Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Comment le jeune Lancelot est devenu chevalier…
Avant d’être un modèle de chevalier et une figure emblématique de l’amour courtois, Lancelot a eu une enfance agitée, loin de ses parents, élevé par l’énigmatique fée Viviane. À la suite de cauchemars récurrents, le préadolescent décide de partir à la recherche de ses origines. Il est aidé dans cette quête par son amie Aliénor : la fille de Merlin. Un album qui prend brillamment la suite de la série jeunesse, médiévale et décalée, « Aliénor Mandragore ».
Toutes les nuits le jeune Lancelot est réveillé en sueur par le même cauchemar : il est poursuivi par un monstre rouge tentaculaire qui l’appelle « Mon beau trouvé », puis cherche à le dévorer. Viviane, sa mère adoptive, toujours présente près de son lit, essaye de le rassurer, du mieux qu’elle peut. Cependant, elle ne peut répondre à toutes les questions du garçon, notamment sur ses parents et sur le moment où elle l’a recueilli. Pour chasser définitivement ses mauvais rêves, Lancelot décide partir en quête de ses origines. Pour l’aider, la dame du lac lui confie un anneau magique qui a le pouvoir de révéler les enchantements maléfiques.
En route vers la ville la plus proche, Lancelot retrouve son amie Aliénor. Ils évoquent leurs aventures récentes dans les bois de Brocéliande quand ils ont affronté les épreuves des Korrigans. Depuis des cornes poussent sur le front du jeune homme et il s’en inquiète, deviendra-t-il un korrigan à son tour ? Mais très vite, il revient à son questionnement du moment.
Il doit pour en apprendre davantage sur son passé interroger un grand devin, un vate qui, pour des raisons mercantiles, a pris le nom de druide Bibi. Celui-ci les met sur la piste d’un château incendié dix ans plus tôt et d’une mystérieuse pierre de mémoire qui contient le souvenir de tout ce qui ne doit pas être oublié. Elle a été volé par un roi maudit, un certain Brandus des Îles.
La quête de Lancelot ne fait que commencer. Elle se poursuit dans la grande bibliothèque de la fée Morgane puis dans le château peuplé de fantôme du passé du roi Brandus. Il l’issue de ce voyage initiatique, Lancelot aura accompli ses premiers faits d’armes chevaleresques et découvert le secret de sa naissance. Il retourne, apaisé, auprès de la dame du lac. Plus tard, il accomplira des exploits avec les autres chevaliers de la Table ronde fondée par le roi Arthur.
Nous avons découvert le tout jeune Lancelot dans les aventures qu’il menait avec son amie Aliénor dans la très belle série jeunesse « Aliénor Mandragore », écrite et dessinée par les mêmes auteurs. Un article élogieux sur notre site évoquait en ces termes le premier album de la série :
« Deux jeunes auteurs BD revisitent avec humour et fraîcheur la légende arthurienne, ou tout du moins les relations entre l’enchanteur Merlin, la fée Morgane et Viviane, la dame du lac. Aliénor, une jeune fille malicieuse, perturbe l’ordre établi dans la forêt de Brocéliande. Pour le plus grand plaisir des lecteurs, grands et petits. »
« Lancelot, La pierre de mémoire » peut se lire indépendamment de la série précédente. C’est une histoire complète, peut-être le début d’une nouvelle série , qui sait ? Le talent de Séverine Gauthier ne nous est pas inconnu. Nous vous avons déjà entretenu de son travail pour la jeunesse sur  « Haïda, l’immortelle baleine », la série « Virginia », « Cœur de pierre », « Washita » ou « L’Épouvantable Peur d’Épiphanie Frayeur ».
Elle s’inspire ici des anciens textes de la légende arthurienne dans lequel le personnage de Lancelot apparait, et ce dès le XIIe siècle avec Chrétien de Troyes qui écrit pour Marie de Champagne, la fille d’Aliénor d’Aquitaine, – tiens, tiens ! -, pour construire son personnage de fiction. Dans ces textes médiévaux, Lancelot est le fils du roi Ban et de la reine Hélène qui meurent dans l’incendie de leu château par le traitre Claudas de la Terre Déserte. Le nourrisson est élevé par la fée Viviane, la dame du lac, avant de devenir adulte un modèle de chevalier et un héros courtois.
Sur cette trame légendaire, Séverine Gauthier construit un récit de fiction avec moult rebondissements et ce qu’il faut de magie et d’humour pour tenir en haleine petits et grands sur 56 pages. Le dessin coloré, vif et expressif, de Thomas Labourot apporte dynamisme et modernité à ce récit d’initiation médiéval décalé et intelligemment référencé.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Lancelot, La pierre de mémoire » par Thomas Labourot et Séverine Gauthier
Éditions Rue de Sèvres (13,00 €) – ISBN : 978-2-81021-379-5