brigand aimé du peuple vole les riches pour venir en aide aux pauvres.

Ses aventures au fil de l’épée démarrent dans le premier numéro du format de poche Cartouche en juin 1969, avec l’épisode « La Coquille d’or ».

Faute de succès, le mensuel cesse de paraître au septième numéro en mars 1965.

Deux derniers épisodes sont publiés dans les n° 1 (mars 1966) et 3 du trimestriel Spécial Robin des bois.

Coelho, très à l’aise dans cet exercice, propose des pages en noir et blanc dynamiques de la France des années 1715. Aux neuf récits, s’ajoute un dixième épisode (dessiné par Gaston Jacquement) qui, lui, est publié dans Zora en 1974.

« Cartouche » Cartouche n° 6 (02/965).

En 1976, les éditions Larousse se lancent dans la bande dessinée avec la publication mensuelle de L’Histoire de France en bandes dessinées.

Pour réaliser les 24 fascicules proposant chacun deux récits de 24 pages, le rédacteur en chef Michel de France fait appel à une solide équipe de scénaristes et de dessinateurs, dont Jean Ollivier et Eduardo Coelho.

Le duo réalise sept histoires dans les n° 3, 4, 7, 9, 10, 14 et 18, de décembre 1976 à mars 1978 : « Les Loups de la mer », « Cap sur l’Angleterre », « Un chevalier du roi », « Le Roi fou » (scénario Jacques Bastian), « L’Universelle Aragne », « La Fayette au Nouveau Monde » et « Les Trois Glorieuses ».

Histoire de France en bandes dessinées : « Les Trois Glorieuses » (03/1978).

Ils poursuivent l’aventure Larousse avec La Découverte du monde, série de 24 fascicules proposés d’octobre 1978 à septembre 1980 : « Les Drakkars à l’Est », « La Route des épices », « Le Pirate et la sainte », « Mungo Park » (scénario Francis Lambert) et « Le Cinquième Continent » parus respectivement dans les n° 2, 5, 9, 16 et 20.

La Découverte du monde en bandes dessinées : « Des drakkars à l’ouest » n° 2 (11/1978).

Jonglant avec les époques avec aisance, Eduardo Coelho témoigne une fois de plus de sa passion pour l’Histoire.

La Découverte du monde en bandes dessinées : « La Route des épices » n° 5 (02/1979).

Publié en Allemagne par Gruner und Jahr, Yps est un hebdomadaire allemand inspiré par la formule Pif gadget, dont il traduit plusieurs histoires. Le succès étant au rendez-vous, l’éditeur décide de créer ses propres personnages, qu’il confie à des auteurs travaillant pour l’hebdomadaire français.

« Gerfried » Yps n° 174 (1979).

C’est ainsi que Jean Ollivier et Eduardo Coelho créent « Gerfried » : dont les aventures débutent en 1977 dans le n° 97 pour se terminer dans le n° 322 en 1981.

« Gerfried » Yps n° 180 (1979).

Gerfried est un Viking errant à la tignasse blonde qui parcourt les terres nordiques en compagnie de ses amis Hugo et Lothar, sans oublier son fidèle faucon dressé appelé Falke. Il combat l’injustice et plus particulièrement le pirate Klaus Einenfaust. Il est le héros de 40 épisodes complets de huit pages, demeurés, hélas !, inédits en France.

« Gerfried » Yps n° 242 (1980).

Fin de parcours…

À la fin des années 1970, les commandes se font plus rares. Pif gadget perd des lecteurs et ouvre ses pages à des histoires venues d’autres éditeurs, tandis que Larousse ne fait pas appel à lui pour son Histoire du Far West. 

Le temps des travaux de survie est venu, comme pour bien d’autres confrères de sa génération.

De 1979 à 1984, il illustre huit petits ouvrages de la collection Histoire juniors, puis un autre en 1990 : « Saint Louis », « Jeanne d’Arc », « Louis XI », « Christophe Colomb », « Les Croisades », « Léonard de Vinci », « Les Conquistadores », « Du Guesclin » et « De la guerre de Cent Ans à la Révolution ».

Réédités à plusieurs reprises, ces albums de petit format, richement illustrés, lui ont permis une fois encore d’assouvir sa passion pour l’Histoire.

« Jeanne d'Arc » Hachette collection Histoire junior (1979).

Retour à la bande dessinée avec « La Mémoire des Celtes » : une série ésotérique plus adulte, évoquant la quête amoureuse entre Élaine et Mi’oir au cœur de la chambre de cristal, qui lui permet de renouer avec Jean Ollivier. Deux albums sont publiés en 1985 et 1986 dans la collection Histoire histoires des éditions Hachette.

« La Mémoire des Celtes » T2 Hachette (1986).

La série, peut-être trop érotique pour un jeune lectorat, est abandonnée, alors qu’un troisième album entièrement réalisé demeure inédit.

« La Mémoire des Celtes » T3 photocopie d'un extrait d'une planche originale inédite (1986)

En 1985, pour la collection L’Archer vert des éditions Dargaud, il met en images « L’Île mystérieuse » de Jules Verne,dans un ouvrage mêlant illustrations et bande dessinée. Encore une tentative qui n’aura pas de suite.

« L’Île mystérieuse » Dargaud (1985).

On lui doit aussi les illustrations de quelques ouvrages écrits par Jean Ollivier : « Vikings conquérants de la mer » en 1976 pour La Farandole, « J’étais enfant au temps des Vikings » en 1982 aux éditions du Sorbier, « Une grande expédition viking » aux éditions Nathan en 1985, « Une colonie viking » aux éditions Albin Michel en 1985, et enfin « Le Viking du dernier rivage » aux éditions Hatier en 1993.

« Une colonie viking au Groenland » Albin Michel 1985.

« L'Uomo, le armi, le mura, l'armamento di cuoio e ferro nel Trecento italiano » Illustrazione italiana (1974).

Pour son Portugal quasi natal qui le redécouvre depuis quelques années, il illustre en 2000 un ouvrage sur l’évolution des navires du XIVe au début du XVIe siècle.

Certaines de ses premières histoires sont rééditées dans la reprise du Jornal do Cuto et dans Chito à partir de 1971, pour l’éditeur Lopez de Sousa.

D’autres récits anciens sont également proposés dans des albums. Considéré en Italie comme un spécialiste de l’iconographie historique, il publie des ouvrages qui font autorité : « L’Arte dell’armatura » en 1967 et « Armi bianche italiane » en 1975 aux éditions Bramante ou « L’Uomo, le armi, le mura, l’armamento di cuoio e ferro nel Trecento italiano »  édité par l’illustrazione italiana en 1974.

Pour la République de Saint-Marin, il dessine « Marino, el Santo di Titano » (scénario Gianfranco Angeli) aux éditions AIEP en 1996.

Pour l’anecdote, en 1984, il adapte en quatre pages « Novella LXIV » de Franco Sacchetti dans le n° 4 de la revue Comic Art< .

En 1973, au salon de Lucca, il obtient le Yellow Kid du meilleur dessinateur étranger pour son « Robin des bois ».

Sans travail, il se tourne vers la bande dessinée érotique en adaptant, en deux volumes, le « Decameron » de Boccace : ceci avec Jorge Magalhaès, en 1988 et 1989, pour les éditions Futura au Portugal.

Planche originale du « Decameron » Futura (1988).

Pour le même éditeur, dans un autre registre, il dessine « Fatima » en 1985.

« Fatima » Futura (1985).

Ses années de clandestinité n’ayant pas favorisé ses droits à la retraite, Eduardo Coelho finit sa vie dans la misère.

Il décède à la suite d’un arrêt cardiaque à l’hôpital de Florence le 31 mai 2005, quelques mois après la disparition de son épouse.

On ne peut que regretter que cette œuvre imposante et riche soit aujourd’hui inaccessible pour les nouvelles générations de lecteurs.

Le n° 142 de Hop ! (juin 2014) lui a consacré un précieux dossier et vous pouvez retrouver d’autres images peu connues de cet impressionnant dessinateur sur le forum du site https://lectraymond.forumactif.com/t317-coelho.

Henri FILIPPINI

Relecture, corrections, rajouts, compléments d’information et mise en pages : Gilles RATIER (avec l’aide de Philippe Tomblaine)

Une planche originale de « Gerfried ».

Galerie

Une réponse à Eduardo Teixeira Coelho : le maître portugais (seconde et ultime partie) !

  1. marcelinswitch dit :

    Merci pour ce dossier en 2 parties.
    « Le Furet », une des séries les plus méconnues du duo Ollivier / Coelho est un petit bijou mais si on ne possède pas les « Pif », c’est en effet compliqué de la lire.
    Merci pour le visuel d’une planche du 3e tome resté inédit de « La Mémoire des Celtes ».
    En espérant qu’un jour un éditeur patrimonial valorise tout ce travail.

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