« L’Homme gribouillé » par Frederik Peeters et Serge Lehman

Que voilà un étonnant roman graphique, entre récit gothique fantastique, thriller au rythme insoutenable, et réflexion ou psychanalyse sur la transmission ! Une histoire de famille, ou plutôt de femmes, où un affreux golem ayant l’apparence d’un corbeau vient du fond des âges pour les hanter, le tout dans une ambiance bien lourde et fort humide…

Une lignée de dames est donc la cible de cette étrange figure mythologique dotée de bec et de serres : Maud est une écrivaine de livres pour enfants très célèbre, Betty (sa quarantenaire de fille, qui est aussi son éditrice) est déprimée et fragilisée par des crises d’aphonie, et Clara est une adolescente vive et clairvoyante que Betty élève seule.

Alors que Maud est victime d’un AVC et se retrouve plongée provisoirement dans le coma, Clara, seule dans leur appartement parisien, est la première à être confrontée à l’inquiétant et agressif individu au costume d’oiseau. Le monstre se dévoile rapidement être également un terrible maître-chanteur qui cherche à tout prix à récupérer un paquet que Maud devait lui remettre.

Et voilà la mère et la fille en partance pour un voyage initiatique où elles vont enquêter sur leurs origines dans la campagne franc-comtoise, se retrouvant au contact d’une mystérieuse équipe de géologues…Racontée comme cela, l’intrigue peut sembler partir dans tous les sens, et pourtant, le scénario inspiré de l’écrivain Serge Lehman est parfaitement développé et la narration aussi limpide que celle des feuilletons populaires des siècles précédents ou de certains mangas actuels. Pendant plus de 300 pages, on reste bluffé par les ramifications du récit ; mais aussi, et surtout, par le découpage et le graphisme impeccable de Frederik Peeters qui s’impose, de plus en plus, comme un digne successeur du grand Jean-Claude Forest.Le trait de l’auteur des « Pilules bleues » ou de la série de science-fiction « Aâma », pour ne citer que ses ouvrages les plus connus, est d’une fluidité exemplaire, coulant avec autant d’aisance que la pluie qui tombe à longueur de pages dans ce monumental parcours, où ressurgissent même des fantômes datant de la Seconde Guerre mondiale. Son fabuleux dessin, qui joue à merveille avec le noir, le blanc et le gris, n’a peut-être jamais été aussi maîtrisé et éblouissant dans son élégance et sa simplicité.

Gilles RATIER

 Pour lire d’autres chroniques bdzoomiennes sur les récents livres de Frederik Peeters, voir : « L’Odeur des garçons affamés » par Frederik Peeters et Loo Hui Phang, « Aâma » T2 (« La Multitude invisible ») par Frederik Peeters, « Aâma » T1 (« L’Odeur de la poussière chaude ») par Frederik Peeters ou « Château de sable » par F. Peeters et P. O. Lévy.

 « L’Homme gribouillé » par Frederik Peeters et Serge Lehman

Éditions Delcourt (30 €) — ISBN 978-2-7560-9625-4

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>