« Le Chemisier » par Bastien Vivès

Avec ce nouvel opus de 200 pages qui se lisent d’une traite, Bastien Vivès nous propose un roman graphique dans la lignée de ses précédents travaux (1), même si l’on y décèle son envie de se renouveler. Cela dit, l’heureuse cohabitation de son écriture cinématographique (très inspirée par celles des réalisateurs de cinéma français des années soixante-dix comme Sautet, Rohmer, Melville ou Pialat) et de son trait sensuel (ses scènes érotiques sont toujours aussi voluptueuses) fait, ici, une nouvelle fois merveille…

Séverine est une jeune et jolie étudiante en Lettres qui, pour arrondir ses fins de mois, fait du baby-sitting pour un couple de bourgeois parisiens. Un soir, leur petite fille régurgite son repas sur la séduisante gardienne d’enfants et le père lui prête un chemisier en soie appartenant à sa femme. Ce vêtement, qu’elle n’a pas l’habitude de porter dans son habituel milieu social, va alors transformer Séverine ; laquelle expérimente l’investiture que lui donne cette seconde peau, acquérant, alors, une assurance inédite et prenant conscience de son grand pouvoir de séduction.

Intimisme et audace sont donc au programme de ce portrait d’une jeune femme d’une vingtaine d’années : parfaite représentante d’une génération désabusée, individualiste et au quotidien sans rugosité, mais qui s’inquiète pourtant de la violence qui l’entoure, tout en passant, sans arrêt, d’un écran à un autre.

Le style dépouillé et spontané, voire esquissé ou inachevé, de Bastien Vivès dégage un charme indéniable et sa narration, parfaitement maîtrisée, nous permet d’apprécier toutes les impulsions qu’il donne dans chaque case, ainsi que tous les mouvements qu’il immisce dans la composition générale de la page. Ceci jusqu’à la fin… ouverte, comme il se doit : la plupart des situations étant laissées, par ailleurs, à l’appréciation du lecteur…

Malgré l’impression de convenances de ce nouveau récit sur les relations hommes/femmes, on sent toutefois que le créateur de « Polina » (ouvrage récompensé par le Grand Prix de la critique 2012 et adapté au cinéma réalisé par Valérie Müller et Angelin Preljocaj en 2016), tente d’explorer, ici, la liberté que lui a apportée récemment sa position d’auteur phare et qu’il commence, enfin, à sortir de sa zone de confort…

Gilles RATIER

(1) Voir : « Une sœur » par Bastien Vivès, « La Grande Odalisque T1 et T2 Olympia » par Jérôme Mulot, Florent Ruppert et Bastien Vivès, « Last Man » par Mickaël Sanlaville, Balak et Bastien Vivès,« Les Melons de la colère » par Bastien Vivés et « Polina ».

« Le Chemisier » par Bastien Vivès

Éditions Casterman (20 €) — ISBN 978-2-203-16877-0

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