C’est devenu une tradition depuis quatre ans (1) : tous nos collaborateurs réguliers se donnent le mot, en fin d’année, pour une petite session de rattrapage ! Même s’il est assurément plus porté sur les classiques du 9e art et son patrimoine, BDzoom.com se veut quand même un site assez éclectique : pour preuve cette compilation de quelques albums de bandes dessinées que nous n’avions pas encore, pour diverses raisons, pu mettre en avant, lors de leurs sorties dans le courant de l’année 2024.
Lire la suite...« The New Teen Titans Tome 1 » : nouvelle équipe, nouveaux défis !
Premier imposant volume d’une intégrale de réédition prévue en quatre, ce « New Teen Titans » a tout pour ravir les fans de DC, les nostalgiques des années 80, et plus largement, les amateurs de comics ancrés dans une certaine science-fiction super-héroïque, d’autant plus que l’on aura au final enfin l’occasion de lire des épisodes qui n’étaient plus disponibles depuis les fascicules Artima d’époque (1). En effet, dans ces épisodes datés 1980, Marv Wolfman assure un scénario ambitieux, comme souvent, et George Pérez fascine par son inimitable et précieux style graphique. Un must have !
Marv Wolfman réintègre les éditions DC au début des années 80 (après y avoir travaillé 30 ans plus tôt). L’occasion pour lui d’Å“uvré avec Len Wein sur un épisode de ces jeunes super héros, il arrive fort de son expérience chez Marvel, avec des séries comme « Tomb of Dracula » devenues cultes depuis, mais aussi « The Man Called Nova », « Fantastic Four », « Spider-Man »… Lui qui, adolescent, ne supportait pas Robin et ses acolytes, ne comprenant pas comment on pouvait suggérer des jeunes aussi « bidons » dans les comics, s’était promis de donner une vision beaucoup plus réaliste et dynamique à ce genre de personnages s’il en avait l’occasion. C’est ce qu’il fait en 1980, avec son ami et rédacteur Len Wein, accompagné par le dessinateur George Perez, dont il a fait la connaissance chez Marvel. Un projet plutôt bien ficelé, puisque, malgré le rejet de la série originelle par les lecteurs et son arrêt depuis deux années consécutives, après le numéro 53, celui-ci convainc la direction pour quelques numéros. Si l’annonce provoque néanmoins l’ire des lecteurs, le premier numéro les rallie à sa cause. Malgré quelques soubresauts, cela va aller de mieux en mieux, pour exploser au numéro 6 et ne plus s’arrêter. Pourquoi un tel succès ?
Comme le rappelle lui-même le scénariste dans son introduction, datée de novembre 1998, les lecteurs en avaient soupé de ces sidekicks ridicules, arrivés dès les années 1940, par le biais de Robin, dans la série Batman. Un jeune garçon, partenaire un peu nunuche aux simples ordres d’un adulte. L’idée de l’auteur est de réécrire la genèse de ces jeunes Titans, (créés en 1966), en leur apportant la noirceur et l’indépendance qui leur manque et qui est un peu la caractéristique de ces années 70 tout juste finissantes appelées l’âge de bronze du comics. Marv Wolfman imagine une nouvelle équipe appelée Les nouveaux Teen Titans, et décrit des adolescents aux passés perturbés, comme leurs aînés, revendiquant leur libre arbitre, et se réunissant malgré eux dans une équipe – c’est le génie de ce nouveau départ – grâce à un être mystique nouveau : Raven.
Cette superbe jeune femme, elle-même issue d’une famille très compliquée, on le verra en détail dans l’épisode #6 : « Mise à mort », va devenir la clé de voûte de cette nouvelle équipe, même si y est ajouté deux autres nouveaux venus à l’occasion : Starfire, princesse Koriand’r, une belle extraterrestre aux cheveux roux bouclés, bannit de sa planète condamnée, et Cyborg : Victor Stone, un jeune sportif noir ayant été victime involontaire des expériences sur les portails interdimensionnels de ses 2 parents. Cet accident l’a amené à devenir à moitié bionique.
On le sent, le scénariste ne fait pas les choses à moitié. Cependant, il ne suffit pas de détailler les caractéristiques de chacun des nouveaux personnages, autour de Robin (Dick Grayson), Kid Flash (Wally West), Changelin (ex Beast Boy : Garfield Logan), et Wonder Girl (Donna Troy, l’Amazone). Marv Wolfman insuffle non seulement un ton punchy, avec des répliques vraiment « ados », et un humour acide, mais aussi des aventures relativement complexes, transportant notre nouvelle et fraîche équipe, pas encore soudée, à travers les dimensions. « Crisis on Infinite Earth », des mêmes auteurs, ne sera écrit que cinq ans plus tard, et on peut sans trop se tromper avancer que ces nouveaux Titans sont comme un signe avant-coureur de ce qui va se produire. Certes, Jack Kirby a déjà éclaté les limites avec les bases de son « Quatrième monde » dès le début des années 70, mais quand même…
Le père de Raven : Trigon, quasiment l’équivalent de Satan, a le pouvoir d’absorber les mondes de toute dimension interstellaire, et sa fille se sépare régulièrement de son corps pour voler au secours de ses amis, n’étant par contre pas sûr de rentrer à temps (cinq minutes) pour le réintégrer sans incident… Ces amis formant une équipe de choc lorsqu’ils arrivent à s’unir, rien ne semble pouvoir leur résister. En fait, le seul moment où la Ligue de justice se retrouve face à eux, dans l’épisode # 5 « Contre tous nos amis », celle-ci, manipulée par les cinq redoutables, eux-mêmes manipulés par Trigon, terminent « en poussière », et font en tous cas pâle figure face à nos jeunes héros. Un retournement de situation assez cocasse donnant envie de ne lire plus que les aventures de ces adolescents plein de fougue.
La richesse des scénarios suivants force le respect : que ce soit sur la mise en place de l’équipe, débutant sur les chapeaux de roue, avec un stratagème « d’avant-après » invoqué par Raven, faisant vivre à Robin des scènes qui ne se dérouleront en fait que bien plus tard, afin de l’amener, comme ses autres anciens collègues d’ailleurs, à mieux accepter la formation d’une toute nouvelle équipe, ou bien sur les passages opposant Trigon et sa « famille », dont Raven, les amenant dans son monde ravagé ; ou bien encore les scènes de quotidien de chaque membre, abordant, pour les plus décalés d’entre eux (Firestorm, Raven, ou Vic « Cyborg » Stone) leurs impressions de jeunes gens sur Terre, et leur place au cœur de la société américaine de l’époque, tout est pensé posément, avec imagination et justesse, forçant le respect. On pensera entre autres au passage où Vic Stone est abordé dans un parc, alors qu’il s’interroge sur sa différence d’homme bionique et une récente séparation, par un jeune garçon portant une prothèse de main, qui le trouve « trop cool ». Il n’en faut pas plus pour que notre héros s’investisse dans l’aide à cette école de jeunes handicapés, et retombe amoureux…
Et que dire des nombreuses ramifications offertes au fil de ce premier volume, abordant bien d’autres personnages, dont de drôles de méchants, comme celles mettant en scène l’exterminateur, le Marionnettiste, ou bien encore les origines de Changelin et Robot Man. Cet épisode se déroulant en Afrique, au Ghana, faisant d’ailleurs beaucoup penser, dans sa première partie, au culte « New X-Men » en terre sauvage avec Sauron (1977).
Enfin, comment ne pas rendre hommage au grand dessinateur qu’est George Perez ? Si ces planches sont marquées début années quatre-vingt, elles explosent de fraîcheur. Le dessin est limpide, les cadrages précis, bien équilibrés, les plans rapprochés nombreux, permettant d’apprécier chaque personnage, dont les visages et les formes sensuelles de chacune des héroïnes. Les scènes de batailles et d’action étant aussi claires et détaillées. Les encrages de Dick Giordano, Romeo Thangal, ou Frank Chiaramonte sont au top, et Adrienne Roy assure des couleurs tout à fait honorables, donnant tout son aspect vintage à ce comics de bientôt 40 ans.
L’empathie, dont sont capables de nous rendre complices les deux auteurs au cours de ces épisodes, grâce aux relations fortes existantes, entre autres, entre Raven, Wally, Starfire, Robin et Changelin, est remarquable, et justifierait presque à elle seule le statut particulier dont jouit ce comics depuis 40 ans. Il faut être de marbre pour ne pas se sentir happer par ces personnages. Aussi, « New Teen Titans » parlera à tous celles et ceux qui n’ont pas laissé entièrement derrière eux leur âme d’enfant. J’espère que l’on est encore nombreux. 
DC classique ? DC culte !
Franck GUIGUE
(1) Il fut un temps pas si lointain où les éditions DC étaient éditées par Panini en France. Deux volumes d’intégrale des (New) Teen Titans ont déjà été rendus disponibles, après les fascicules précédemment cités, dans leur collection DC archives, en 2006-2007. T1 (1980-1981) T2 (1982-1983).
« The New Teen Titans : intégrale tome 1 » par Marv Wolfman, George Perez…
Éditions Urban comics (35€) – EAN : 9782365774000
D’autant qu’arrivent bientôt les épisodes dessinés par le fabuleux et iconique José Luis Garcia Lopez,une référence encore aujourd’hui pour beaucoup de dessinateurs.