Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Quelle fin magistrale pour le premier cycle de la série « Les 5 Terres » ! Vivement le second cycle…
Succès critique et énorme succès populaire pour cette série animalière médiévale débutée à l’automne 2019. « Les 5 Terres », c’est une tragédie antique dans un monde zoomorphique médiéval complexe et crédible. Plusieurs intrigues se croisent pour mieux surprendre un lecteur subjugué par la richesse du scénario et les détails graphiques de planches superbement composées.
Nous vous avions entretenu du premier volume de la série « Les 5 Terres » dans cet article. Nous y relevions toutes ses qualités et nous prédisions un bel avenir à cette série chorale : « Tel est l’incipit de ce qui pourrait bien être la série à succès des années 2020 ». Prédiction confirmée par les excellentes ventes des six premiers volumes, en cinquième place pour les bandes dessinées d’après le « Top 20 GfK/Livres Hebdo » transcrit dans notre dernier Zoom sur les meilleures ventes.
Présentons rapidement le cadre et les enjeux de cette série bluffante. Le royaume des Cinq Terres est composé de cinq îles peuplées d’animaux anthropomorphes différents ; Lys celle des primates, Ithara pour les reptiles, Erinal, celle de herbivores, Arnor le pays des ours et enfin Angleon, l’île centrale, l’île capitale peuplée de félins.
Le château d’Angleon est le lieu d’une âpre lutte de pouvoir entre clan des tigres et celui des lions. La dynastie régnante est celle des Magneon dont le destin comme celui des Atrides est marqué par les complots, la violence et les meurtres.
Après la mort du vieux roi Cyrus, Hirius, son neveu au caractère instable est monté sur le trône, mais victime d’une conspiration, c’est son jeune frère Mederion qui dirige désormais le royaume. Intelligent et manipulateur, le nouveau dirigeant réforme l’état tout en utilisant la violence quand il l’estime nécessaire.
Ce sixième volume débute dans ambiance trouble et délétère. Une révolte étudiante, naïve et mal conçue, a été réprimée dans le sang. La raison d’État a primé. Pour le roi Mederion, l’ordre est nécessaire avant d’entamer un grand programme de réformes. Il l’explique à Terys, son amant et principal conseiller. Mais ce principal ministre, appelé l’Ombre du roi, est inquiet : certains étudiants veulent venger la disparition de leurs amis, les jeunes otages des quatre autres peuples retenus au palais cherchent à s’évader et on est sans nouvelle d’Astrelia la cousine du roi qui a fui la capitale.
Comme pour les cinq volumes précédents, l’intrigue est riche et variée. Elle concerne une quinzaine de personnages à la psychologie complexe et aux motivations composites.
Le scénario est pourtant limpide, on suit facilement ces récits parallèles qui mettent en jeu des considérations sur le pouvoir et sa pratique ainsi que sur les évolutions parfois contradictoires des sociétés. Mais aucune pesanteur ici, au contraire, des rebondissements vraiment inattendus dans une saga au long cours immersive car jamais caricaturale et toujours surprenante.
L’ambiance sombre de ce conte moyenâgeux évoque immanquablement la série feuilletonesque Game of Throne.
C’est à une belle équipe de professionnels que nous devons cet excellent scénario. C’est un véritable studio qui s’est organisé pour produire trois volumes par an de ce feuilleton à nul autre pareil. Le pseudonyme Lewelyn cache l’union de trois scénaristes, David Chauvel, Patrick Wong et Andoryss qui fournissent le récit à une équipe de graphistes ; Jérôme Lereculey au dessin, Didier Poli à la direction artistique et Dimitris Martinos aux couleurs. Et cela fonctionne très bien. Le dessin est excitant que ce soit pour des personnages animaliers anthropomorphes aux expressions aussi fines que les pensées que pour des décors grandioses ; du désert aux arcanes du palais.
Nous nous sommes immergé avec une délectation certaine dans cet univers de fiction cohérent et foisonnant comme l’a fait un large lectorat car l’intrigue est suffisamment ample et riche pour captiver des adolescents aux plus âgés. Si le premier cycle en six volumes est maintenant achevé, quatre autres sont encore à découvrir en commençant par celui consacré à la terre des Lys peuplé de primates. 30 albums sont donc prévus pour les 10 prochaines années, le tome 7 sera à découvrir dès cet automne. Nous sommes nombreux à avoir hâte de découvrir cette nouvelle saison…
.
Laurent LESSOUS (l@bd)
« Les 5 Terres T6 : Pas la force » par Jérôme Lereculey et Lewelyn (Andoryss, David Chauvel, Patrick Wong)
Éditions Delcourt (14,95 €) – EAN : 978-2-413-01934-3
Il s’agit là certainement de la plus belle série de bandes dessinées qu’il m’ait été donné de lire depuis très longtemps. Tout y frise la perfection. Un scénario au couteau , des dialogues d’une intelligence rare , un dessin de grande qualité. Au bout de 6 albums , on en redemande, cette série crée une addiction, facilement satisfaisante compte tenu du rythme de publication. Merci aux auteurs pour cette superbe série. Antoine