N’hésitez pas à revenir régulièrement sur cet article, puisque nous l’alimenterons, jour après jour, avec tout que nous envoient nos amis dessinateurs, scénaristes, coloristes, libraires, organisateurs de festivals et éditeurs pour vous souhaiter de joyeuses fêtes : et ceci jusqu’à la fin du mois de janvier 2024 !
Lire la suite...Quand le créateur de « Popeye » dessinait Charlot !
Les éditions Veda, autre émanation des méritoires structures dirigées par le grand défenseur du patrimoine du 9e art populaire qu’est Georges Fernandes (le responsable du site http://www.bdtresor.net et du label De Varly) (1), ont entrepris de réhabiliter les adaptations de « Charlot » en bandes dessinées. Après celui du Français Mat (2), voici celui signé par l’Américain Elzie Crisler Segar : celui qui allait créer, une dizaine d’années après, le célèbre personnage de Popeye !
Dans un article écrit spécialement pour BDzoom.com (3), notre ami Henri Filippini avait déjà abordé l’histoire des différentes BD mettant en scène le vagabond immortalisé au cinéma par l’acteur britannique Charlie Chaplin.
Attardons-nous donc plutôt, ici, sur la version rééditée aujourd’hui et sur la carrière de son principal responsable : Elzie Crisler Segar.
Dans la deuxième décennie du vingtième siècle, Charlot jouissait d’une renommée mondiale et son passage du 7e au 9e art se produisit très vite aux États-Unis : seulement un an et un mois après sa première apparition dans le court métrage burlesque « Kid Auto Races at Venice Cal. » (« Charlot est content de lui »), diffusé le 7 février 1914.
Cependant, cette même année 1914, le dessinateur Ed Carey avait déjà représenté un sosie de Charlot, nommé Charlie Chawpman, dans la série « Pa’s (Imported) Son-in-Law » — rebaptisée quelques fois « Pa’s Family and their Friends » — qui avait été créée par Charles H. Wellington pour la McClure Syndicate, en 1913.
C’est donc le 29 mars 1915 que Charlot est officiellement adapté en BD dans un strip quotidien titré « Charlie Chaplin’s Comic Capers » : cette bande a été publiée jusqu’au 15 juillet 1916, mais la page du dimanche durera un peu plus longtemps (du 12 mars 1916 au 16 septembre 1917).
Cette version autorisée, l’une des premières bandes dessinées inspirées par la popularité d’une célébrité encore en vie, était diffusée par l’agence J. Keeley Syndicate : James Keeley étant l’influent propriétaire du Chicago Herald.
Le premier dessinateur de ce strip est Stewart W. « Stuart » Carothers — et non A. C. Carother comme on peut le lire très souvent dans les historiques francophones —, lequel campera un Charlot identique à celui de l’écran (c’est-à-dire affublé d’un chapeau melon et d’une canne).
Cet artiste qui travaillait déjà pour le J. Keeley Syndicate sur la série « The Movies of Haphazard Helen » décède tragiquement le 4 octobre 1915, à l’âge de 22 ans, en tombant d’une fenêtre du cinquième étage de l’hôtel DeJonghe à Chicago.Deux graphistes crédités comme Warren et Ramsey (et sur lesquels nous ne savons strictement rien) reprennent la série, jusqu’à ce qu’ils soient remplacés par Elzie C. Segar, dont ce sera le premier travail de dessinateur professionnel : en effet, ce dernier, né le 8 décembre 1894, vient juste de terminer de suivre les cours de dessin par correspondance de W. L. Evans. Son frère, qui habite à Chicago, lui obtient une rencontre avec Richard Felton Outcault : le créateur des bandes dessinées « The Yellow Kid » et « Buster Brown », lequel dirige alors une agence de publicité. Outcault le présente à James Keeley et, le 29 février 1916, Segar publie son premier strip de « Charlie Chaplin’s Comic Capers ».
Contrairement à ses prédécesseurs qui empruntaient, pour la plupart, des idées aux films de Chaplin, Segar imagine ses propres gags proches du vaudeville et attribue notamment à Charlot un petit acolyte nommé Luke the Gook.
Toutefois, malgré la popularité de Charlie Chaplin, cette adaptation n’a pas vraiment connu un grand succès aux États-Unis, certainement parce que les artistes impliqués n’étaient que des amateurs.
En revanche, elle a bien mieux résisté au Royaume-Uni, où cette bande dessinée est parue pendant des décennies dans le magazine hebdomadaire Funny Wonder.
Cependant, a été publié, chez M. A. Donohue & Co. à Chicago, en 1917, cinq albums brochés au format à l’italienne (dont les couvertures sont égrainées dans cet article) de « Charlie Chaplin’s Comic Capers », contenant la plupart des strips et sunday pages dus principalement à Segar, mais aussi à Stuart Carothers.
Ce sont les compilations de trois d’entre eux que Veda propose, aujourd’hui, avec ce petit album intitulé « Les Drôles d’Histoires de Charlot » : première traduction française du strip « Charlie Chaplin’s Comic Capers » (traduction réalisée par Philippe Nihoul).Quant à Elzie Chrisler Segar, dès le début de 1917 (année où il épouse Myrtle Johnson), il lance, dans le Chicago Herald, son propre strip : « Barry the Boob », qui met en scène un petit homme incapable envoyé sur le front français.
L’année suivante, il dessine « Looping the Loop » dans le Chicago American, journal du soir concurrent : ce long comic strip vertical étant consacré à l’actualité culturelle et mondaine de Chicago.
Fin 1919, William Curley, le directeur éditorial du Chicago American, conseille à Segar d’aller travailler à New York, pour un quotidien plus important de ce groupe de presse (The New York Journal), ce qui lui permettrait d’être diffusé nationalement si ses créations ont du succès.
C’est ainsi qu’on lui demande de réaliser un comic strip humoristique lié au théâtre et que le premier strip de « Thimble Theatre » (« Théâtre de poche » ou, littéralement, « Théâtre du dé à coudre ») est publié le 19 décembre 1919.
Il met déjà en scène les personnages d’Olive Oyl et d’Harold Hamgravy (qui sera renommé Ham Gravy), puis de Castor Oyl (le frère d’Olive).
Popeye y fera sa première apparition 10 ans plus tard (en janvier 1929) et leur volera la vedette.Il faut aussi préciser que « The Thimble Theatre » s’était amélioré, au fur et à mesure que Segar s’aguerrissait graphiquement, et que le strip commençait à être diffusé par le King Features Syndicate dans plusieurs journaux du groupe de presse.
Outre « Popeye » (à quand une véritable et belle intégrale en français des travaux de Segar ? [4]) qui lui prit pourtant pratiquement une grande partie de son énergie jusqu’à son décès dû à une leucémie foudroyante le 13 octobre 1938, Elzie Chrisler Segar proposera parallèlement deux autres bandes quotidiennes.La première, « The Five-Fifteen », créée en 1920, sera renommée « Sappo the Commuter » en 1923 et relancée comme topper — complément — de la nouvelle planche dominicale du « The Thimble Theatre », en 1925.
La seconde, « Funny Films », est introduite dans le coin supérieur droit de cette même page du dimanche, à partir de 1933, sous forme de petites histoires à découper et à faire coulisser dans un faux projecteur en papier : comme si c’était des dessins animés.
En 1934, « Funny Films » est remplacé par « Popeye’s Cartoon Club », où Segar donne des leçons de dessins et propose aux lecteurs de lui envoyer leurs gags.
Après une cinquantaine de livraisons du « Cartoon Club », « Funny Films » revient, ce qui va réduire la place accordée à « Sappo », strip qui devient finalement, en 1936, une nouvelle série didactique de dessin.
(1) Voir BDTrésor exhume ses archives….
(2) Voir Les « Charlot » de Mat réédités….
(3) Voir Charlot a cent ans !.
(4) On peut toujours se rabattre sur les huit volumes de la collection Copyright des éditions Futuropolis parus entre 1980 et 1988, dont certains exemplaires sont encore trouvables sur les sites de vente d’internet, mais bon…
« Les Drôles d’Histoires de Charlot » par Elzie Crisler Segar et collectif
Éditions Veda (14 €) — ISBN : 978-2-35739-005-8
Excellent article, merci monsieur Ratier.
C’est l’occasion de rendre en effet un vibrant hommage a la collection Copyright de Futuropolis dont la qualite reste inegalee a ce jour.
Merci pour vos compliments !
Bien cordialement
Gilles
Congrats beautiful Documents!